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PRÉCOLOMBIENS (AMÉRICAINS)

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zilopochtli, l’imprégnation sanguinaire a gagné peu à peu, et peut-être même très vite, le culte de tous les autres dieux, même de celui de Quetzalcoatl. A l’origine, celui-ci était en effet un dieu doux et pacifique, qui détestait les sacrifices humains, un moralisateur et un bienfaiteur des hommes, au temps duquel l’âge d’or régnait dans le monde.

D. A bien des reprises différentes, et dès les premiers jours île la venue des Espagnols au Mexique, on a signalé dans de nombreuses localités de la contrée l’existence de croix rappelant plus ou moins celles des chrétiens, mais dont la plupart ont disparu depuis longtemps. Naguère, c’est-à-dire au milieu du xvnr" siècle, on les attribuait avec assurance, avec et d’après Toko, ukmai>a, à des missionnaires qui auraient abordé an Nouveau Monde à une époque très ancienne, à saint Thomas, ou bien encoreàsaint Barnabe. Desétudesplus approfondies, de minutieuses comparaisons avec les documents archéologiques et les pictographies aztèques, xicalanques, mixtèques, zapotèques, elc, que nous possédons encore, ont permis au D r E.-T. Hamy, le regretté conservateur du Musée d’ethnographie du Trocadéro, de déterminer exactement ce qu’étaient ces symboles cruciformes. Il a constaté combien, de très bonne heure, Antonio de Hkhukra avait eu raison d’écrire que les Indiens « tenaient [certaines de ces croix] pour le dieu de la pluie » (Histoire générale des voyages et conquêtes des Castillans, trad. fr. de N. de la Coste, t. II, p. 1 5g). Les deux croix, ou(pour parler plus exactement) les deux taus qu’a exhumés en 1 880 Désiré Charnay du sol de Téotihuacan, portent de la façon la plus évidente les deux emblèmes caractéristiques de Tlaloc : un bandeau replié latéralement en manière de grecque aux angles émoussées, delà base duquel descendent quatre pendentifs en léger relief de forme conique allongée. Rien de plus transparent comme insignes du dieu de la pluie, des orages et des montagnes : le bandeau contourné, c’est l’image de la nuée, et les appendices en forme de pendentifs, de dents ou de gouttes d’eau, la pluie qui s’échappe de la nuée(E.-T. Hamy). Plus d’une statue de Tlaloc porte ces insignes comme ornements de bouche de la divinité.

3. Lus Mayas-Qu’ichés du Cbnthr-Améhiquk. — C’en est assez sur les religions des peuples du Mexique. Eloignons-nous maintenant du plateau de l’Analiuac et des plaines littorales qui le bordent à l’E. et àl’O. Après avoir franchi la frontière septentrionale du Chiapas, voici que se développent dans des parties relativement très étroites du Nouveau Monde, entre Golfe du Mexique et Mer des Antilles du côté du Levant et Mer du Sud au couchant, les territoires peuplés par les Mayas-Qu’ichés. Sans doute constate-t-on dans cette région la présence de quelques Ilots de population parlant la langue nahuatl ; mais Pipiles établis au Guatemala et au San-Salvador, sur la côte du Pacifique, près d’Escuintla et de Cuajiniquailapa, et Niquirans des alentours du lac de Nicaragua ne constituent qu’une très faible partie des habitants de ces contrées du Centre- Amérique. Ces colonies d’Aztèques — tel est du moins le cas des Niquirans — dont la religion était cruelle comme celle des maîtres de Mexico-Tenochtitlan, étaient entourées d’une population bien différente d’elles-mêmes par la langue et par la civilisation : Mayas du Yucatan et du Chiapas, Itzas ou Lacandons du Peten, Qu’ichés et Marnes du Guatemala.

Néanmoins, on a pu relever de nombreux traits communs clans les traditions mythiques et historiques des Mayas-Qu’ichés et celles des Mexicains. Le Votan des Tsendales, le Cuculkan des Mayas ressem blent beaucoup à Quetzalcoatl ; ce sont comme lui des divinités voyageuses et civilisatrices. Les Mayas ont fait en même temps de leur Cuculkan le pontife d’une religion nouvelle et un prophète qui aurait annoncé l’arrivée d’hommes blancs et barbus venus de l’Orient dans le pays pour en soumettre toutes les nations et en détruire les religions et les races.

De son côté, la religion des Mayas-Qu’iché.-. possède plus d’un trait de ressemblance avec celle des Mexicains. S’il est à peu près impossible de donner un aperçu de la mythologie, car les anciens dieux yucatèques demeurent très mal connus et il faut, pour s’en faire quelque idée, tirer parti des croyances des Lacandons et des Mayas actuels, du moins peut-on dire qu’une forte hiérarchie et une localisation des dieux dans l’espace existaient au Yucatan comme au Mexique. Il faut encore noter la croyance en un grand Dieucréateur, conservateur et bienfaiteur du monde, ce IIunab-Ku de Cogolludo, de qui « procédaient toutes choses ». Son fils Hun Ytzamna, qui enseigna aux Yucatèques l’écriture, qui ressuscita les morts et guérit les malades, mérita de toutes les manières les autels qui lui furent érigés à Izamal.où il était honoré comme un bienfaiteur de l’humanité et comme un dieu. C’est sans doute ce même héros civilisateur du Yucatan qui était adoré à Chitchen-Itza sous le nom de Cuculkan.

Itzamna ou Cuculkan, les Bacabs, les quatre frères placés par Dieu aux quatre extrémités du monde pour soutenir le ciel, et surtout le Zac-Bacab ou plutôt Zac-u-Uayeyab, ou dieu de l’Est, et un dieu solaire Kinich-Ahau, mentionnépar DibgodrLanda dans sa Relation des choses du Yucatan, voilà les principales divinités des Mayas-Qu’ichés. Autour d’elles existe une foule de comparses : dieux ou esprits plus ou moins puissants, personnifiant les éléments, les parties de l’année, les fonctions sociales, etc., tous plus ou moinsbiencaractérisés, plutôt vagueset effacés. Peut-être étaient-ils en réalité tout autres ; mais les auteurs espagnols qui en ont parlé ne voyaient en eux que des démons, dont ni le caractère ni les attributions ne les intéressaient, et dont il importait d’extirper le souvenir de la mémoire des indigènes. De là le peu de précision de leurs renseignements.

Nous en savons assez, néanmoins, pour constater les liens de parenté qui existent entre les religions mayas-qu’ichés et celles du Mexique. Les études archéologiques confirment cette impression donnée par les anciens auteurs ; elles montrent plus é ! oquemmenl encore, dans leur mutisme même, quels rapports existèrent naguère entre le Mexique et les pays plus méridionaux du Yucatan et du Honduras britannique. Le Caracol ou « escargot » de Chitchen Itza, rond comme les temples de Quetzalcoatl dans la région mexicaine, les bas-reliefs du « jeu de paume » de cette même cité, les sculptures représentant, sur les parois d’autres édifices de cette fondation de Cuculkan, des divinités du Panthéon aztèque, entre autres Quetzalcoatl, les peintures murales de Santa-ltila, tout cet ensemble de témoignages conduit à la même conclusion. Et voici qui la corrobore encore : l’existence de temples bâtis sur des terrasses évoquant le souvenir des tertres mexicains, celle de sacrifices humains, parfois semblables à ceux des Aztèques (là aussi, dans certains cas, la victime était tuée à coups de flèches) ; celle de l’anthropophagie sacrée, si l’on peut dire, consécutive au sacrilice ; celle des rites propitiatoires analogues aux coutumes dont il a été question plus haut (telle « supplice de la langue », attesté par le bas-relief trouvé par Désiré Charnay chez les Lacandons, à Lorillard-