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PRÉDESTINATION

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accablé de tristesse, ile prosterna en prière dans evant un autel, et repassait en lui-même

en disant : « Oh ! si je savais que je dusse persévérer 1 « Aussitôt il entendit intérieurete divine réponse : Si tu le savais, que lu faire ? Fois maintenant ce que tu voudrais faire alors, et tn goûteras une grande paix. » Aussitôt consolé et fortifié, il s’abandonna à la volonté di ! Dieu, et ses fluctuations anxieuses cessèrent. Il s’abstint de rechercher curieusement ce qui lui devait advenir ; il s’appliqua plutôt à reconnaître le laisirde I) eu et sa parfaite volonté, pour entreprendre et parfaire tonte lionne œuvre »

Nicolas k Miuabilibos, O. P., qui prêchait en Hongrie à la lin (lu xv = siècle, conseille aux simples de ne pas se plonger dans les arcanes de la prédestination : il doit leur su (lire de savoir que, s’ils vivent bien. nveront. A l’usage des doctes, il éla bore un essai d’explication, où il combine l’enseignement de saint Thomas, sur la gratuité totale de la prédestination, avec les considérations de Pierre lis O. S. F. (’1 3 > -. ».), tendant à montrer la volonté humaine cause négative de la prédestination

— en ce sens que, p nr être p >' destiné, l’homme doit ne pas mettre d’obstacle final à la grâce divine. Tel est le fond du traité sur In Prédestination, composé par Nicolas en 1 4 » ^ -, publié tout récemment par C. Jellouschek O. S. B., Vienne, 1918.

Dans son Chrytopassus (Augustæ Vindelicorum, 1514, fol.), le théologien catholique Eckius (Mans Maier) passe en revue l’enseignement des écoles sur la prédestination. En négligeant beaucoup de nuan-il distingue trois courants de doctrine, deux courants extrêmes et un courant moyen. Saint Thomas est le plus grand nom du premier courant extrême, qui explique soit la prédestination, soit la réprobation, sans recourir à aucune considération prise hors de Dieu. Saint Bonaventure est le plus grand nom du second courant extrême, qui prend en considération les mérites ou démérites de la créature pour expliquer soit la prédestination, soit la réprobation. Duns Scot est le grand nom du courant moyen, qui l’ait intervenir la considération des actes de la créature pour expliquer la réprobation, mais non pour expliquer la prédestination. Personnellement, Eckius s’attache à la solution de saint Bonaventure : c’est donc un théologien de la prédestination post rae-’isa mérita et de la réprobation post præiisa démérita. Il sera bientôt l’un des plus notables contradicteurs de Luther.

Diukoo, théologien de Louvain (-J- 1 535), dans son ouvrage posthume De concordia lihcri arbitrii et prædestinationis divinæ (Lovanii, j 537, 4°) » trace avec beaucoup de fermeté la voie de la doctrine catholique contre les erreurs extrêmes. Il discute, d’après saint Augustin, l’assertion scripturaire de la volonté salvifique, p. 66-68. Il marque, d’après saint Thomas, comment il n’y a pas de cause de la prédestination comme telle, mais comment il y a des relations de cause à effet dans l’objet de la prédestination, p. 86. Sur le rôle de la prescience dans la prédestination et la réprobation, il s’exprime ainsi, p. ioi-io3 : La prescience des mérites ne peut être la raison de la prédestination, car les mérites de l’homme sont eux-mêmes unefTet de la prédestination divine. Mais la prescience des péchés peut être la raison de la réprobation — si l’on entend par réprobation la volonté divined’ibandonner l’homme pécheur et de le livrer à la damnation. En effet, les péchés sont de l’homme, non de Dieu ; aussi peuvent-ils être cause que Dieu veut abandonner le pécheur et ne pas lui conférer la grâce, mais l’exclure du royaume des cieux etlelivrer à la damnation. Cette volonté divine

n’appartient pas à la directe et première Intention de Dieu créant la nature humaine, mais elle appartient à l’intention de Dieu châtiant le péché. Par la on concilie les textes scripluraires qui présentent In damnation du pécheur tantôt comme l’effet d’un bon plaisir divin, et tantôt comme l’effet de la justice vindicative. Les premiers se réfèrent à la volonté divine qui permet le péché, les seconds à la volonté divine qui le châtie. Dans cette perspective, l’exercice du libre arbitre humain apparaît conciliablc avec Llnfaillibleemoæilé delà prédestination divine, p. 1 36.

Dans le Commentaire du cardinal Cajetan, O. P. (t l534), sur la Somme tkéologique, nous soulignerons deux développements : i u Il précise le rôle de la prescience divine dans la prédestination ; a il analyse avec soin le motif de la réprobation.

i° Quanta laprescience divine, Cajetan fait observer, In q a3, art. i, une dilférence notable entre l’enseignement de saint Thomas et celui d’autres docteurs, tels que Scot, In Id., l. Pour ces auteurs, la prédestination est proprement affaire de choix, et donc de volonté. Pour saint Thomas, elle est d’abord a lia ire d’intelligence, comme la Providence en général. L’intelligence montre d’abord les voies ; ultérieurement le choix de la volonté divine fixe, par préférence, telles voies. Divinus intellectus, nostro more loquendo, primo excogitavit ordinetn eligendorum ac mittendorum in vitam aeternam, eunujue suæ voluntati proposait acceptandum ; deinde libère sua voluntas illum ordinem exequenc /nm elegit, et sic tertio ordo qui pn’us, i. e. seeundum se, rationem e.rcogitati liubebat, modo liabet rationem statuti. Diversitas igitur opinionum in hoc consistit quod illi ipsam electionem, quæ ordinem illum excogitatum ac proposition statuit, prædestinationis nomine intelhgendam dicunt ; nos auiemnon ordinem excogitatum, sed ordinem statutum in ipsa auctoris meute prædestinationis nomine significamus .

2° Le motif de la réprobation diffère essentiellement du motif de la prédestination ; car le motif de la prédestination est fait tout entier de bon plaisir divin, au contraire le motif de la réprobation est fait de justice vindicative. C’est pourquoi il renferme la prescience du démérite de la créature. D’ailleurs la permission du péché rentre dans l’objet matériel du décret de réprobation ; l’œuvre de la justice vindicative intervient ultérieurement, non comme voulue pour soi, mais comme voulue en conséquence du péché. In q. >3, art. 5 : Cum relucentia divinæ bonitutis, in iustitia piniitiva, finis et ratio teprobationis in littera dicitur, référendum est <id ipsos effectua reprobationis, se. permis sionem peccatorum et poenas culpæ præparatas ce/ rééditas, et non quoad peccatum… Non enim dicimusquod ideo De us permitlit peccata ut puniat, sed dicimus quod permittit, et punit propler relucehtiam iustitiæ suæ ; et quia hoc est totus reprobationis effectua, ideirco reprobationis ratio divina iustitia merito dicitur. En d’autres termes, la manifestation de la justice vindicative est le ressort intérieur de la réprobation. Mais elle n’est pas un but poursuivi pour lui-même. Seul, le but de la grâce miséricordieuse est poursuivi pour lui-même ; et cette poursuite a pour corollaire accidentel la réprobation de ceux qui se dérobent aux avances de la grâce miséricordieuse, car il importe à la suavité du gouvernement divin de ne pas plier toutes les volontés à un dessein uniforme : multænim suavitasregiminis deperiret, sipermissic non esset licita. C’est ainsi que Cajetan explique saint Thomas.