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PENITENCE

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Hébreux, Adti. lovinianum, II, iii, P. /-., XXIII, î86 AB. Le pardon n’est refusé qu’au pécheur incorrigible, qui persévère actuellement à outrager leSauveur, à le crucilîer de nouveau et à le bafouer, <zvaTTa’j^5ÙvTK5 xat TTv.pv.Ssr/y.v-rtÇciiTV-i, Heb.^ VI, 6.

Ces leçons, données à des judéochrétiens encore mal instruits et à l’orolUe dure, yt„9po … rv.Ti àxov.Tç, {Heb., V, 11), rappellent les vertes paroles de l’Apôtre aux Galates insensés (Cal., iii, i : ri àvo’y^Tîi rcJdtai), qui s’obtinaient à jeter un regard furtif vers la Loi de Moïse. Elles n’ont pas d’autre portée.

3 » Le péché mortel, d’après I /o., v, iC :

Si quelqu’un voit son frère commettre un péclié qui ne va pas à la mort, qu’il prie, et Dieu donnera la vie à ce pécheur, dont le péché ne va pas à la mort. Il y a tel péché <iui va à la mort : pour celui-là, je ne dis pas de prier.

Comment ce péché, pour la rémission duquel on ne doit pas prier, selon saint Jean, ne serait-il pas irrémissible ? Les Pères ont senti la force de l’objection. Mais ils ont rappelé ce que saint Jean dit plus haut, dans la même épltre, I /o., i, 7-11, 3 :

Si nous marchons dans la lumière, comme Dieu même est dans la lumière, nous avons communion entre nous, et le sanj^ de Jésus- Christ son Fils nous purifie de tout péché. Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n’est i)as en nous. Si nous avouons nos péchés, Dieu est fidèle et juste, pour pardonner nos péchés et nous puriiier de toute ; niiquité. Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous le faisons menteur et sa parole n’est pas en nous. Mes petits enfants, je vous écris ceci afin que vous ne péchiez jioint ; que si quelqu’un vient à pécher, nous avons un avocat près du Père, Jésus-Christ le juste ; il est victime de propitiation pvr nos péchés, et non seulement pour nos péchés, mais encore pour ceux du inonde entier.

Un texte commente l’autre. Assurément saint Jean montre la préoccupation de combattre l’abus des grâces et d’engager tous ceux qui portent le nom d’enfant de Dieu à ne pas le porter en vain. L’Eglise se détourne du pécheur scandaleux et lui refuse le bénéfice de la prière qui justilie..autant qu’il dépend de lui, un tel pécheur se livre dès cette vie à la mort éternelle. C’est le sens du premier texte.

Le second rappelle tous les enfants de Dieu au sentiment de leur faiblesse. Nul ne peut se vanter d'être sans péché ; mais aussi, que nul ne se désole, car il y a pour tout péché, pour les péchés du monde entier, un Intercesseur tout-puissant. Plus la faute sera lourde, et plus il doit être difficile de mettre en mouvement la divine miséricorde. X cet égard, saint Ambroish rappelle le rôle de ces grands amis lie Dieu que furent sous l’ancienne Loi un Moïse, un Jérémic : Dieu accordait à leur prière ce qu’il n’eût point accordé à une prière quelconque. Même sous la Loi nouvelle, il faut s’en souvenir, et saint Jean l’insinue dans l’Apocalypse. De pænit., l, x, xi, P. 1.., XVI, 4'^o-431. Donc saint.mbroise n’a garde de pousser les âmes au désespoir. Saint Pacirn n’agit pas autrement, en rappelant que les péchés qui damnent sont les péchés qui demeurent, c’està-dire les péchés dont on ne veut pas faire pénitence, Ep. ad Sympronianum, ni, 16, P. t., XIII, 10^4. Et saint.'AUGUSTIN, après avoir fait l’application du texte de saint Jean, 1 /o., v, 16, à l’apostat qui se retourne contre l’Eglise et la poursuit de sa haine. De Sermone Dominiin mnnte, i, 13, ^3, P. /.., XXXIV, 1266, éprouve le besoin de se corriger et d’atténuer une interprétation trop dure. Celui-là seul se damne qui persévère jusqu'à la mortdans la haine. Il ne faut jamais désespérer d’un vivant. lietract., I, xix, 7,

Tome III.

P. /,., XXXII, 61(> : Addendum fuit, si in hac tam scelerula mentis perversitute finieiit hanc tilani ; quoniam de qiiocumque pes.simo, in hac vita constitutOy non est desperandum, nec pro illo imprudenter oiatur de quo non desperaiur.

Saint Jean n’a jamais eu la pensée de refuser le bénélicedes prières privées au chrétien que ses fautes rendent indigne des prières officielles de l’Eglise. .Mais il oppose à la filiation divine, qui se manifeste par les œuvres de vie et la charité, la filiation diabolique, qui se manifeste par les œuvres de mort (I lo., II, 15.16 ; III, 8.10. 15 ; iv, 5.6 ; v, i sqq.). Et il montre l’aboutissement de l’une et de l’autre filiation. Il exclut de la prière ecclésiastique les œuvres du monde, comme le Seigneur excluait de sa prière le monde (foan., xvii, g). Et sa doctrine, sur l’une et l’autre filiation, fait écho à la doctrine du Seigneur (vin, 42-44). Entre cette épître et lo quatrième évangile, la continuité est parfaite, encore que le relief de certaines sentences, dans l'épître, rende plus particulièrement nécessaire le recours à l’ambiance doctrinale. Mais l’auteur de l'épître est le même é vangéliste qui montrera Jésus comme l' A gneau de Dieu, ôtant les péchés du monde (/oan., i, 29, 36) ; qui proposera la régénération par l’eau et l’EspritSaint. comme la voie du salut ouverte à tous (/oan., m, 3-5) ; enfin, qui proclamera l’efficacité universelle du pouvoir de rémission confié par Jésus aux siens {loan., XX, 23).

La tradition des Pères n’a point admis de contradiction entre l’enseignement positif de Jésus touchant le pouvoir de remettre les péchés et les divers textes du NT. qui paraissent viser des péchés irrémissibles. De fait, la contradiction n’existe pas. Les points de vue fragmentaires que nous avons signalés se raccordent dans l’unité d’une même vision. La miséricorde divine est offerte à tous, mais elle n’est ofl’erte que sous bénéfice du repentir. Et les textes redoutables que nous avons parcourus en dernier lieu, se laissent eux-mêmes ramener à l’unité, comme nous essayons de l’indiquer, Edit de Calliste, p. 3^38 :

« Il semble qu’un même bloc d’inexorable justice

ait été abordé, de divers biai< : , par des pensées plus ou moins profondes, plus ou moins compréhensives, qui le morcellent à noire usage. Ce pécheur-là est perdu sans retour qui s’obstine à méconnaître Dieu dans les œuvres de sa puissance (Notre-Seigneur chez les Synoptiques) — ou qui renouvelle persévéramment la passion du Christ en profanant le <lon divin (ép. aux Hébreux) — ou qui demeure volontairement dans la mort, c’est-à-dire dans la haine (saint Jean). Ces divers enseignements se complètent et s'éclairent l’un l’autre. Autour d’eux, la tradition patristique multipliera les commentaires, mêlant parfois les points de vue et rendant plus sensible l’unité foncière de la doctrine. Saint.ugustin résume vraiment cette tradition, quand il dit : « Si le cœur impénitent ne s’endurcit pas jusqu'à blasphémer le don divin, tous les autres péchés pourront lui être remis. » Serm., Lxxi, 12, 20-14, 24, P. t-., XXXVUI, 455-458. »

111° La pratique des Apôtres

L’enseignement des Apôtres est commenté par leurs actes : leurs écrits nous les montrent exerçant le pouvoir de discernement et de justice qu’ils ont reçu de leur Maître ; et l’on remarquera que le pouvoir de délier n’entre pas seul en acte, mais aussi et tout d’abord celui de lier.

Le prince des Apôtres se trouve en présence de deux chrétiens médiocres, qui usent de fraude à

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