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PECHE ORIGINEL

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contradiction réelle avec les données de la science vraiment acquises ; mais les adversaires du dogme catliolique ont coutume de procéder comme le fait ici Aug. Sabatier dans son énumération : ils transforment en certitudes des hypothèses qui dépendent souvent d’une conception pliilosophique, ou bien ils mêlent des problèmes non seulement distincts en eux-mêmes, mais d’inégale portée dans leurs rapports avec le dogme de la chute originelle. Ce dogme suppose la descendance adamique, et par suite l’unité spécifique et ethnologique de tous les hommes qui ont vécu sur la terre depuis Adam ; il suppose, mais seulement dans Adam et Eve avant leur péché, lesdons et privilèges énoncés ci-dessus ; il suppose enfin que, par comparaison à leur état primitif, nos premiers ancêtres ont subi une déciiéancequi devait s'étendre à leur postérité. Aces questions, d’autres sont souvent mêlées indfimeiit, par exemple, celle de l’antiquité plus ou moins grande du genre humain, car le dogme de la chute originelle reste, en soi, indépendant de ce problème ; telle encore, jusqu'à un certain point, la question de savoir comment les premiers corps humains furent formés, car la chute originelle fut postérieure non seulement à cette formation, mais encore à l'élévation d’Adam et d’Eve à l’ordre surnaturel. La création et l'élévation furent-elles simultanées, ou la seconde ne vint-elle qu’après l’autre ? La plupart des théologiens catholiques tiennent pour la simultanéité ; l’opinion contraire n’a cependant pas manqué de partisans. Quoi qu’il en soit de ce point secondaire, l'élévation présuppose, au moins logiquement, la constitution de nos premiers parents en êtres humains par l’union de l'àme et du corps.

Celte considération permettra de comprendre un essai de conciliation, tenté par certains, entre la doctrine de la chute, prise dans ses éléments essentiels, et l’hypothèse évolutionniste ou transformiste, appliquée aux corps d’Adam et d’Eve. Que ces corps, considérés matériellement, aient été formés directement par une action divine spéciale ou qu’ils aient été le terme d’une évolution organique préalable, peu importe, dit-on, en ce qui concerne le dogme du péché originel. Le point important, c’est de déterminer ce que l’homme, une fois existant comme tel, fut dans son être réel et concret ; question tout autre que la précédente, à un double titre : et parce que l’espèce humaine présente, dans l’ordre intellectuel, moral et religieux, des caractères spéciaux qu’une évolution purement naturelle ne peut, à elle seule, expliquer ; et parce qu’on n’a pas le droit d’exclure arbitrairement la possibilité d’une intervention spéciale de Dieu, en ce qui concei’ne les perfections dont jouirent nos premiers ancêtres. Telle est, notamment, la position prise par le Rev. F. J. Hall dans l’ouvrage déjà ciié, Iiv’olutlon and the Fall.

Que dire de cette voie moyenne'? Prouve-t-elle suffisamment qu’entre la doctrine de la chute, prise dans sa notion essentielle, et riijpothèse transformiste appliquée aux seuls corps de nos premiers parents, il n’j' a pas d’opposition directe et formelle ? On peut le reconnaître. Mais un théologien catholique ne s’en tiendra pas là, s’il veut sauvegarder dans son intégrité l’enseignement traditionnel, fondé sur ce que la sainte Ecriture nous dit de la formation spéciale d’Adam et d’Eve, Gen., i, 2^ ; 11, 7, 22, et du degré de perfection, intellect>ielle et morale, qu’ils possédèrent dès le début, Eccli., xvii, i, 5-6. Il n’est nullement nécessaire de recourir à la voie moyenne proposée, pour répondre aux arguments adverses. Les analogies qui existent entre le récit génésiaque de la chute et d’autres documents anciens, ne prouvent pas qu’il y ait, au fond de tout

cela, un simple mythe. Les points de contact ouïes aflinitésque diverses sciences relèvent entre l’homme, considéré dans son corps, et les espèces animales supérieures, peuvent s’expliquer autrement que par un lien de filiation organique entre celles-ci et celuilà. Voir art. Evolution, t. I, col. 1789 s., 1797 s. ; Homme, t. II, col. 512 s. Entin l’argument tiré de « la mortalité s’attachant à l’homme par son origine même », est sans valeur en face de la doctrine catholique ; car l’immortalité qu’elle attribue à nos premiers parents n'était pas fondée sur la nature même du corps humain, mais uniquement sur un don gratuit et préternalurel, ne convenant à nos ancêtres que du jour où ils furent établis par Dieu dans l'étal de justice originelle.

10. L’hypothèse d’un état primitif de perfection, suivi d’une déchéance générale de la race, est incompatible avec la loi du progrès continu ; elle ne l’est pas moins avec la loi de l'évolution : II est contraire à toutes les analogies, que la perfection se rencontre au début d’une évolution quelconque ; ceux qui la mettent à l’origine du christianisme, sont victimes de la même illusion que les anciens, qui plaçaient l'âge d’or au début de l’histoire humaine. » Aug. Sabatier, citant Strauss, dans Esquisse d’une philosophie delà religion, Paris, igoa, p. 180.

Réponse. — Si l’on prétend aflirmer une loi de progrès continu et en même temps universel, progrès qui se ferait, se maintiendrait et se développerait sans cesse sur toute la ligne, non seulement dans le domaine des réalités ou des activités physiques, mais encore dans l’ordre intellectuel, moral et religieux, a-t-on le droit de parler au nom de la science ? Que de problèmes une pareille airirmation soulève, et que de réserves s’imposent ! Voir l’article Evolution, t. I, col. 1797 s. Prise pour ce qu’elle vaut, c’est-à-dire pour le développement normal d’une tendance innée au perfectionnement, cette loi du progrès s’applique à notre nature considérée dans la sphère d’activité qui lui est propre et qui répond à ses puissances et à ses aspirations naturelles. L'état primitif de perfection, que la doctrine de la chutisuppose, est d’un ordre tout difl'érent ; il s’agit, répitons-le puisqu’il le faut, de dons surajoutés, dont la raison d'être n’est pas danslanatureelle-même, ma13 dans une intervention spéciale et libre de Dieu. Si la conservation de ces dons est soumise à une condition positive et que cette condition ne soit pas réalisée par la faute du premier homme, on ne voit pas ce qui pourrait s’opposera ce qu’une décadence relative se produise en lui et par lui. La négation, en ce point, n’a pas pour fondement la vraie science. D’ailleurs une décadence relative, comme celle dont il s’agit, n’empêche nullement qu’après le retrait des dons primitifs, et même auparavant, la loi du progrès, ramenée à ses justes limites, ne s’applique au genre humain, réserve faite de la possibilité d’interventions spéciales de la part de Dieu. Voir Le Bacrelet, Le péché originel dans Adam, I^' partie, p. 48 s.

L’objection tirée de la loi de l'évolution se résout d’une façon analogue. Il est évident que, dans la mesure où cette loi s’applique aune race et aux individus qui la composent, il serait déraisonnable de placer au début de la série ce qui ne doit s’y trouver qu’en vertu de l'évolution. Mais la question est. précisément, de déterminercedernier point. Sabatier lui-même met au principe énoncé par Strauss une réserve propre à en compromettre gravement l’universalité et la solidité : « Quand il parle de la perfection totale ou pleine qui ne saurait se trouver au premier anneau d’une chaîne historique, il entend, sans nul doute, une perfection quantitative, c’est-à-