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PENITENCE

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éprouver d’abord la solidité de ce bloc sur lequel repose tout l'édilice.

Sous sa forme la plus rigide, la théorie peut se résumer ainsi. Pendant près de deux siècles, l’Eglise exclut absolument de ses pardons certains grands " péchés, nommément les péchés d’idolâtrie, d’impureté et d’iiomicide, appelés proprement péchés contre Dieu, parce qu’ils outragent directement Dieu, ou bien l’homme, image de Dieu. Au commencement du me siècle, une première brèclie fut faite à l’antique sévérité par un pape qui déclara réconcilier, après pénitence, les impudiques : le fait nous est révélé par Tertullien monlaniste, qui proteste violemment dans le De pudicitia. Un peu après le milieu du iii^ siècle, un nouveau pas fut franchi : lEglise cessa de se montrer inexorable au péché d’idolâtrie, en réconciliant des apostats de la persécution de Dèce. Plus tard encore, à une date dillicile à préciser, elle abolit les dernières restrictions, en commençant de réconcilier les homicides.

Ebauchée au xvii= siècle par les Jésuites Petau et SiRMOND, dés lors plus ou moins contestée par l’Oratorien Jean MoniN, puis par les Dominicains NoiiL Alexandre et cardinal Orsi, cette systématisation a été souvent reprise de nos jours, soit par des auteurs catholiques, soit par des protestants, et bien entendu en fonction de conceptions dogmatiques divergentes. Les catholiques n’y voient rien de plus que l’adaptation de la discipline ecclésiastique à des besoins révélés par les temps nouveaux. Les protestants y cherchent volontiers la traduction dans les faits d’un développement religieux plus ou moins autonome. Citons quelques auteurs représentatifs.

Au xvii » siècle, D. Pktau, Hc Pænitentiæ vetere in Ecclesia ralione Diatriha er Epiphanianis animadlersionibus ad hæresim lix, quæ est novatianorum… excerpta, c. ii (1622). — De Pæniientia et reconciliatione veteris Ecclesiæ moribus recepta ex nubis in Srnesium erufa (1633), c. iv. — De pænitentia publica et præparatione ad cummunionem^ 1. U, c. Il (16114). (On trouvera ces textes réunis dans les Dogmata //ieo/o » (ca, éd. de Venise, I75'7, t. VI.) — (Il convient de noter que les écrits les plus récents de Pelau marquent une certaine atténuation de sa conception primitive.) — J. SmMOND, Historia pænitentiae piiblicae, PaLTis, iG51.

Dans un sens dilférent : I. Morin, Commentariiis liistoiicus de disciplina in administralione sacramenti pænitentiæ. V, 11, 6(1631). — Noiîl Alexandre, Historia ecclesiastica (Paris, 1699). — Au xviii « siècle, card. Orsi, Disseitatio historica qua ustendilur calholicam Ecclesiani tribus priorihus sæciilis capitalium criminum reis pacem et absolutionent neutiquam denegasse (Milan, i^So).

De nos jours on peut citer :

Parmi les auteurs protestants. Ad. Harnack, Ichrbuch der Dogmengescliichte', t. I, p. 439-/J41 ; et l’anglican O. D. Watkins, A History of Penance, vol. 1, Londres, ig’iO.

Parmi les callioliques, P. X. Funk, Znr altchristttchen Bussdisciplin^ dans Kirchengeschichtliche Abhandlungen und Vntersuchungen, t. I, p. i.58 sqq., Paderborn, 1897 ; ^' ^"^ Indulgenzedikt des Papstes Kallisiiis, dans Tkeologische Quartaischrift, 1906, p. 541-568.— Cf.P.BATn-i’OL, L'éditde Calliste, d’après une controverse récente, dans Bulletin de littérature ecclésiastique, 1906. p. SSg-S^S ; E. Vacandard, Tertullien et Us trois péchés irn-missibles, n propos d’une récente controverse, iais Revue du Clergé français, lef avril 1907, p. I13-131.

On trouvera de larges extraits dans notre Edit de Calliste, notamment p. It-io.

Rendons hommage aux belles synthèses histori ques du sviio siècle, dont beaucoup de travaux modernes sont, plus ou moins consciemment, tributaires. Mais nul ne songe à s’y enchaîner aujourd’hui ; et des auteurs profondément séparés à d’autres égards s’accordent à dire qu’il y faut apporter de justes tempéraments.

Des théologiens catholiques estiment qu’on ne doil pas s’arrêter sans preuves à l’idée de restrictions aussi absolues mises par l’Eglise elle-même à l’exercice du pouvoir des clefs. Et des historiens, qui ne sont pas tous catholiques, estiment que ces preuves font défaut.

Nous avons cilé, Edit de CuUisle, p. a38-240 : J. LbBUETON, Revue pratique d’Apologétique, 15 nov. 1906, p. 242 ; P. Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique cltrétienne, l.l, p. 432, Paris, 1901 ; H. P. J. Stuflhr, S. J., Z. S. f. Kath. Théologie, 1907, p. 433-473 ; G. EssER, Der Katliolic, 1917, t. Il ; F. Diekamp, Theulogische Revue, 20 mai 1908, p. 207 ; O. Bardenhewer, Patrologie^, p. 196, Fribourg en Br., 1910 ; K. Ada.m, Der Kirchenbegrifj' Tertullians, p. 149, Paderborn, 1907 ; Atzberger, Theologische Revue, 18 nov. 1907, p. 549 ; E. Preuschen, Die Kirchenpolitik des Bischof Katlist, dans Z. S. f. A. T. Wissenschaft, 1910, p. 135 ; Hauck, R. E. art. Calixt, p. 641, 1897 ; J. F. Betuunb-Baker, ^n / « <ro(i » c<ion to the early history ofthe Christian doctrine to the council of Chalcedon, p 372-373, Londres, igoS ; F. Loofs, Leitfaden zum Studium der Dogniengeschichte, p. 207, Halle, 1906 ; R. Sbeberg, Lehrbuch der Dogniengeschichte^, t. I, p. 496, Leipzig, 1908.

Sans contester aucunement que la discipline de l’Eglise évolua vers l’indulgence, nous croyons qu’il faut se tenir en garde contre une schématisation trop rigide, accusant les reliefs d’un petit nombre de faits obscurs, au détriment du ministère de miséricorde que l’Eglise exerça toujours selon le mandat reçu de son divin Fondateur.

Le débat roule principalement autour du personnage de Tertullien et de ce que l’on est convenu d’appeler « l'édit de Calliste « ; secondairement, on appelle en témoignage saint Hippolyte et Origène.

i" Tertullien. — Il faut ici entendre d’abord l’auteur catholique de De pænitentia ; puis l’auteur montaniste du De pudicitia.

Dans le De Pænitentia, vii, Tertullien, peu après le commencement du m" siècle, expliquait l’institution de la pénitence ecclésiastique, sa raison d'être et les limites où elle se renferme, en des termes presque identiques à ceux d’Hermas. Nous analyserons cette page, dont le parallélisme avec une page connue du Pasteur est trop exact pour pouvoir être imputé au hasard. Manifestement les deux auteurs reproduisent ici le même enseignement, et peut-être suivent-ils une même pièce catéchétique : preuve évidente que les institutions ecclésiastiques visées par le prêtre de Carthage plongent leur racine dans un lointain passé.

En abordant ce sujet devant un public composé au moins en partie de catéchumènes et de néophytes, l’auteur se montre troublé de la responsabilité qu’il encourt. Ne va-t-ilpas induire en tentation telle âme hésitante, en lui découvrant, par delà le baptême, des possibilités de réhabilitation quepeut-être elle ne soupçonnait pas, ou qu’elle n’envisageait pas ? Avant tout, il tient à marquer qu’il y a un terme à cette miséricorde. Donc, que nul ne s’avise de spéculer sur l’espoir de pardons sans fin. D’ordinaire les naufragés, échappés au péril de mer, ont la sagesse de dire à la navigation un adieu délinitif et s’abstiennent d’exposer une seconde fois une vie si chèrement sauvée. Le chrétien, parvenu au port du baptême, devrait imiter cette prudence et marquer par une