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PREDESTINATION

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fatale m quandam indtici necessitatem. — En somme, on revendiquait pour l’homme le pouvoir de fixer son sort, d’abord par l’adhésion de la foi, puis par une fidélité persévérante. Augustin répondra sur le premier point par le De prædestinatione sanctorum ; sur le second, par le De dono perseverantiæ (années 428/9).

Le De prædestinatione sanctorum expose l’influence de la prédestination sur la genèse de la foi. La foi est essentiellement une grâce ; la prédestination prépare les voies à celle grâce ; la prescience prépare les voies à la prédestination. Præd. SS., x, 19, P. ! .., XLlV, 9715. 97a : Inler gratiam porro et prædcstinationem hoc tantum interest, quod prædeslinatio est gratiæ præparatio, gratta vero tant ipsa donatio… Prædestinatio… sine præscientia non potest esse ; potest auten esse sine prædestinatione præscientia. Le type achevé de la prédestination nous est offert par l’humanité du Christ, prédestinée à l’union hyposlatique ; nous sommes prédestinés, d’une prédestination moins haute, niais aussi gratuite, à devenir ses membres, xv, 30-xvi, 32, 981g 83. Prédestination et élection, c’est tout un. Or Dieu ne prédestine passes élus parce qu’ilsont cru : il les prédestine à croire, xvii, 34, g85. Pelage a prétendu fonder la prédestination sur le mérite de l’homme, et dans cette vue il a fait appel à la prescience divine, xviii, 36, 986. (Il a même identifié prescience et prédestination, /’. /.., XXX, 685 A : Prædestinare, idem est quod præscire. Ergo, quos prævidit conformes ftitnros in vita, volttit ut fièrent conformes in gloria.) Augustin écarte cette prescience qui lui paraît une menace pour l’indépendance du don divin ; il renonce aux formes de langage qui lui avaient jusqu’alors été familières, et dans l’outrance de sa démonstration, il intervertit l’ordre mis par saint Paul entre la prescience et la prédestination : xvn, 34, 986 : Elecli sunt itaque ante mundi constitutionem ea prædestinatione in qua Deus sua futura facta præscivit… mx/iB, ^-] : Cum ergo nos prædestinavit, opus suant præscivit, qttonos sanctos cl immaculatos facit. Par ailleurs, Augustin reste fidèle à son point de vue, celui de la prédestination totale, xviii, 3 ; , 987 : Elegit ergo nos Deus in Cltristo ante mundi constitutionem, prædestinans nos in adoptionem filiorum : non quia per nos sancti et immaculali futuri eramus, sed elegit prædestinavitque ut essemus… Ipse quippe operalur secundum propositum suum, ut simus in laudem gloriæ eius, utique sancti et immaculali, propter quod nos vocavit, prædestinans ante mundi constitutionem. Ex hoc quippe proposito eius est illa electorum propria vocutio, quibus omnia cooperalur in bonum : quia secundum propositum vocati sunt, et sine pænitentia sunt dona et vocatio Dei.

Le De dono perseverantiæ est consacré aux relations de la prédestination avec la persévérance finale.

Par persévérance linale, on entend la persévérance effective. Parmi ceux qu’effrayait la doctrine d’Augustin, quelques-uns représentaient que l’homme peut toujours mériter la persévérance par sa prière, ou la perdre par son orgueil. Don. pers., vi, 10, /’. /… XLV, 999. Augustin déclare cette formule peu raisonnable en sa seconde partie. Car la persévérance est un don de fait ; on persévère ou l’on ne persévère pas. Celui donc qui persévère jusqu’au bout, ne saurait perdre la persévérance par son orgueil : cette proposition n’a aucun sens. D’ailleurs, par la prière on peut mériter la persévérance, Augustin y consent volontiers.

Comme toutes nos démarches dans l’ordre du salut, la persévérance dépend de Dieu, qui prédestine les

élus selon son dessein, vii, 14, 1001, et selon la profondeur insondable de ses jugements, ix, 21.22, ioo4. 1000. Comme il tient en ses mains le sort de l’homme et borne sa carrière terrestre, il détermine la matière du jugement qui sera prononcé sur chacun de nous ; et nul ne peut être rangé avec certitude au nombre des prédestinés, avant d’avoir quitté ce monde, xui, 33, 1012.

Déjà dans le De prædestinatione sanctorum, Augustin, on l’a vii, s’occupait incidemment d’une prescience divine consécutive (et non antécédente) à la prédestination. Dans le De dono perseverantiae, il développe plus largement ce point de vue, ou plutôt il identilie simplement prescience et prédestination. Ainsi, xiv, 35, io14 : Profecto bénéficia sua, quibus nos dignatur liberare, præscivit. Hæc est prædestinatio sanctorum, niliil aliud : præscientia scilicet et præparalio beneficiorum Dei, quibus certissime liberantur quicumque liberantur. xvii, 47, 1022 : Hæc itaque dona Dei, quæ dantur electis secundum Dei propositum vocalis, in quibus donis est et incipere credere et in fide usque ad vitæ huius terminant perseverare, … hæc, inquam, Dei dona, si nulla est prædestinatio quant defendimus, non præsciuntur a Deo : præsciuntur autem ; hæc est igitur prædestinatio quant defendimus. xviii, 47, 1022 : Unde aliquando eadem prædestinatio signi/icatiir etiam nomine præscientiae, s icut ait Apostolus (Rom., xi, 2)., . Sine dubio enim præscivit, si prædestinavit ; sed prædeslinassc, est hoc præscisse quod fuerat ipse facturus. xix, 48, 1023 : Qttid ergo nos prohibet, quando apud aliquos verbi Dei tractalores legimus Dei præscientiam, et agitur de vocatione electorum, eandem prædestinationem intelligere ? … On ne saurait refuser à Dieu la prescience de ses bienfaits. Augustin veut qu’on regarde cette vérité en face ; il compte que cela sutlira pour faire évanouir l’illusion qui présente la prédestination comme une doctrine décourageante. Il montre qu’ainsi l’ont entendue les saints docteurs, saint Cyprien surtout et après lui saint Ambroise, saint Grégoire de Nazianze et autres, qui toujours ont affirmé que Dieu dispose de la volonté humaine, mais, loin de conclure à l’inutilité de l’effort, n’ont cessé d’inviter les fidèles à se tourner vers Dieu pour implorer ses dons, et à lutter avec le secours de la grâce, xix, 48-49. 1023.1025. Augustin lui-même, depuis qu’il s’est affranchi définitivement des errements de ses débuts, n’a pas cessé d’inculquer la même doctrine : dans ses Confessions, écrites avant l’apparition de l’hérésie pélagienne ; tout récemment dans le De correptione et gratia ; dès le commencement de son épiscopat dans le I" livre des Qttæstiones ad Simplicianum, puis dans ses lettres à Paulin de Noie, à Sixte prêtre de l’Eglise de Rome, contre les Pélagiens, xx, 53-xxi, 55, 1036.1027. Non, la doctrine de la prédestination ne brise pas les ressorts de l’âme, sinon quand on la présente sous un faux jour et sans avoir égard à la faiblesse de certains auditeurs. Présentée sous son vrai jour, c’est une doctrine consolante et nécessaire, il faut la prêcher sans pusillanimité, pour engager l’homme à chercher sa gloire en Dieu, xxiv, 66, io33. En Unissant, Augustin ramène la pensée du Fils de Dieu, type et gage de notre prédestination, xxiv, 68, io34 : Et illum ergo et nos prædestinavit ; quia et in illo ut esset capttt nostrunt et in nobis ut eius corpus essemus, non præcessnra mérita nostra, sed opéra sua fut ura præscivit.

Avec le De dono perseverantiae, la doctrine de saint Augustin sur la prédestination achève de se trancher. Résumons les différences d’aspect entre cette doctrine et la donnée paulinienne, à chacun des cinq échelons marqués par saint Paul, Kom., viii, 30.