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PENITENCE

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qu’il la répare ; puis, ne jugeant pas opportune la pénitence publique, il 1 aura autorisé àparliciper avec l’ensemble des lidèles aux saints mystères : voilà donc bien un prêtre administraleurde la pénitence privée. 84. — Or telle est exactement l’attitude dans laquelle nous apparaît saint Augustin lui-même dans un autre de ses sermons (lxxxii, 7-8). Ici, c’est à ses auditeurs qu’il explique pourquoi l'évêque parait parfois manquerde vigilance ou de vigueur à l'égard de certains pécheurs. Voici, par exemple, leur dit-il, le cas d’un meurtrier ; sa faute méritait assurément la pénitence publique ; mais la lui imposer serait le dénoncer et l’exposer à ; os poursuites judiciaires ; aussi l'évêque, qui est seul à connaître sa faute, se contente-t-il pour lui d’un traitement plus discret :

Il faut reprmdre publiquement ycorripienda coram omnibus] les faulcs commises publiquement ; eu secret, [corripisnda iecretius] celles qui ont été cnmmises en secret… Reprendre en secret (in sccretu curriperi in sccrelo arguere) de peur que, à faire des reproches en public, on ne trahisse l’intéressé. iNous.nous voulons reprendre pour corriger [corripere et eorrigere)^ mais si l’eiinemi est ift qui cherche à entendre pour avoir matière à condtimnation ? Voici un nssas-^ t » que l'évêque connaît ; personne que lui ne le connaît iaiiut illuin nenio nocif). Je veu. bieii le reprendre publiquement, maie on cherclie à le mettre en accusation. Il (aul donc ubsilument que j'évite de le trahir sans né-^-liger de le reprendre ; je le reprends (cor ; l’pt’o) en secret ; je lui mets sous les yeux le jugement de Dieu ; je tâche d’exciter lu crainte dans an conscience de meurtrier ; je lui persuade la pénitence. Voilà la charité qu’il nous fautaToir. bes gens, à cause de cela, nous reprochent parfois de ne pas sévir : ils s’imaginent ou bien que nous savons ce que nous ignorons, ou bien que, sachant, nous nous taisons. Bb non ; ce que vous savez, moi aussi je le sais ; mais je ne reprends pas devant vous, parce que je veux guérir et non pas accuser (Serma lxxxii, 7-S, /'. £.., XXXVIII, 511).

Voilà bien la pratique décrite dans la lettre cliii et dans le sermon cccLi.

85. — Le cas n’est pas unique. Le reproche de faiblesse et de connivence, contre lequel Augustin se défend daussa lettre à Macédonius (cliii) et dans sou sermon, nous voyons par les Quæstloiies Veteris et Novi Testamenti (eu, 26) que les Novatiens l’adressaient aux évêques catholiques eu général. « Est et aliud quod reprehendit Novaiiarni^ : Car, inquil, corpus Doini.t traitunt eis quos norumt peccatores ?t Et la réponse de l’auteur. — I’Ambrosi.vster : un Romaiu de la fin du iv » siècle — est la même que celle de l'évè ; ue d’Hippone : les évêques ne sont que des juges : a Quasi possint ipsi accusalores esse, qui sunt juàices..Yam quis judex accusatoris sumat personam ? » (Ed. SouTBR, dans C, S.E.V., L, p. 219 ; cf. le Sermo cccli, 10, P. L., X.XXIX, 1546). L’Ambrosiaster ne conteste donc pas qu’ils connaissent eu eCet les pécheurs dont parle le Novatien, mais il pi ude leur souvei’aine indépendance de juges. C’est comme juges qu’ils connaissent ces mauvais c'.irétiens ; mais ne les connaissant qu'à ce titre et ne jugeant pas à propos en cette qualité — pour autant du moins qu’on ne les aiu-a pas accusés el lait la preuve au for externe : il ajoute en ellet : S ; aulem accusati f’ueriritet maiiifestati, poleriiiit anici, — de les réduire au degré des péniients proprement dits, ils les autorisent à participer, avec lassemblée des lidèles, aux saints mystères. Le cas est donc bien le même que celui de saint Augustin et des voleurs qu’il lui faut se résigner à ne reprendre qu’en particulier au lieu de leur intliger le traitement pénilentiel qui leur conviendrait normalement,

86. — Et, après ce qui précède, on n’aura pas de peine, croyons-nous à apprécier de même le cas de ces personnages haut placés, mondains, mauvais

esprits ou ignorants dont saint Jean Chrysostome laisse entendre que force est à leur pasteur, pour ménager leur amour-propre et éviter un plus grand mal, de ne leur imposer que des pénitences amoindries (fle sa cerrfo*/ »  », II, iv. P. G., XI, VII 1, 635, Cf. «..S./?. I (1910), p. 229-a30) et de ceux auxquels nous avons entendu (n° 78) saint Astérius promettre de sauvegarder leur dignité. Les bons pasteurs savaient à l’occasion, comme l’avait fait saint Cypricn (no'ôoet jS), aller dans la voie de l’indulgence jusqu’au bout de ce que leur permettait leur ministère. Comme le rappelait saint Basile (n" 71), le meilleur de tous les remèdes n'était-ce pas après tout le renoncement au péché? Or la confession spontanée n'était-elle point par elle-même une preuve de cette volonté de renoncer au péché ? Saint Grégoire de Nysse n’en doute pas ; il le pose en principe dans ses canons pénilentiels (can. 6, P. G., XLV, 229A), pour expliquer la légèreté des peines imposées à des fautes d’impureté confessées spontanément. Nous avons vu (n° 78) la ligne de conduite tracée par saint Méthode d’Olympe pour les cas de cette nature : il faut seulement s’assurer que la contrition du pécheur est sincère. Saint Grégoire de Nysse en un autre de ses canons (6) ne prescrit pour le voleur qui se confesse qu’une aumône ou moins encore : (n° 79), quel large champ ouvert à la pratique de la pénitence privée I

87. — Il s'étend ailleurs encore, et d’abord dans les monastères..-VPHnAATE, lorsqu’il prêche la pénitence aux solitaires (Denionst.vn : De pænitentibus, passim ; n' 26 : P. S., I, p. 355) et les exhorte à confesser les fautes qui la leur rendent nécessaire, ne peut évidemment pas avoir en vue la pénitence des

« pénitents proprement dits ». Il la veut telle, au

contraire, que les ennemis de la vie religieuse n’j' trouvent point scandale et n’en prennent point prétexte pour décrier tous ceux qui l’ont embrassée (Ibid.. n" 4. P- 319). L’aveu du péché qu’il exige ne peut donc être que la confession privée, au sens où nous l’entendons ici (Cf. ci-dessus n* 33),

De même en est-il pour la confession des religieux et des religieuses que mentionnent les règles de saint Basile : « Celui qui veut confesser ses péchés, porte une des questions posées (Reg. brev., 288), doit-il les confesser au premier venu ? — Non, répond le saint ; « La confession doit se faire à ceux à qui a été conliée la dispensation des divins mystères : c’est ainsi, par exemple, que, dans l’Evangile, nous voyons les pécheurs confesser leurs fautes à saint Jean Baptiste ; et, d’après les Actes, c’est aux apôtres qu’on se confessait » (P.G., XXXI, n831285). El une autre question nous metsous les yeux l’application de cette règle générale aux monastères de femmes. Il faut un prêtre ici pour accomplir les fonctions liturgiques : c’est ainsi que saint Basile ordonne prêtre son frère Pierre pour le monastère de sa sœur Macrine (Gnao. Nyss., De vita S. Macrinae. P. G., XLVI, 973 BC). Or c’est à ce prêtre que les sœurs se confessent. La règle nous l’apprend en prescrivant que la supérieiye assiste à l’entrevue : (I Faut-il, demande l’interrogation 1 10 (lieg. brei, P. G., XXXI, 1157 A), que la supérieure soit présente quand une sœur se confesse au prêtre ? — Oui, dit la réponse : il est convenable que la supérieure soit là, quand la confession se fait au prêtre qui a qualité pour imposer la pénitence et diriger le travail de la conversion. »

Cette pratique de la confession n’est pas d’ailleurs à consi lérer comme une innovation ou une particularité de la vie monastique. Les moines, en ceci comme en beaucoup d’autres choses, n’ont fait que régulariser et perfectionner. L’usage de ces recours