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PRÉDESTINATION

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y a une distribution des bienfaits de Dieu, par où sont menés infailliblement au salut ceux qui les reçoivent, cette distribution ne peut être au^si purement gratuite qu’elle l’est dans l’exécution, qu’el.e ne le soit autant et aussi certainement dans la prescience et la prédestination divine ; do sorte que l’un et 1 autre est également de la foi.

Cependant on a vu Petau opposer saint Augustin aux autres Pères, à peu près connue la prédestination aille prævisa mérita à la prédestination post prævisa mérita. Ce jugement paraît contraire à celui de Bossuet Où est la vérité ? Si nous n’avons pas erre ci-dessus dans notre analysedela pensée nugustinienne, le point de vue proprement augustinien est celui de la prédestination totale à la grâce et à la gloire, non celui de la prédestination spéciale à la gloire. Là-dessus, Bossuet et Bellarmin paraissent avoir raison contre Petau, quiexagère le conflit entre saint Augustin et les autres Pères. Par ailleurs, on peut accorder à Petau — et nous croyons que le pape Célestin, à la lin de sa lettre célèbre aux évoques de Gaule, n’y contredit pas — que le saint Augustin de la dernière manière, par ses formules outrancières et par ses prétentions, donne aisément L’impression d’un esprit différent de celui des Grecs. Il n’est pas exact de dire que l’Eglise a canonisé toutes les assertions d’Augustin. Sur l’universalité, delà volonté salvilique, sur le sort des enfants morts sans baptême, l’enseignement de l’Eglise dépasse et parfois redresse Augustin. En fait, ses formules ont reçu des interprétations multiples, les unes abusives et fausses jusqu’à l’hérésie inclusivement, les autres plus ou moins plausibles. On discute làdessus depuis quinze siècles. Voir dans D.T C, les art. Augustinianisme et Augustinisme par le P. Porta lié. Et ci-dessus, col. a13-a16.

Le cardinal Noris, O. S. Aug. (-j- 170/4), dans ses Vindiciæ augustinianae, c iii, § 7, voir/*. /.., XLVII, p. 680-682, se fait le répondant de saint Augustin, accusé de certains excès de langage au sujet dj prédestination. Il ajoute : Sententiam illam de gratuita prædestinatione ad gloriam ante prævisa mérita docuere sanctus Prosper, sanctus Fulgentius, imo cam Fulgentio Patres synodi Sardiniensis…

FÉneloN, après avoir relaté le système de Malebranche sur la Nature et la Grâce, adresse au P. Lami, Bénédictin, une lettre sur la Prédestination, mode loi !  :’précision théologique et de sens apologétique quilleti 708). — Œuvres, éd. de Paris, 18 ; Jo, t. III, p. 280 297 C. du Plessis d’Aroextré (71740, évêque de Tulle), publiait, en 1710 : De Prædestinatione ad gloriam et Reprobatione Commentarium historieum (Parls.appendice au vol. III îles œuvres de Martin Grandin). Précieux recueil, où l’on trouve analysé, avec beaucoup de conscience et d’exactitude, le sentiment de plus de six cents auteurs qui ont traité de la Prédestination, Nous ne 1’avons connu qu’en achevant le présent travail et ne saurions mieux faire que d’y renvoyer. Au chap. s, § i, p 307-212, l’auteur présente des conclusions d’ensemble ; nous abrégeons :

I. Les anciens Scolastiques, on matière de prédestination, traitent d’ordinaire la question d’ensemble, considérant la

et la gloire comme un tout. Sur la question spéciale de la prédestination à la gloire, leur sentiment ressort du langage qu’ils tiennent soit sur la réprobation, soit sur l’œuvre du salut Les uns insistent sur le bon plaisir divin qui favorise les uns et non pas les autres : ce sont les théologiens do la prédestination gratuite à la gloire. Les autres Insistent sur la providence générale qui met à la portée de tous les adultes des grâces suffisantes fainsi Alexandre do Aies et Henri de Gand). Ce sont les théologiens de la prédestination à la gloire rx piævisis meritil,

II. La controverse moderne sur la prédestination à la gloiro ante ou post prævisa mérita, était inconnue des Pères et

des anciens scolasti ques. Ils se demandaient seulement pourquoi tel est prédestiné, toi autre ne 1 est pas ; et ils se voyaient amenés à distinguer, dans l’objet du décret de prédestination, le terme et les moyens. L’ordre de succession entre le but et les moyens les intéressait peu ; Scot, le premier, y donna une attention spéciale. La question de la prédestination ante ou pust prævisa mérita fut posée en propres termes par P.erre d’Ailly (f 14ao). Depuis lors on l’a souvent reprise.

III. Les anciens docteurs scolasliques, comme Alexandre de Aies, Albert le Grand, saint Thomas, quand ils parlent de la cause de la prédestination, soulèvent deux questions. D’abord, la prédestination et la réprobation en général ont-elles une cause en Dieu > Ils répondent qu’il n’en faut pas chercher d’autre que la miséricorde divine d’une part, la justice divine d’autre part. Si 1 on demande pourquoi Dieu prédestine ceux-ci et non pas ceux-là, ou bien ils font appel au bon plaisir divin ou ils répondent eu soulevant une deuxième question : la réprobation a-t-elle une cause en l’homme ?

IV. Cette deuxième question peut s’entendre ou d’une cause physique, agissant réellement sur Dieu, ou d’une cause morale, autrement dit d’une raison prise en considération par Dieu. Tou, les scolastiques sont unanimes à exclure l’idée d’une cause physique : Nihit temporale potest esse causa æ terni. Mais, avec saint Thomas, ils s’accordent à dire que Dieu peut prendre en considération telle raison pour so déterminer librement. Ainsi prend-il en considération le péché prévu, peur se déterminer à sévir contre le pécheur. En ce sens, Alexandre de Aies, saint ilonaventure et autres parlent des mérites prévus comme étant au regard de Dieu une raison de convenance, rati.i congruilatis, et une cause morale de la prédestination. D’autres réprouvent ce langage, et ne veulent entendre parler en aucun sens de prédestination à la gloire propter mérita prævisa. En quoi ils demandent à être entendus bénignement. Ou bien l’on avouera que leurs arguments prouvent trop.

V. Après l’origine delà controverse pélagienne, saint Augustin parait enseigner que la prédestination à la gloire ne dépend pas de la prévision des mérites ; il a été suivi par la plupart des Pères latins et par la foule des Scolastiques, à commencer par le.Maître des Sentences, saint Thomas et >cot. Mais les Pères grecs et presque tous les théologiens grecs à la suite de saint loan Chrysoslome, défendent ouvertement que la prédestination à la gloiro dépend de la prévision des mérites En présence de ce désaccord, l’Eglise n’a rien défini jusqu’à ce jour.

VI. En faveur de la prédestination à la gloire ante prævisa mérita, on peut so prononcer de deux manières. Ou bien Ion admet eu Dieu, même après la chute d dani, une volonté sincère do sauver tous les hommes, prédestinés ou non, de donner à tous en général) des moyons suffisants pour lo salut, et de ne réprouver absolument qu’en considération des démérites. Ou bien l’on admet cette volonté au regard do l’humanité cjni ne telle, mais non pas de l’humanité déchue. C’est 1 attitude de l’h-résie prédestinatienne, renouvelée par Calvin et Jansénius, d’après une exégèse fausse de I l’iin., II,

VIL Beaucoup d’anciens scolastiques, à la suite du Maitre des Sentences, ont conclu de Rom., ix, n à la réprobation ante />rævisa mérita. Mais ils y ont mis ce tempérament : par réprobation ils entendaient la négation d’une prédestination positive, lo défaut de grâces sûrement efficaces, mais non l’exclusion absolue de la gloire et la damnation proprement dite, sinon en conséquence des démérites prévus. Selon la multitude des scolastiques, cette réprobation négative ne comporte que le refus de grâces sûrement efficaces. Mais Scot, qui distingue subtilement divers instants de raison dans le décret divin, la fait consister dans une certaine suspension de ce décret. Pure question de mots.

VIII. Parmi les scolastiques antérieurs au concile de Trente, à peine en trouvo-t on quelques-uns (comme Thomas Hradwardi ne et Grégoire de Rimini] qui voient dans la non -prédestination une exclusion absolue de la gloiro céleste.

IX. Ouelques néothomistes pensent quo la réprobation — c’est à-diro l’exclusion absolue du royaume des cioux. — est prononcée non seulement ante prævisa opéra, mais encore ante prævisum Adue peccatum, par un pur acte du bon plaisir divin. C est là une opinion inouïe chez les Pères et chez lesanciens scolastiques. Ils allèguent que la béatïlitude surnaturelle est un don tout gratuit, que Dieu peut rofuser selon son bon plai-ir. Absolument parlant, on doit