Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/114

Cette page n’a pas encore été corrigée

216

PREDESTINATION

216

vient au premier plan. Ce changement ne vas pas sans quelque appauvrissement de la donnée paulinienne. Le théologien, chez Augustin, fait tort à IVxégète. Il faut oublier celui-ci pour rendre justice à celui-là.

Un éminent spécialiste résumait naguère, en quelques pages substantielles, l’idée-mère de l’u Augustinisme » ; — par là il entendait « la doctrine de la Prédestination absolue et de la volonté salvifique restreinte, telle qu’Augustin l’a développée surtout dans la dernière période de sa vie, de 4>7 à 4<8, et maintenue fermementjusqu’à sa mort ». O. Rottmannki », O.S.B., Der Augustinismus, Mûnchen, 189’2, p. 5. Après avoir noté, pour rassurer le lecteur, que la tliéorie augustinienne de la prédestination n’est jamais devenue la doctrine de l’Eglise, Rottmanner pose en principe que les derniers écrits d’Augustin ont ici, en bonne critique, une importance décisive, comme renfermant l’expression définitive de sa pensée. Il expose, d’après Augustin, la conception de la massa peccali ; lerôle de lajusliceet celui delà miséricorde ; la fixité absolue de la prédestination et son infaillibilité ; la notion corrélative de réprobation, son mystère et sa justice ; la toute-puissance de la volonté divine pour sauver et pour damner ; le rôle de la liberté humaine, qui demeure sauve, parce que præparatur voluntas a Domino ; enfin la volonté divine salvifique, non pas universelle, mais restreinte. Il conclut i° qu’il faut désespérer de réconcilier, chez Augustin, la théorie et la pratique du ministère pastoral : la théorie, impliquant l’affirmation de la volonté salvifique restreinte ; la pratique, se réglant sur l’hypothèse de la volonté salvifique universelle ; 2° qu’il faut pareillement désespérer de ramener à l’unité la pensée d’Augustin, qui, jusqu’à la fin de sa vie, évolua vers une plus grande rigueur. — Sans méconnaître le mérite de cette synthèse vigoureuse, nous croyons qu’elle appelle des tempéraments. i° S’il est vrai de dire, avec Rottmanner, et avec Petau (Dogm. theol., I, l.X, c. i, n. 2), que l’Eglise n’a jamais fait simplement sienne la doctrine d’Augustin sur la prédestination, il ne faut pas oublier l’approbation solennelle donnée par le pape Céleslin, dès le lendemain de sa mort, à l’ensemble de sa doctrine sur la grâce (431), D.B., 128(86)… 114 (92) sqq. ; — a° Il est graved’admettre, chez unhomme tel qu’Augustin, un divorce réel, et de plus en plus prononcé, entre la théorie et la pratique ; — 3° grave aussi de méconnaître l’unité organique d’une pensée aussi puissante, qui évolua dans le sens de la rigueur, c’est entendu, mais sans désavouer ses origines, sauf le semipélagianisme initial, dont on a vu la rétractation formelle. Il y a des silences qui s’expliquent par le changement des circonstances, mieux que par le changement des principes directeurs. De fait, les circonstances avaient changé : occupé du danger présent, Augustin se fait le champion intransigeant de la grâce divine. Les autres erreurs sont pour lui comme n’existant pas.

Nous croyons rendre à la pensée d’Augustin une plus entière justice en soulignant ïes limitations essentielles de ses écrits antipélagiens. En accusant le relief de l’action divine, il n’efface pas purement et simplement les traits marqués dans ses écrits antérieurs ; parfois il y renvoie expressément, et quand il affirme y reconnaître encore sa pensée présente, nous devons l’en croire. C’est le cas particulièrement pour les Quæstiones ad Simplicianum, de l’année 397 f

D’ailleurs cette pensée présente d’incontestables lacunes. La plus notable, sans doute, résulte de l’attention exclusive donnée par Augustin à une seule sorte de volonté divine : la volonté absolue et

sûrement exécutoire : conséquemment, l’effacement, de plusen plusmarqué, d’une volonté salvifique universelle. Cette exclusion une fois posée, tout ledéveloppement suit ; développement unilatéral. On ne peut pourtant pas dire qu’Augustin ignore les distinctions nécessaires, puisque, à côté des vocati secundum propositum, il continue d’admettre d’autres vocati, qui sont tous les hommes. Mais il n’en tire pas parti. A cet égard, la théologie chrétienne avait beaucoup à apprendre delà tradition grecque. — Sur la pensée d’Augustin, voir E. Portalik, S. I., art. Augustin, dans D.T.C., t. I, col. a3g8-2404 ; K.Kolb ; Menschliche Freiheit und goettlisches Vorherwissen nach Augustinus, Freiburg i. B., 1908.

IV. La tradition occidentale, du v* au xm’siècle.

— Dès le lendemain de la mort de saint Augustin, sa doctrine sur la grâce était revêtue de la sanction apostolique. Le pape Célkstin I", écrivant aux évêques de Gaule (mai £3 1), approuvait, entre autres points de la pensée augustinienne (c. 8, D. H., 1 34 [92]), cette proposition : Nemo aliunde (Deo) placet, nisi ex eoquod ipse donaverit, aec le commentaire que lui avaient donné les évêquesd’Afrique écrivant au pape Zosime : ils avaient cité le texte cher à Augustin : Præparatur voluntas Domino (Prov., viii, 25, LXX), avec Boni., viii, 14. C’était tout le fondement delà doctrine augustinienne.

Vers le milieu du ve siècle, l’auteur anonyme des deux livres De vocatione omnium gentium s’attaquait au problème de la prédestination. Dès ses premières lignes, il affirmait la volonté qu’a Dieu de sauver tous les hommes, et posait en termes excellents le débat entre la liberté humaine, condition du mérite, et la grâce, principe de tout mérite, I, 1, 1, P. L., LI, 64g. Il constatait l’impuissance de la raison à dire le dernier mot et s’inclinait avec un profond respect devant le mystère. En vrai disciple de saint Augustin, il concluait que le décret divin sur les élus s’accomplit sûrement, mais qu’il appartient aux élus d’en procurer l’accomplissement par leurs mérites, II, x, 36, ib., 721 : Quamvis ergo quod statuit Deus nulla possit ratione non fieri, studia tamen non tolluntur orandi, nec per electionis propositum liberi arbitrii devotio relaxatur ; cum implendae voluntatis Dei ita sit præordinatus effectus ut per laborem operum, per instantiam supplicationum, per exercitia virtutum fiant incrementa meritorum ; et qui bona gesserint, non solum secundum propositum Dei, sed etiam secundum sua mérita coronentur.

La pensée de saint Augustin, vigoureuse revendication en faveur dépositions menacées par l’hérésie pélagienne, présentait un mélange de lumière et d’ombre, qui l’exposait aux interprétations divergentes. Les divergences d’interprétation se produisirent dès le ve siècle.

PnosPKR d’Aquitaine, qui avait été le premier à instruire Augustin des attaques dirigées contre sa doctrine dans la région de Marseille, demeura son interprète fidèle et son défenseur avisé. Il est revenu sur la doctrine augustinienne de la prédestination, dans une lettre à un certain Rufin, P.L., LI, 77-90, puis dans l’examen de trois séries de propositions attribuées à Augustin ou extraites de ses ouvrages.

— Cf. R. P. Jacquin, O. P., dans Revue d’Histoire ecclésiastique, Lounain, 1906, p. 269 sqq., La question de la Prédestination aux ve e<vi c siècles.

Les 15 Capitula objeclionum Gallorum paraissent refléter assez fidèlement la pensée des semipélagiens marseillais sur la doctrine d’Augustin. Prosper s’y reprend à deux fois pour les réfuter. P. /.., LI, 1 55174.

Les 16 Capitula objectionum Vincentianarum pré-