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PRIÈRE

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tion divine demeure, orientée vers leur salut. Le mot du Sauveur sur Judas (Mat., xxvi, iL) : « Mieux vaudrait pour cet homme n’être pas venu au monde, n’empêche pas que Judas n’ait été prévenu de grâces très réelles, don de l’amour qui l’appelait à la vie. S’il a voulu se précipiter dans la mort, son aveuglement ne réagit pas sur la nature du don divin. El l’on ne peut, en thèse générale, demandera Dieu qu’il s’abstienne de répandre ses dons sur les hommes, parce que plusieurs les tourneront en poison pour leur àiue.

L’oeuvre divine demande à être considérée comme un tout. En dépit d’échecs partiels, inhérents à la condition de la nature déchue, elle demeure, au total un succès, sinon quant au nombre — (absolument grand, d’après Apoc.,

relativement petit, d’après

ce que suggère mat, , xxii, i£) — du moins quant à la valeur des élus 1 : tant la grâce divine a porté de fruits magnifiques ; si grand est le poids éternel de gloire produit par leurs elTorts passagers. Les mérites héroïques de la Sainte Vierge et des Saints comprennent surabondamment le déchet des réprouvés, déchet imputable à eux-mêmes s’il s’agit des adultes.

Ces considérations nous préparent à relire les pages de l’Evangile où le dogme de la prédestination est impliqué. Nous y reconnaîtrons l’accent d’une tendresse qui fait appel à tous, mais se heurte, en des cas particuliers, à la dureté du cœur de l’homme.

.l/i^.. xi, 20-22 : Je vous bénis, Père, Seigneur clu ciel et de la terre, parce que vous avez caché ces choses aux doctes et aux habiles et les avez révélées aux petits. Oui, Père, parce que tel fut votre bon plaisir. Toutes choses m’ont été données par mon Tère, rtnulne connait le Fils si ce n’est le Père et nul ne connait le Père si ce n’est le Fis et celui à qui le Fils a voulu le révéler. Venez à moi, vous tous qui j>einez et ployez sous le fardeau et je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug et mettez- vous à mon école car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos de vos âmes.

Mal., xxii, 8- 1 4 " Le roi dit à ses serviteurs : Le fe>tin des noces est prêt, mais les invités n étaient pas dignes ; allez donc auv carrefl urs des routes, et tous ceux que vous trouverez, invitez- les aux noces Et les serviteurs, s’étantrépandussurles chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, bons et mauvais ; et la salle des noces se remplit c’e convives. Or le roi. entrant pour voir les convives, remarqua un homme qui n’était pas revêtu de la robe nuptiale, et lui dit : Mon ami, comment ètes-vous entré sans avoir la robe nuptiale ? Alors le roi dit aux serviteurs : Liez-lui les pieds et les mains et jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.

loan., x, 14-16 ; 20-28 : Je suis le bon Pasteur, je connais mes brebis et mes brebis me connaissent comme mon Père me connait et comme je connais mon Pire ; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie, il faut que je les amène ; elles entendront ma voix et il y aura un seul bercail, un seul pasteur… Les œuvres que je fait au nom de mon Père témoignent pour moi ; mais vous ne croyez pas, parce que vous nVtes pas de mes brebis. Mes brebis entendent ma voix ; je les connais et elles me suivent ; je leurdonne la vie éternelle 1 telles ne périront jamais ; nul ne les arrachera de ma main.

L’appel dont parle Notre-Seigneur, ne coïncide pas avec l’appel dont parle saint Paul, Jiorn., viii, 30 :

1. La justification de la Providence au sujet de la Prédestination n’est pas principalementune question d’arithmétique. On nous dispensera de suivre sur ce terrain quelques auteurs catholiques, parmi lesquels il suffira de rappeler le R. P. A. Ca » t lei, s. i., Le rigorisme, le nombre des élus et la doctrine du salut, 1899 (2* éd.), et ses sévères contradicteurs les RPi. PP.,). Coppin, C. ss. R., La question de VEvaneile : Seigneur, y en aurait- il peu de sauvés ? » Bruxelles, 1899, et P. X. Godts, c. ss. r., De paucitate salvandurum quid docuerunt Sancti ? Rruxellis, 1899.

saint Paul a en vue l’appel efficace à la foi et au baptême, qui n’est point le partage de tous ; l’appel de Notre-Seigneur s’adresse à tous, encore qu’il demeure inefficace par le mauvais vouloir de quelques-uns.

Pourquoi la grâce divine, qui fait parfois l’effort de briser la résistance humaine, fait-elle cet effort pour ceux-ci et non pour ceux-là ? C’est le mystère de la Providence universelle, que saint Paul déclare insondable (Rom., XI, 33). On entrevoit néanmoins qu’il faut accuser la dureté de l’ingrate matière, non le savoir-faire et le bon vouloir du suprême Ouvrier, qui, de toute matière docile, tire un vase d’élection. Tel est le point de vue vrai etpacifiant pour l’homme responsable de son âme.

A. d’Alès.


PRIÈRE. — Le mot Prière présente diverses acceptions plus ou moins étendues : prière orale et prière mentale : prière liturgique ou officielle et prière privée, etc. Selon une acception restreinte, il désigne la demande faite par l’homme à la divinité, d’un certain bien. Selon une acception plus large, il désigne toute sorte d’entretien de la créature raisonnable avec Dieu. Ce que nous avons à dire de la prière, concerne surtout l’acception restreinte.

La prière juive a trouvé une expression incomparable dans les Psaumes (voir ce mot). Plus encore que la religion juive, dont elle a recueilli l’héritage, la religion chrétienne mérite d’être appelée la religion de la prière. En raison des relations très spéciales qu’elle voit entre Dieu et l’humanité, elle a développé la vie de famille surnaturelle, la prière confiante et filiale, l’entretien cœur à cœur avec Dieu. La piété chrétienne ne s’exprime pas seulement dans la liturgie de l’Eglise, — voir art. Culte chrétien ; elle se traduit par un approfondissement de la vie intérieure qui est, dans l’histoire des âmes, un phénomène sans parallèle et sans précédent. Cette histoire admirable a été écrite ; nous renverrons au beau livre de M. P. Pourrat, La spiritualité chrétienne. Tome I, Des origines de l’Eglise au Moyen Age (ig18) ; Tome II, Le Moyen Age (1921) ; Tome III, en préparation. Paris, Gabalda.

Il ne s’agit ici que de rappeler quelques principes et de résoudre quelques objections.

I. Enseignement du Nouveau Testament sur la Prière. — II. Enseignement des Pères. — III. Enseignement de saint Thomas d’Aquin. — IV. Ascétisme et Mystique au xvi" siècle. — V. Questions actuelles. — VI. Moralité de la Prière ; son efficacité. — VII. Histoire et psychologie de la Prière. — VIII. Une enquête moderne sur la Prière. — IX. Conclusion. — X. Appendice : L’Apostolat de la Prière.

I. Enseignement du Nouveau Testament. — La prière, dont Jésus-Christ enseigna le devoir par sa parole et par son exemple, demeure une nécessité vitale pour les fidèlesqui gardent sa doctrine et aspirent à vivre de sa vie. Prière qui unit l’homme à Dieu dans un commerce filial ; très particulièrement, prière qui expose à Dieu les besoins de l’homme et en implore assistance. A la requête de ses disciples, le Maître leur enseigne la formule delà prière parfaite, renfermant deux sériesde demandes : les premières pour l’accomplissement de la volonté de Dieu en terre ; les autres pour le bien temporel et spirituel de l’homme (Mat., vi, g- 13 ; Luc, xi, i-4). Il promettait bon accueil à la prière, pourvu qu’elle vint d’un cœur charitable, en paix avec le prochain (Mat., v, 23. i’a). Non seulement il recommandait la