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PRÉCOLOMBIENS (AMÉRICAINS)

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cloîtres, y menaient une vie de prière et d’austérités, et des ermitesqui menaienlune vie plus dure encore, toute de prière et d’isolement, dans des lieux très retirés. N’oublions pas non plus les « Vierges du Soleil », dont les trois classes correspondaient aux serviteurs des prêtres. Ces servantes du dieu Inti, partagées en classes hiérarchisées, entretenaient le feu sacré ; elles fabriquaient le pain sacré et la chicha destinés aux grandes fêtes solaires.

Celles-ci étaient au nombre de douze (une par mois), dont la plus importante, celle du feu nouveau, était célébrée les ai-aa juin de chaque année. On y chantait des hymnes, on récitait des prières et on exécutait desdanses en l’honneur des dieux, à qui on offrait des sacrilices de genres très différents, suivant les cas : tantôt simplement présentations de fruits ou d’autres produits agricoles et des libations, tantôt dos sacrilices sanglants. Allait-on parfois, au cours de ces derniers sacrilices, de ceux où coulait le sang, jusqu’à l’immolation suprême, celle d’un être humain ? On a beaucoup discuté à ce sujet, sans parvenir à se mettre d’accord ; on tend toutefois à penser que, malgré les affirmations de Garcilasso de la Vega, les sacrilices humains n’étaient pas inconnus chez les Quichuas-Ayniaras ; des enfants, des jeunes gi-ns, étaient parfois égorgésen 1 honneur des dieux. Ou sait, d’autre part.de façon positive qu’à la mort de ce dieu incarné qu’était l’Inca, plusieurs de ses serviteurs et de ses servantes étaient enterrés vifs avec sa dépouille mortelle ; de même en était-il lors du décès de la Coya, ou de la Marna Ocllo, sa sœur aînée et sa femme tout à la fois. Du moins, si les sacrilices humains ont existé sur les Hauts plateaux des Andes, n’y ont-ils pas affecté le caractère d’hécatombes qu’ils avaient chez les peuples du Mexique et du Centre- Amérique.

A côté de ces rites que l’on peut vraiment qualifier de « nationaux », ilen était de domestiques, que chaquefamillecélébraitàcertaines époques de l’enfance,

— lors de l’imposition de son nom à un tout jeune enfant, par exemple, ou bien encore au moment de la puberté. D’autres étaient individuels et avaient pour but de purifier ceux qui les pratiquaient, en particulier cette sorte de confession, le chataycuscay (du verbe chatay, accuser) qui précédait les fêtes principales et qui, inaugurée par le jeûne, se terminait par l’imposition d’une pénitence au fidèle et par une sorte de symbole d’absolution : le prêtre qui avait entendu les aveux du pécheur plaçait sur une pierre une pincée de cendres provenant des sacrifices, et le confessé soufflait dessus.

Le chataycuscay se pratiquait-il dans un temple ? Nous ne saurions le dire. Le doute, au contraire, n’existe ni pour les rites domestiques dont il vient d’être question (ils s’accomplissaient en famille sous la présidence de son chef, qui jouait le rôle de prêtre ) ni pour les rites nationaux, qui s’accomplissaient, tout au moins en partie, dans des lieux consacrés. Pour honorer leurs divinités, en effet, les Aymaras avaient des temples, les Intihuasi, dont malheureusement, les ruines sont beaucoup moins bien conservées que celles des palais, ou même des maisons de pierres. Le plus célèbre d’entre eux était le Coricancha de Cuzco, ensemble considérable de bâtiments enfermés dans une triple enceinte, habités en partie par les prêtres et par les « serviteurs des temples », en partie consacrés aux divinités stellaires et, surtout, au Soleil. Là se trouvait une statue enordu dieu Inti, qu’entouraient, en lui tournant le dos (le seul Huayna-Capac excepté) les momies des Incas, assises sur des sièges dorés. Seuls l’Inca, ses proches parents et les Vierges du Soleil pouvaient pénétrer à tout le moins dans le bâtiment

Tome IV.

principal où la Coya n’entrait qu’une fois dans sa vie, le jour de son mariage, et où des prêtres particuliers — les malquip huillac — entretenaient les momies des Incas et leur rendaient un culte. A l’intérieur duCoricancha, Ciezade Léon signale deux bancs de pierre, incrustés d’or et d’émeraudes, sur lesquels le seul souverain (Inca ou Sapa-lncu) avait le droit de s’asseoir. Celui-ci était (ilest vrai) unpersonnage divin, un fils d’Inti ; il ne mourait pas, mais était simplement « appelé au repos » par son père le Soleil… On sigualeaussi ce tte particularité d’architecture que, grâce à la disposition du bàliment principal, les premiers rayons du Soleil levant venaient éclairer, illuminer la statue d’ord’Inti. C’est en avant des bâtiments sacrés que se dressait au milieu d’une cour l’autel destiné aux sacrifices sanglants. — D’autres temples sont connus : le temple dédié à Huiracocha (à Cuzco encore) et celui qui se dressait dans la vallée de Lurin, àPachacamac, entre autres. C’était des temples réservés aux divinités stellaires, aux grands dieux. Quant aux dieux inférieurs, ils étaient honorés dans de petits sanctuaires appelés liuncas comme eux-mêmes.

Tels sont les traits essentiels de la religion des peuples civilisés soumis aux Incas et habitant les hauts plateaux des Andes péruano-boliviennes.

IV. Conclusion. — Avec l’étude des religions des peuples quichuas-aymaras se termine le sommaire aperçu d’ensemble des religions des peuples américains que nous devions tracer dans ce Dictionnaire. Il ne nous reste maintenant qu’à dégager, en manière de conclusion, quelques-uns des traits principaux qui résultent des faits cités. Ce sera en quelque manière, après une fastidieuse énumération, la synthèse de tout ce travail.

î. Le premier de ces traits résulte de l’existence, d’un bout à l’autre du Nouveau Monde et partout où une enquête sérieuse a été instituée (cf. la figure 66 de Clark Wisslbr : The American Indian, p. 156), du système de ces clans, dont chacun possédait un symbole, un emblème propre — un animal le plus souvent, — son totem. Qu’il ait été l’emblème du héros-fondateur du clan ou l’objet même représenté, ce totem a été très vite l’objet d’un culte plus ou moins grossier, dont les historiens constatent l’existence (avec toutes ses conséquences : tabouisme, etc.) dans le passé, comme les ethnographes le font aujourd’hui encore chez les tribus païennes du continent américain.

2. A ces croyances rudimentaires se superposait chez les peuples demi-civilisés et civilisés, dès l’époque de la découverte, une religion plus élevée, mais qui était encore grossière, celle des forces de la nature. Parfois zoomorphisme et anthropomorphisme, zoolâtrie et anthropolâtrie, s’y juxtaposaient, voire même s’y mêlaient et s’y confondaient ; parfois la religion était purement anthropomorphique.

3. Une des caractéristiques principales du culte rendu par les habitants du Nouveau Monde à leurs divinités était la barbarie, la cruauté. Le culte était sanglant, et les sacrifices humains étaient l rès répandus, parfois même très fréquents et très nombreux, si bien qu’on a pu enregistrer de véritables hécatombes.

4. A’ces sacrifices offerts à des divinités altérées du sang de l’homme, s’ajoutait, non pas partout, mais du moins dans l’Amérique septentrionale, la pratique des repas consécutifs aux sacrifices humains, dont la chair des victimes immolées constituait le trait capital.

5. Par contre, on ne constate pas, parmi les peuples civilisés du continent américain du Nord, l’exis 7