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divine, il s’attache à une erreur plus subile. Certaine secte (gnostique), d’un spiritualisme outré, en veut à tout l’ordre sensible, condamne en particulier les sacrements, y compris le baptême et l’eucharistie, nie le témoignage des Ecritures en faveur delà prière. Elle raisonne ainsi. Dieu connaît par avance toute chose et tous les besoins de l’homme ; à quoi bon les lui exprimer ? Par là, on fait injure à sa science ou à sa bonté. Par ailleurs, Dieu a, d’avance, réj ; lc toute chose. Il serait absurde de prier pour le lever du soleil : qu’on fasse ou non cette prière, le soleil ne s’en lèvera pas moins. De même, il serait absurde de prier pour n'éprouver pas, en été, les ardeurs de la canicule ; elles ne se feront ni plus ni moins sentir. Ainsi en est-il de toute prière. En particulier, il est absurde de prier pour demander la vertu. Car Dieu a fixé, dès l’origine du monde, la carrière de ses élus et la carrière des réprouvés. Aucune prière n’y changera rien. La prière est donc condamnée au nom de la prescience divine et de la toute-puissance divine (v).

A ce raisonnement fataliste, Origène oppose le fait indéniable du libre arbitre humain, démontré par toute la vie de l’humanité. Assurément Dieu a prévu toutes les libres démarches de l’homme et tout disposé en conséquence ; mais sa prescience n’en est pas la cause. L’homme prie : Dieu, en sa Providence, a décidé d’exaucer celui-ci, de ne pas exaucer celui-là, soit parce qu’il ne mérite pas d'être exaucé, soit parce qu’il demande ce qui ne lui est pas avantageux ; de coopérerau salut de celui-ci, d’abandonner cet autre à ses mauvais penchants (vi). Quant aux révolutions du soleil et des astres en général, elles n'échappent pas simplement au libre arbitre de l’homme, car il dépend de l’homme de donner au soleil et aux astres une voix pour louer Dieu (vu). Tout comme il dépend de nous, quand nous implorons l’assistance divine, de nous rendre dociles à Dieu par la direction de notre cœur (vm). C’est à quoi nous invitent maintes pages de l’Ecriture, qui recommandent le pardon des injures (ix), l’abandon à la Providence (x). Une telle prière réjouit Dieu et les anges (xi). Et comment ne serait-elle pas puissante, cette prière des saints qui monte d’un cœur possédé par Jésus, accompagnée d'œuvres saintes, réalisant le programme de cette invocation perpétuelle que demande l’Apôtre ? (xu) Tout nous y invite : l’exemple de Jésus, priant pour être exaucé ; les témoignages de l’Ecriture ; notre propre expérience. Des chrétiens, qui apprécient comme il faut les biens du salut, ne s’arrêtent pas aux biens inférieurs, mais élèvent plus haut l’ambition de leur prière (xni). Demandons les biens célestes, et les autres nous seront donnés par surcroît. Demandons, implorons, supplions ; sachons aussi rendre grâces (xiv). Que notre prière monte à Dieu le Père par l’intercession de son Fils, notre Grand Prêtre. Telle est la leçon du Christ (xv). Enfants du Père céleste, soyons unis dans la prière au Dieu vivant, dans lademandedes grandsbiens, des biens célestes. Pour les biens terrestres, sachons les abandonner à Dieu (xvi. xvu).

Après avoir expliqué les bienfaits de la prière, Origène aborde le commentaire de la prière par excellence, enseignée parle Seigneur à ses disciples. Elle se lit en saint Matthieu et en saint Luc, avec des variantes de texte et de circonstances qui portent Origène à croire que les deux évangélistes font écho à deux leçons distinctes, données en divers temps par le Seigneur (xvin). Avant tout, on observera comment le Seigneur recommande de fuir la vaine gloire : c’est là une disposition morale requise pour toute prière (xix). Il ne s’agit pas de poser devant 'es

hommes : la prière n’est pas un rôle qu’on joue sur un théâtre (xx) ; c’est une sainte réalité qui nous unit À Dieu(xxi).

Notre Père qui êtes aux deux. — Cette invocation est propre au NT. Ce n’est pas qu’on ne trouve dans l’AT. le nom de Père appliqué à Dieu et le nom d’enfants de Dieu appliqué aux Israélites. Mais le sentiment filial, qu’autorise et recommande la prière enseignée par le Christ, est une vraie nouveauté chrétienne. Gardons-nous de profaner ce nom d’enfants de Dieu, qui nous condamnerait si nous approchions de Dieu sans reproduire en nous les traits de son Fils (xxn). En invoquant le Père qui est aux cieux, nous écarterons toute imagination puérile : Dieu n’est pas renfermé dans le lieu. Mais nous adorons sa bonté, qui a daigné condescendre à notre faiblesse, et nous attendons pour une autre vie la révélation de sa gloire (xxm).

Que votre nom soit sanctifié. — Sanctifier Dieu en nous, cesera concevoir une juste idée de sa sainteté, de sa justice, et y conformer nos vies (xxiv).

Que votrerègne arrive. — Le règne de Dieu ennous est inauguré quand nous commençons d’obéir aux lois de l’Esprit ; nous demanderons qu’il croisse, par une élimination de plus en plus complète du péché, en attendant de se consommer par la résurrection glorieuse (xxv).

Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. — Nous réaliserons cette demande en accomplissant la volonté divine. Par « le ciel », on peut entendre la personne du Christ ; on peut aussi entendre les citoyens du ciel, en qui la volonté divine est pleinement réalisée. On souhaite aux hommes vivants de tendre vers cet idéal (xxvi).

Donnez-nous aujourd’hui notre pain substantiel. — Origène se refuse à entendre cette demande du pain du corps. Le sens est sûrement plus élevé : il s’agit de ce pain del'àme qu’est le Verbe de Dieu, Sagesse substantielle, nourriture de nos âmes. Le mot 'imoùiioi (qu’il dérive de ovtïo) désigne la vertu vivifiante de ce pain qui rassasie les anges et affermit les cœurs des enfants de Dieu. Qui mange de ce pain, est par lui transformé en Dieu ; qui s’en nourrit chaque jour, y puise le germe d’une vie éternelle (xxvn).

Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à nos débiteurs. — Tout homme a des dettes envers Dieu ; des dettes aussi envers les hommes et les anges. Malheur à qui ne les acquitte pas en cette vie ! D’autre part, nous avons aussi des débiteurs. Le moyen de trouver en Dieu un créancier indulgent, c’est de ne pas nous montrer créanciers intraitables envers autrui. Les prêtres, à qui Dieu a confié le redoutable pouvoir de remettre les dettes en son nom, ne doivent pas se faire illusion sur l'étenduede ce pouvoir. La rémission est subordonnée à la nature de la dette et au repentir du pécheur (xxvin).

Et ne nous induisez pas en tentation, mais délivrez-nous du mauvais, — Demande paradoxale, si l’on réfléchit que mainte page de l’Ecriture montre dans la tentation une loi de. notre existence présente. Comment Dieu nous soustrairait-il à cette loi ? Mais il ne s’agit pas de nous y soustraire ; il s’agit de nous rendre vainqueurs dans la lutte. Dieu ne rend pas toujours vainqueurs ceux dont la présomption ne peut être guérie que par les dures leçons de la tentation et de la chute. Il les livre pour un temps au péché, afin qu’ils en connaissent l’horreur. Cet abandon est parfois un trait miséricordieux de la Providence, qui conduit l’homme comme un être libre. A l’homme de comprendre et de se préparer à la tentation (xxix). Dieu nous délivre du mauvais, c’est-àdire du démon, en nous faisant triompher de ses perfides attaques (xxx).