Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/118

Cette page n’a pas encore été corrigée

223

PREDESTINATION

224

cordiam Dei præcedere meritum bonum ; in damnatione au te m periturorum meritum malum præcedere iustum Dei ludicium. Prædestinalione aulem Deum ea tanlum statuisse quæ ipse vel gratuila misericordia vel iusto iudicio facturas erat…, in malis vero ipsorum malitiam præscivisse, quia ex ipsisest, non prædestinasse, quia ex Mo non est…

Chercher dans ce canon une allusion à la prædestinatio advitam aeternampræcisive sumptam, serait le mal entendre, comme l’a très bien montré le P.-L. Lohjj, S. /., Gregorianum, 1933, p. io3-io6. Mais là n’est pas le point le plus délicat. Rémi ne veut pas entendre parler de prædestinatio culpæ ; sur ce point, il est d’accord avec Hincmar et avec toute la tradition catholique. Il veut qu’on parle de prædestinatio poenae, et sur ce point il est encore d’accord avec Hincmar. Mais de la prædestinatio poenae, il passe à la prædestinatio rei ad poenam. C’est ce que n’avait point fait Hincmar. D’ailleurs il faut avouer que la différence est dans les mots plutôt que dans les choses, dès lors que l’on s’accorde à fonder la prædestinatio poenæ sur la præscientia culpae. C’est sur quoi, effectivement, les deux, adversaires s’accordent. Dès lors, il n’y a pas un abîme entre le point de vue d’où le premier maintenait Vuna prædestinatio et celui d’où le second conclut à la gemina prædestinatio.

Le /|e canon écarte l’assertion erronée d’une application effective du sang du Christ aux pécheurs damnés avant la passion, et prononce une condamnation sévère sur l’œuvre de Quierzy, à commencer par les capitula quattuor quæ a concilio fratrum nostrorum minus prospecte suscepta surit, propter inutililatem vel eliam noxietalem et errorem contrarium veritati.

Le 5e canon rappelle que tout le peuple chrétien est régénéré au baptême par le sang du Christ, mais que certains, par leur faute, se privent du fruit éternel de la rédemption.

Le 6’canon allirme l’attachement indéfectible du synode à la doctrine du concile de Carlhage (4 18) et du concile d’Orange (5jg) sur la grâce.

Entre les deux fractions de l’Eglise de Gaule, il y avait surtout des malentendus à dissiper. Le premier écrit composé par Hincmar, en 857-858, De prædestinalione (ouvrage perdu), n’atteignit pas immédiatement ce but. Les synodes de Langres et de Savonières (près Toul) en 869 n’opérèrent pas le rapprochement désiré. Un second écrit du même prélat De prædestinalione (celui que nous possédons, P. /.., CXXV, 65-^4) fit enfin la lumière, et lava définitivement l’auteur dureproche de semipélagianisme. La réconciliation fut consommée dans le synode national de Tuzey (près Toul) en octobre 860, sur les bases posées par Hincmar. Quant à Gotescalc, il devait mourir en 468 ou 469, irréductible dans son obstination.

Les principaux documents relatifs à l’affaire de Gotescalc se trouvent dans la Patrologie latine, à laquelle il faut joindre Mansi, Concilia, t. XIV et XV. Ils ont été réunis par Mangin, Veteres auctores qui sæculo IX de prædestinatione et gratia scripsernnt, Paris, 1650. — Sur cette histoire, voir Uni ki.k, Histoire des Conciles, 1. xxu (trad. Goschler-Delarc, t.V, p. 433-431 ; trad. Leclercq, t. IV, 1, p. 137-a35). On trouvera dans Hbkklb-Lkclbhcq, t. IV, p. 138, une riche bibliographie.

A la veille de la période scolastique, le langage de l’Eglise latine sur la prédestination achève de se fixer, sous l’influence prédominante de saint Augustin. Certains détails flottent encore.

Saint Anshlmk uk Canthrbury (y 1 109) se montre hospitalier à des formes de langage que d’autres trouveraient scandaleuses ; dans sa Conciliation de

la prescience divine avec le libre arbitre, il explique très bien en quel sens on peut parler do prédestination au mal (moral), sans préjudice de l’acception principale qui restreint aux œuvres propres de Dieu la prédestination proprement dite.

Dr concordia præscientiæ Dei cum libéra arbitrio, q. 11, a, P. L., CL VIII, 5ao AB : Prædestinatio non solum bonorum est, sed et malorum potest dici : quemadmodum Deus mala, quæ non facit, dicitur facere quia permittit. Nam dicitur kominem indurare cum none mollit, ac inducere in tentationem cum non libérât. Non est crgo inconveniens si hoc modo dicimus Deum prædeslinare malos et eorum mala opéra, quando eos et eorum mala opéra non corrigit. Sed bona specialius præscire et prædestinare dicitur, quia in Mis facit quod sunt et quod bona sunl : in malis aulem non nisi quod sunt essentialiter, non quod mala sunt.

La pensée de saint Anselme est parfaitement limpide ; mais la liberté de terminologie qu’il autorise présente plus d’inconvénients que d’avantages. De fait, la languechrélienne sel’interdit communément et réserve le nom de prédestination aux œuvres de grâce.

Un siècle après saint Anselme, Alger db Libqh (y n31) parle, lui aussi, de prædestinatio advitam et de prædestinatio ad mortem. Il explique judicieusement comment l’une et l’autre prædestinatio, doul l’effet se déroulesous le regard éternel de Dieu, laisse intacte la liberté de l’homme. Et il marque, dans l’intention divine, le rôle de certains moyens providentiels : les prières des saints et la fidélité à la grâce sont mises en œuvre par Dieu pour la réalisation de ses desseins tout miséricordieux. De libero arbitrio, P. L., CLXXX, 169-173.

Saint Bbrnard (-J* 1 1 53) aimeà plonger ses correspondants et ses auditeurs dans le mystère de la prédestination éternelle. Voir notamment Ep., cvii, Ad Thomam præpositum de Bcverla, 4- « o, P. L., CLX.XX1I, a44-a47. Il insiste d’une part sur l’initiative souveraine de la grâce, qui mène toute l’œuvre du salut de l’homme, depuis la prédestination éternelle jusqu’à la glorification effective ; d’autre part sur l’incertitude où demeure l’homme qui, au cours de cette vie, tient son propre sort en ses mains. Sur le premier point de vue, Ep., cvii, 5, a45 B : Quos ab aeterno prædestinat, in aeternum bcatificat, inlercedente sane média vocatione una cum iustificatione, dum taxât in adullis. — Scrm. in Ascensione Do mini 11, 5, P. L., CLXXXIII, 303 D : Proposilum namque Dei super illos manet immobile ; et misericordia huec ab aeterno et US que in aeternum super timentes eum : ab aeterno per prædestinationem, in aeternum per glorificationem. Similiter et in reprobis terribilis est super fiiios hominum, et utrinque stat fixa sententia aeternitatis, et in his qui suivi fiunt et in lus qui perçant. — Serm. pro Dom. 1 nov., i, , P. L., CLXXXIII, 353 A : lnitium meum solius gratiæ est, et non habeo quid milii in prædestinatione attribuant sive vocatione. — Serm. in Cant., xxiii, 15, ibid., 89a CD ; lxxviii, 3, ibid., 1 160 B. — Sur le second point de vue, fréquents rappels du texte de Ecole., ix, 1 : Nescit liomo si sit dignus amore an odio, De Septuag., Serm., i, 1, P.L., CLXXXIII, 163B ; In Oct. Paschae, Serm., 11, 3, ibid., 397 C, etc. — Conclusion pratique, Ep., cvii, 10, P.L., CLXXXII, 347 D : Intérim quidem glorictur in spe, nondumtamen m securitale ; InPs., xc, Serm., vii, 6, P. L., CLXXXIII, ao3 D : Quæ a Deo sunt, ordinata sunt. Num a prædestinalione ad magnificationem saltu quodam pervenies repentino ? Provide tibi médium pontem, aut inagis ingredere iam pnratum.

I’ihrub Lombard (-j- 1160) définit la prédestina-