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PENITENCE

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conviction où l’on était alors de sa nécessilé.Dans tous les passages où il parle de l’aveu du péché, ses contemporains n’avaient aucune peine à la reconnaître. Car il est ellicace, cet aveu, il procure cette rémission du péclié qui est le but et le terme de la pénitence :

« Veux-tu être justilié? avoue ta faute, car l’humble

confession du péché en dissout tous les liens » (il, VI, 40)- Il 3 pour elfet de prévenir et d'écarter les accusations du démon : saint Ambroise le prouve par les textes classiques :

Craignons le Seigneur, prévenons-le en confessant nos péchés. Pourquoi craindre d’avouer nos iniquités à ce bon inaiLrePDis tes iniquités, est-il écrit, pour être justifié. Coiuil.'i est justilié, en efiet, qui reconnaît de lui-même son crime ; le juste se fait à lui-memi son premier accusateur [Prov., viii, i^j. Le Seigneur connaît tout, mais il attend ta voix, non pas pour le punir mais pour te pardonner ; il ne veut pas que le démon puisse l’insulter et te reproclier d’avoir caché les péchés. Préviens cet accusateur ; si tu l’accuses toi-même, lu n’auras pas à le craindre ; si tu te dénonces toi-mêmo, malgré la mort, lu revivras II, vii, 5a-53).

Mais il doit être oral, cet aveu. Nous venons de l’entendre ; saint Ambroise le répète :

Toi qui gis à terre dans les ténèbres de ta conscience et comme dans la prison infecte de tes crimes, sors, fais connaître ta faute, et tu seras justilié : c’est en etlet une confession salutaire que cette confession des lèvres : Oie enim fît con/essio ad saluicm)i (Il, vii, Sg). Montre ta blessure au médecin. Il la connaît, mais il désire entendre ta voix II, VIII, 6C).

37. — Toutefois ces traits, si apparents pour les contemporains, ont perdu depuis lors beaucoup de leur netteté. Les protestants du moins et certains historiens du dogme se refusent à y reconnaître la confession proprement dite. Pour n'être pas au premier plan, la personne du prêtre leur écliappe, et le litléralisme leur fait contester qu’il en soit question. Elle n’est pas indiquée ou du moins pas assez souvent et assez clairement. Or, voilà jusleinenl par où leur méthode se condamne : nulle part peut-être elle ne se laisse prendre aussi aisément en défaut.

Ce tableau, en effet, de la pénitence, saint Ambroise, qui l’a tracé, nous l’a aussi expliqué. Son commentaire de la parabole de l’enfant prodigue {Ejcpositio ei’ang. sec. Litc, I. VII, n" 224-238) nous le montre vivant. Or, sans que le prêtre y soit nommé, la confession faite au prêtre y apparaît néanmoins comme étant, avec la demande du pardon, la condition même de la rémission du péché par l’Eglise. « Pourquoi s’indigner, demande saint Ambroise, en parlant des rigoristes qui, comme le frère aîné du prodigue, condamnent la pratique de cette rémission, qiiomodo indigna[n]lur quando ALicui PECCATUM FATENTi el diii indiilgeiiliam deploranli venia relax atnr ? » (n* 238, P.I.., XV, --fi’X). Celte confession, de plus, ne vient qu’après une autre, la première, dit saint Ambroise, qui s’adresse à Dieu seul et qui se fait toute dans le cœur, quand le pécheur se retrouve enfln vers Dieu pour lui crier son « peccavi s : « Pater, inqiiit, pcccavi in cnelum et corain te. Hæc est prima con/essio apitd ai(clorem natarae, præsulem misericordiae, arbitrum ciilpae. » Mais c’est précisément parce que cet aveu du cœur est tout intime, qu’il ne sullit pas. Dieu, bien qu’il sache tout, veut qu’il soit suivi d’un autre qui sera oral : « /læc est prima cunfessio apud aactoreni naturae… Sbd, etsi Deus noxit omnia, vocEM TAMKs Tu.vK coNFEssioNis cxpectat. Ore enim fit confessio ad sahitem. » Et c’est cette seconde confession qui correspond à celle que nous contemplions tout à l’heure : par elle, le pécheur se charge luimême ; il écarte l’odieux de l’accusation à venir en

prévenant son accusateur. Par elle encore il obtient l’intercession non seulement du Christ, mais aussi de l’Eglise et de tout le peuple lidèle : « ConfUere ut interveniat pro te Christus, quem adiocatum habemtts apud Patrem ; rogel pro te Ecclesia, et illacryinet popiilus. » Aussi est-ce alors qu’il peut être tenté d’user de dissimulation : < Frustra telis occultare. » Mais on l’avertit que ce serait peine perdue : car, encore qu’elle soit orale, cette confession ; encore qu’elle donne prise à l’Eglise sur le coupable et donc qu’elle s’adresse à son ministre, c’est Dieu toutefois qui y présiile, et voilà pourquoi la dissimulation y serait inutile. Dieu sait tout, et donc il n’y a pas plus de protil à taire quelque chose qu’il n’y a de danger à tout révéler : a Frustra aulem velis occultare, quem niliil fallut, et sine periculo prodas, qund scias esse jam cognitum » (n' 225, P. /.., XV, 1760). En d’autres termes, celle deuxième confession, quoique se faisant à Dieu, est une confession orale, une confession où l’on peut dissimuler, une confession qui a pour elfet d’obtenir la participation aux prières de l’Eglise pour les pénitents ; or, rien de tout cela n’est possible si elle ne s’adresse pas aussi au ministre de la j)énitence, et c’est donc en méconnaître la nature que d’en prétendre le prêtre exclu parce qu’il n’y est pas nommé.

38. — Ainsi l’entend bien Paulin, le secrétaire de saint Ambroise. Le chapitre xxxix de la vie de son maître n’est pour ainsi dire qu’un décalque de son tableau de la pénitence. Pour montrer l'évcque dans ses fonctions de pénitencier, le biographe reprend les idées et jusqu’aux expressions du traité de Pænitenlia : la confession a pour but d’obtenir la pénitence — ob percipiendam pæniteniiam lapsus suos confessus — mais elle ne sullit pas : ainsi que le voulait saint Ambroise, il doit s’y joindre le changement de la vie et les exercices pénitentiels — ipsi pænitenti non sufficit sola confessio nisi subsequatur emendatio facti. — Le confesseur est surtout un intercesseur qui joint ses prières et ses larmes à celles du pénitent — ita flebat, ut et illum, [qui confitebatur] flere compelleret ividebatur enim sibi cum jacenle jacere ; …apud Deum intercedehat ; … intercessor apud Deum. — Mais les avantages que le pénitent relire de ses aveux sont ceux-là mêmes qu'énumérait saint Ambroise : il prévient les accusations du démon ; il est son propre accusateur ; il n’attend pas l’accusateur, il le prévient ; la confession qu’il fait de sa faute la fait disparaître et l’ennemi ne trouve plus de quoi l’incriminer. Il lui ferme la bouche el lui brise les dents par cet aveu de ses péchés. El tout cela, répète le biographe après l'évêque, n’est que la réalisation de la parole de l’Ecriture : c Le juste se fait à lui-uième son propre accusateur » (P. /,., XIV, 40-/|i)'.

La correspondance, on le voit, est complète entre les deux tableaux, et celui du disciple nous garantit que avons bien interprété celui du maître. Mais il convainc en même temps d’illusion ceux qui refusent de reconnaître dans ce dernier la silhouette du prêtre confesseur. L’effacement, à côté du divin médecin, de son auxiliaire humain, n’est pas l’indice de son absence : là même où l’on se propose de le mettre

I. Le D' K. Ada.m, de Munich [Die hirchliche Siindenvergebung nacit deni ht. Anousiin, Paderborn, 15^17, p, 12918a : croit deoir entendre tout co passage de la seule pénitence secréle. Nous en aurions là la première mention avérée, S. Ambroise, influencé par les ouvrages il’Origène et de S, Basile, aurait pris sur lui de sublituer e.vceplionnellement la pénitence secrète à la pénitence publique. Sans contester que le passage se puisse entendre aussi de la pénitence secrète, il nous paraît évident ou contraire que le biogiaphe a directement en vue la confession préalable a l’accomplissement de la pénitence publique.