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PREDESTINATION

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sentent avec la série précédente quelques points de contact, mais dans l’ensemble défigurent beaucoup plus grossièrement la doctrine d’Augustin. On hésite à identifier le Vincentius, désigné par le titre de ce recueil, avec le célèbre moine de Lérins, auteur du Commoniloritun. — Voir Prospbr, P. L., LI, 177186.

Les 9 Excerpta Genuensium sont des extraits textuels d’Augustin, De prædestinatione Sanctorum et De dono perseverantiae, présentés par les prêtres Camille et Théodore, qui avaient sollicité de Prosper quelques éclaircissements. /'. (., 11, 187-202.

Nous ne toucherons qu’un point, relatif au premier recueil.

Le dernier capitulum Gallorum était ainsi conçu : Qitod idem sit præscientia quud prædestinatio.On reprochait donc à Augustin d’avoir confondu prescience et prédestination. Prosper expliqua la différence qui, selon Augustin, existe entre ces deux notions. S’il s’agit des opérations de la grâce ou des sentences de la justice divine, la distinction peut paraître négligeable, les œuvres divines tombant également sous la prescience et la prédestination. Au contraire, s’agit-il des démarches du librearbitre humain à l’encontre de la volonté divine, la distinction importe beaucoup ; car ces démarches sont bien objet de prescience, niais non de prédestination. Et sur cette distinction, se fonde la justification de la Providence, qui laisse à l’homme coupable l’entière responsabilité de ses œuvres. Respons, ad cap. Gallorum, xv, P. L., LI, 170 B : Qui præscientiam Dei in nullo ab ipsius prædestinatione discernit, quod tribuendum est Deo de bonis, hoc ei etiam de malis conatur ascribere. Sed cum bona ad largitorem cooperatoremque eorum Deum, malaautem ad voluntariam ratiunalis creaturænequitiamreferenda sint, dubium non est, sine alla temporali differentia Deum ei præscisse si mulet prædestinasse quæ ipso erant auttore facienda vel quæ malis meritis iusto erant iudicio retribuenda ; præscisse autem tantummodo, non etiam prædestinasse, quæ non ex ipso erant causam operationis habitura. Potesl itaque sine prædestinatione esse præscientia, prædestinatio autem sine præscientia esse non potest.

Nous retrouvons les mêmes distinctions, avec la prédestination du châtiment, clans V Hypomnesticon contra Pelagianos et Cælestianos, écrit que le Moyen âge a quelquefois attribué à saint Augustin et qu’on s’accorde aujourd’hui à lui refuser. L. VI, v, 7, P. I.., XLV, 1661.

On reconnaîtra une inspiration pélagienne dans l'écrit anonyme publié en 1643 par Sirmond sous le nom de Prædestinatus, et qui a dû être composé à Rome, au temps du pape Sixte III (438-440). Voir P. L., LIIÎ, 587-G72. C’est une machine de guerre contre la doctrine de saint Augustin sur la grâce. Trois livres. Le premier comprend 90 courtes notices sur des hérésies, depuis Simon le magicien (1) jusqu’aux Prædestinati (90). Le second livre — assez court — expose à part la doctrine des Prædestinati ; l’auteur déclare ne l’avoir pas rédigé, mais l’avoir reçu d’une personne affiliée à la secte. La secte affecte de se régler sur la pensée d’Augustin, dans son manifeste qui circule sous le manteau ; en réalité, la pensée d’Augustin y est travestie et faussée, à peu près comme dans les Capitula Gallorum. On y voit notamment que Dieu fait les pécheurs comme il fait les justes, p. 622 B ; que le dogme de la prédestination dispense le chrétien de faire effort pour son salut, p. 623 BC ; que Dieu est la cause de son salut, à l’exclusion de la volonté de l’homme, p. 625 B, etc. Le troisième livre est une réfutation de la doctrine précédente, conçue non dans un esprit catholique, mais dans l’esprit de

Julien d’Eclane. — Il existe, sur le Prædestinatus, une étude de H. von Schubert, Texte und Untersuchungen, XXIV, 4, Leipzig, igo3. Sur l’origine probablement romaine du Prædestinatus, voircclte étude,

P- 77 Dans la chronique gauloise de l’an 452, Mon. Germ. hist., Auctores antiquissimi, t. IX, p. 656, on lit : Prædestinatianoriim hæresis, quæ ab Augustino accepisse initium dicitur, his temporibus serpere exorsa. Sur les origines de ce mouvement, voir J. Smmond, Historia prædestinutiana, dans P. L., LUI, p. 673 sqq.

Donc, au milieu du v" siècle, on signalait une hérésie prédestinatienne, qui passait pour s’abriter sous l’autorité de saint Augustin. Nous connaissons le nom d’un de ces prédestinatiens : c’est le prêtre LiK'.mus, qui dans un concile d’Arles, en 47 », dut signer une rétractation et condamner le sentiment qui dicit quod Christus Dominas Salvator noster mortem non pro omnium saluie susceperit ; qui dicit quod præscientia Dei hominem violenter compellat ad mortem, vel quod cum Dei pereant voluntate qui pereunt…, qui dicit alios deputatos ad mortem, alios advitam prædestinatus. Mansi, VII, 1010E — 101 1 A ; P. L., LUI, 684 A. Cette rétractation avait été provoquée par Fauste, évêque de Riez (voir sa lettre à Lucidus, ibid., 681-683), personnage d’ailleurs trop indulgent aux tendances pélagiennes. Dans ses deux livres De gratia Dei et libero arbitrio, P. L., LVIII, 783-836, Fauste fait bonne justice du fatalisme prédestinatien, I, iv, 790CD ; II, 11, 81 5-8 16. Mais il ne fait pas pleine justiceà la gràcedivine. Avec saint Paul, Rom., viii, 29, il distingue prescience et prédestination, et montre que la prescience va devant la prédestination pour lui frayer la voie ; mais il restreint la portée de la prédestination à une œuvre de justice en quelque sorte automatique, et laisse de côté l'œuvre de grâce. II, 111, 816 CD : Aliud est præscire, aliud prædestinare. Præscientia itaque gerenda prænoscit, postmodum prædestinatio retribuenda describit. Illa prævidet mérita, hæc præordinat præmia. Præscientia ad potentiam, prædestinatio ad iustitiam pertinet. Præscientia de alieno subsistit actu, prædestinatio autem de iudicio suo ; illa facinus manifestât, ista condemnat ; illa testis, hæc iudex est.

Cependant l’Afrique demeurait généralement fidèle à la tradition augustinienne.

Un siècle.après saint Augustin, saint Fulgkncr du Ruspe reprenait l’exposition de la même doctrine, avec quelque chose de plus tendu dans le développement. Nous ne possédons plus les sept livres où il prenait corps à corps Fauste de Riez ; mais il nous reste un long passage sur la prédestination dans De veritate prædestinationis et gratine Dei, P. III, i-ix, i-14, />. L., LXV, 651-659 (année 523). L’aspect qui attire surtout Fulgence et sur lequel il ne se lasse pas de revenir, c’est l’indéfectibilité de la prédestination divine, incommutabilis prædestinatio. A la suite d’Augustin, il affirme la vocatio secundum propositum des élus de Dieu, et en marque ainsi les étapes : 11, 3, 653 C : Omnes isti præda-tinati sic vocantur ut iustificentur ; sic iustificantur ut « lorificentur. Ac per hoc prædestinavit quos volait, et ad opéra bona et ad præmia sempiterna ; prædestinavit ad vitam bonam, prædestinavit ad vitam aeternam ; prædestinavit ad (idem, prædestinavit ad spécieux ; prædestinavit adoptandos insæculo, prædestinavit glnri/icandos in regno ; prædestinavit per gratiam faciendos Primogeniti fratres, prædestinavit per gratiam perficiendos eiusdem Unigeniti coheredes. Eternel est le dessein de Dieu, éternelle la préparation de la grâce, éternel l’Amour gratuit dont il