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PECHE ORIGINEL

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dire une collection complète de vertus, de mérites et de facultés dont l’addition numérale fait la notion entière… Ni la perfection de la science, comprenant toutes les découvertes scientilifpies. ni la perfection de la civilisation embrassant tous les progrès et toutes les formes de la vie humaine, ne se trouvent ni ne peuvent se trouver au début ni dans un moment unique de l’histoire. Un individu, quelque grand qu’il soit, ne saurailëpuiser la vieou le travail de l’espèce, au point de rendre l’évolution inutile. Mais a-ton réiléchi que cette idée de la perfection est contradictoire et par conséquent chimérique ?.,. Il importe donc de faire ici uæ distinction essentielle. Il faut distinguer entre la quantité et la qualité, ou mieux, l’intensité de l’être. » Après cela, Sabatier déclare ne voir auctine dilUculté à ce que, sous le rapport de la qualité ou de l’intensité, la perfection du christianisme se soit réalisée dès le début, dans la personne de Jésus-Christ, son fondateur. Nulle difliculté, non plus, à ce que les perfections dont Uieu voulait gratiQer la nature humaineaienlétéréaliséesdela même manière dans la personne d’Adam.principeelclief de la race : non pas une plénitude absolue, carlui-même devait se développer, mais une plénitude relative de perfections, les unes communes et transmissibles, les autres propres et personnelles, parce que possédées à titre de chef. Mise » dans Adam, dès le début, par une intervention spéciale et gratuite de Dieu, ces perfections sont, par le fait même, en dehors de la loi d’évolution. Quand Schleiermacher et d’autres théologiens protestants font contre cette hypothèse, en tant qu’elle renferme la justice originelle, des olijeclions comme celle-ci : C’est supposer la sainteté déjà réalisée avant la crise nécessaire pour la former, ils montrent, sans parler d’autres faux supposés, que, n’admettant pas la grâce sanctiliante, ils ne savent pas distinguer entre la sainteté acquise et la sainteté infuse, celle-ci ne disant pas. comme l’autre, une relation nécessaire aux actes et aux mérites personnels. Aller plus loin encore et rejeter l’hypothèse, sous ce prétexte que rien ne peut être dans l’homme qu’en conséquence de l’évolution, c’est se mettre sur le terrain, non [)lus de la science, mais de la philosophie, et d’une mauvaise i)liilosopliie, celle qui nie a priori l’existence ovi la possibilité de l’ordre surnaturel oti [iréternaturel.

II. Les théologiens et les apologistes recourent à la chute originellepour expliquer l’existencedu mal, au moins du mal moral, dans le genre humain ; mais cette explication est manifestement inelHcace, car la chute elle-même « est un mal, le plus grand mal, et il reste toujours à expliquer l’explication… Si la liberté d’Adam explique le premier péché, pourquoi n’expliquerait-elle pastous les autres ? D’ailleurs ce péché primitif lui-i^ême eût il été possible sans tentation, sans passion, c’est-à-dire sans vices ? C’est l’orgueil, di’-on, c’est la curiosité indiscrète, c’est l’esprit de révolte, c’est la complaisance de l’homme pour la femme. Qu’est-ce que tout cela, si ce n est la concupiscence elle-même ? La concupiscence, que l’on considère comme une des conséquences du péché, en est donc en réalité la source ; c’est elle qui l’explique au lieu d’être expliquée par lui. » Paul Janet, /.es Problèmes du XIX’siècle, p. ^72,

477.,

Képonse. — Les théologiens et les apologistes qui recourent à la chute originelle pour expliquer l’existence du mal moral dans l’humanité, ne considèrent pas le mal dans un individu seulement, ils le considèrent dans l’ensemble de la race avec les caractères de grièvelé et d’universalité qu’il présente et qui sont si fortement mis en relief dans les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament : Gen., v, 5 ; vui, 31 ; £.v, ,

XXXIV, 7 ; m /i’ei^., vni, 4C ; /’s., cxxix, 3 ; i : ccles., u^ ai ; / ! om., iii, 12 ; vii, 18-a3 ; 1 Joa., i, 10 ; de ce point de vue, ils peuvent répondre que, si le seul exercice de la liberté sullit pour expliquer le péché d’Adam, il n’en va pas de même pour tous les autres. Mais il est une réponse plus décisive. Les théologiens les plus autorisés de l’Eglise romaine ne se servent pas de la chute originelle pour expliquer philosophiquement l’existence soit de la concupiscence en nous, soit du mal moral dans le monde : la concupiscence est naturelle à l’iiomme, laissé à ses seuls principes constitutifs, et rien ne prouve péremptoirement que sous son influence, jointe à celle d’un milieu moral délétère, le mauvais usage de la liberté ne puisse suffire à exi)liquer, abstraction fuite de la révélation, l’existence du mal moral, même avec les caractères de grièvelé et d’universalité qu’il revêt dans l’humanité historique. L’autre partie de l’objection ne vaut que par les équivoques et les confusions dont elle est remplie. Les dons de la justice originelle, reçus par nos premiers parents, ne comprenaient ni l’impeccabilité, ni l’immunité par rapport à toute tentation ; un abus de la liberté restait donc possible, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir la concupiscence dans la tentation subie [lar Adam, ni dans son jircmier péché qui fut, suivant toute vraisemblance, un péché d’orgueil, Gen., iii, 5. Mais la chute, telle qu’elle est décrite dans le livre sacré, apparaît comme un petit drame complexe, où il y a succession de divers actes, dépendant les uns des autres ; rien n’empêche qu’une fois le péché d’orgueil commis, Adam et Eve, dépouillés de la justice originelle, aient été dès lors accessibles aux mouvemeuts de la concupiscence. Voir Lb Bachklet, op. cit., p. 55 s.

12. Les données actuelles de la science permettent d’expliquer la présence en nous de la concupiscence d’une manière beaucoup plus simple et plus rationnelle qu’on ne le fait dans l’hypothèse de la chute :

« L’homme primitif, ignorant et sans idées, livré à

l’orage incessant de ses appétits et de ses instincts, qui n’étaient que les forces de la nature déchaînées en lui, ne s’est élevé que lentement à l’Idéal… Et, dans cette lente conquête où l’humanité essaye de dépouiller ce qu’il y a en elle d’inférieur, les instincts primitifs, qui sont bien une tache originelle, reparaissent, à chaque instant, indélébiles, quoique alTaiblis, pour nous rappeler non une chute, mais le peu d’où nous sommes partis. » Tu. Ribot, L’hérédité psychologique, 5 « éd., Paris, 1894, p. 342. — Même conception dans F. R Tknnant, art. Original Sin, op. cit., p. 564.

Réponse. — Si l’on se contentait d’affirmer que la présence en nous de la concupiscence peut s’expliquer, philosophiquement et expérimentalement, par la condition intrinsèque de notre nature, composée d’un corps animal et d’une àme raisonnable dont les tendances opposées sont une source de conflits intérieurs, et que cette infirmité morale nous rappelle le peu que nous sommes par nature, on ne ferait que dire ce que les meilleurs théologiens de l’Eglise romaine disent eux-mêmes. Mais l’objection va beaucou|) plus loin : en ramenant la tache originelle à la concupiscence et en greffant là-dessus cette autre idée, que cette condition de notre nature nous rappelle non une chute, mais le peu d’où nous sommes partis, les adversaires s’inspirent de vues combinant les anciens errements sur la concupiscence, considérée comme élément constitutif du péché originel, et les erreurs plus récentes des rationalistes ou des matérialistes sur la descendance purement animale et l’état d’ignorance et d’imperfection morale des premiers hommes. L’expression de « tache originelle », empruntée à la terminologie traditionnelle,