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PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

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naissance la première Conférence de Charité, destinée à devenir l'Œuvre mondiale des Conférences de SaintVincenl-de-Paiil. Elle comprenait, avec Emmanuel Bailly, cinq étudiants en droit : Ozanam, Lamaclie, Lallier, Clavé, Le Taillandier, et un étudiant en médecine, Jules Devaux. « Les réunions de charité devaient être hebdomadaires ; la quête, faite après chaque séance, procurerait les ressources ; la sœur Rosalie, si populaire au XI1 « arrondissement, se chargerait de fournir les familles à visiter, avec lesbons de pain et de vêtements à distribuer. On lit ainsi. A la rentrée de 1833, le nombre des membres s'élevait déjà à vingt-cinq. En 1831j, il dépassait la centaine. En 183.5, la conférence dut avoir des sections dans quatre quartiersde Paris. En iSS^, elle comptait quatre conférences en province. » En 18^5, Ozanam, rappelant à Lallier combien on avait fait d’objections avant d’admettre un huitième adhérent, constatait que la Société comptait déjà 9.000 membres. En 1853, peu de temps avant sa mort, le même Ozanam disait à P’Iorence : « Nous étions sept d’abord ; aujourd’hui, à Paris seulement, nous sommes 2. noo et nous visitons 5.000 familles, c’est à-dire 20 000 individus. Les conférences, en France seulement, sont au nombre de 500 et nous en avons en Angleterre, en Espagne, en Belgique, en Amérique et jusqu à Jérusalem » (Cf. MgrBAUNARD, In siècle de l’Eglise de France, p.Q^5 ; Lanzac DR LAnoiiiE, /. « fondateur de la Snciélé de Saint-Vincent-de-Paiil, dans Ozanam, Le lit’re du Centenaire, Paris, KjiS). Aujourd’hui le nombre des confrères dépasse 500.ooo, et les fêtes du centenaire d’Ozanam, présidées à Paris en 1918 par le Cardinal 'Vannulelli, légat du Pape, ont été une apothéose. Ozanam avait voulu que la Société fondée par lui secouriitindilTéremment toutes les misères sans distinction de culte, sans inquisition liuiuilianle pour le pauvre. Jusqu'à sa mort il s’inspira de ces principes et les fit prévaloir. Il sut répondre également dans l’Ere nowelle et dans sesallocutionsauxconfi-rences de Paris aux objections des démagogues contre la charité et contre l’aumône, qu’ils présentaient comme avilissante jiour l’assisté, i' Il n’y a pas de plus grand crime contre le peuple, répondait Ozanam, que de lui apprendre à délester l’aumône et que d'ôler au niallieureux la recoiinaisssance, la dernière richesse qui lui reste, mais la plus grande de toutes, puisqu’il n’est rien qu’elle ne puisse payer… Oui, sans doute l’aumône oblige le pauvre, et quelques esprits poursuivent en effet l’idéal d’un Etat où nul ne serait l’obligé d’au trui, où chacun aurait l’orgueilleux plaisir de se sentir quitte envers tous ; où tous les droits et les devoirs sociauxsebalanceraient comme les recettes et les dépenses d’un livre de commerce. C’est ce qu’ils appellent l’avènement de la justice substitué à la charité ; comme si toute l'économie delà Providence ne consistait pas dans une réciprocité d’obligations qui ne s’acquittent jamais ; comme si un fils n'était pas l'éternel débiteur de son père ; un père, de ses enfants ; un citoyen, de son pays, et comme s’il y avait un seul homme assez malheureux, assez abandonné, assez isidé sur la terre pour pouvoir se dire en se couchant le soir qu’il n’est l’obligé de personnel » Et aux socialistes d’alors qui, dans les réunions, ne parlaient que de réformes et de régénération sociale, il disait : « Oui, sans doute, c’est trop peu de soulager l’indigent au jour le jour : il faut mettre la main à la racine du mal. et, par de sages réformes, diminuer les causes de la misère publique. Mais nous faisons profession de croire que la science des réformes bienfaisantes s’apprend moins dans les livres et aux tribunes des assemblées qu’en montant les étages de la maison du pauvre, qu’en s’asseyant à son chevet, qu’en souffrant du

même froid que lui, qu’en lui arrachant, dans l’effusion d’un entretien amical, le secret d’un cœur désolé. Quand on s’est acquitté de ce ministère, non pendant quelques mois, mais de longues années : quand on a ainsi étudié le pauvre chez lui, à l'école, à l’hôpital, non dans une ville seulement, mais dans plusieurs, mais dans les campagnes, mais dans toutes les conditions où Dieu l’a mis, alors on commence à connaître les éléments de ce formidable problème de la misère, alors on a le droit de proposer des mesures sérieuses, et, au lieu de faire l’effroi de la société, on en fait la consolation et l’espoir » (Cf. Lanzag db Laborib, op. cit., p. i^o143).

Ce qui fait la force de l’apostolat social d’Ozanam, c’est qu’il n’est pas basé uniquement sur le sentiment, ou sur la compassion naturelle qu’inspire le pauvre, mais sur l’intelligence de la doctrine cathoîiqvie et la science des origines du christianisme. Chez lui, l’action est fonction delà pensée. Brillant professeur de Sorbonne, il connaît à fond les premiers siècles de l’Eglise, la civilisation romaine, les invasions barbares et le moyen âge ; et cette connaissance l’aide à mieux comprendre son temps et à se convaincre du grand rôle que peuvent encore jouer les catholiques en « passant aux barbares », c’est-à-dire en s’occupant chrétiennement et socialement des i>euples modernes soustraits, à leur grand détriment, à la maternelle influence de l’Eglise Pour être fécond, tout apostolat doit être à base de doctrine, et quelle doctrine peut-on sérieuscmentopposerau christianisme ? Ne rcclanie-t-il pas, autant et plus que le socialisme, à côté de la charité, la justice, et dans la charité elle-même, dans la visite du pauvre, ne voit-il pas, aujourd’hui comme dans lespreuiiers siècles, l’occasion du rapprochement social, de l’amour fraternel entre leshommes ? Quant aux devoirsattachés à la propriété, le christianisme les maintient, aujourd’hui comme autrefois, et lors(pie Ozanam, à Ljon, en 18^0, dans la vingtquatrième leçon du cours municipal de droit commercial, parlait déjà avic force du « juste salaire », voire même du salaire familial et du « salaire proportionnel au prolit », autrement dit de la parlicipalion aiix bénéfices, il posait des questions qui sont aujourd’hui à l’ordre du jour et que les papes de notre temps, Léon XIII en particulier dans l’Encyolique lierum novarum, devaient préciser et mettre au jioinl. Comme le remarquent les éditeurs d Ozanam, Il c’est un honneur pour la religion que ces paroles prévoj’aiites aient été, dès 18^0 prononcées dans une chaire lyonnaise par un catholique, par un adversaire public du sainl-siinonisme)>. Mais, lont en revendiquant énergiquement pour l’ouvr ; er et le travailleur de tout onlre la justice, Ozanam continuai ! à croire — et sa pensée est la nôtre — à riin|ièrieuse nécessité de la charité qui va au delà de la justice, favorise le progrès social, travaille à la paix entre les classes, et par suiie au salut temporel de l’individu en même temps qu'à son salut éternel. I Aimez-vous les. uns les autres C’est le précepte du Seigneur ! b (Cf. Eugène Dcthoit, Ozanam, sa jiensée sociale, /.ii-re du Centenaire, pp. 343-3^2).

Après les Conférences de Saint-Vincent de-Paul, cet immense organisme dont la vitalité s’affirme charpie jour davantage, il faut signaler, au milieu de tant d’oeuvres charitables créées au xix* siècle, un véritable miraclede confiance en Dieu et d’amour du prochain, devant lequel s’inclinent avec respect les ennemis mêmes du christinnisme. Les Petites Sœurs (/('S Pa » ire.' ! sont un acte de foi en la prière dominicale : Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien, puisqu’elles s’interdisent de posséder et que