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PAUVRES (LES) ET L’ÉGLISE

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protestante en Allemagne et en Angleterre. La vente des biens du clergéet des nionaslères à des prix souvent dérisoires nous connaissons une ferme de cent Lectares qui fut vendue pour une paire de bœufs — enrichit des particuliers sans scrupules, mais appauvrit la nation et tarit la source des aumônes et des œuvres charitables qui étaient depuis des siècles la rançon de la propriété ecclésiastique.

Dans la plupart des Etats européens, des lois furent votées pour laïciser 1 assistance et substituer l’Etat à l’Eglise dans le soin et l’entretien des indigents. Mais, dans leur a plication pratique, ces lois furent inadéquates à leur objet, et la charité catholique, loin d’être une superfétalion, trouva aux xix* et xx’siècles, comme dans tous les siècles, un vaste champ d’action, et loin d’être inutile, comme le croyaient naïvement les conventionnels, fut souvent nécessaire. L’histoire des initiatives charilables et des innombrables fondations hospitalières du dernier siècle le prouve surabondamment.

Napoléon, nous l’avons dit, avait rappelé les congrégations religieuses pour l’assistance à domicile et aussi pour le service des malades dans les hô[iitanx et des bles-^és sur le champ de bataille. Miis

« il entendait faire de ce service un rouage de sa

machine administrative. En rétablissant la chacilé chrétienne, il la jetait dans le moule de sa législation afin qu’elle en sortit avec le cachet de son autocratie.

« La Restauration fit à la religion une part encore

plus importante dans le domaine de la bienfaisance publique. Elle appela les évêques et le clergé à siéger dans les Bureaux et Conseils de charité à côié des fonctionnaires et des ministres protestants ; mais la doctrine révolutionnaire de 1 omnipotence de l’Etal demeurait la base de la bienfaisance publique, aussi bien que de l’ordre social » (J. Schall, Ar/ul/jhe Baudon (i&i()-188X), Paris 1897 ; L.nEl^ANZAO de Labo-RiR, Paris sons Nn/inlénii, t. V, 11-16).

Ce que ne pouvait faire le clergé, les laïques, plus libres, l’entreprirent. Le 2 février 1801, six jeunes étudiants en droit ou en médecine se réunissaient sous la direction de l’abbé Delpuils, ancien jésuite, et fondaient une Congrégation de la Sainte-Vierge, sous le titre de « Saiicla Maria, aiirilium christianoriim y.

Il s’appelaient : Régis Buisson, Louis Gondret, François Régnier, Joseph Perdreau, Auguste Périod et Charles Frain de la Villegontier. Ce fut l’origine de la Con^ré/ ; ali()n, si justement célèbre par son apostolat intellectuel et charitable, et si calomniée, depuis l’apparition du Mémuire de Montlosier en 1826, jusqu’aux articles de journalistes contemporains qui en parlent avec horreur, sansmême savoir cequ’elle était.

Bientôt la Congrégation conquit des adeptes à la Faculté de médecine et à l’Ecole Polytechnique. Buisson, Laénnec, Tesseyre, Cauchy, Cruveilbier, Récamier, furent Idenlôt célèbres et en imposèrent à l’impiété par leur science et leurs vertus. Sous la direction des Docteurs Fizeau et Pignier, les conrn’ganistes de l’Ecole de médecine se livrèrent à l’apostolat dans les hôpitaux. Des nobles se joignirent à eux : M. de Bonald, Maximilien de Béthune, duc de Sully, Mathieu et Eugène de Montmorency, le prince de Léon, le duc de Rolian, Alexis deNoailles, Charles de Forbin-Janson, etc.En 181 i, l’abbé Legris-Duval fondait la Société des Bonnes Œtivres, divisée en trois sections : la section des Hôpitaux, celle des Savoyards ou petits ramoneurs, et celle des Prisons. La première avait pour patron saint Vincent de Paul, la seconde saint François de Suies, la troisième saint Pierre aux liens. Non content de tra-’vailler à moraliser les jeunes détenus, un autre apôtre, l’abbé Arnoux, songea à assurer leur persévérance, i leur sortie de prison et à les empêcher de retomber dans le vagabondage et la misère. En 1817, VOhUti’ie des Jeunes Prisonniers était créée ; l’institution de la maison de refuge des jeunes condamnés était autorisée et installée dans l’ancien couvent des dominicains de la rue Saint-Jacques, tandis que les Frères de la Doctrine chréiienne consacraient leur dévouement à ces pauvres enfants.

La Congrégation prit également une part active à l’Œuvre ouvrière de V Association de Saint-J’iseph, fondée en 18^2 par l’abbé Lowenbruck. Elle s’elforçait de grouper les patrons et les ouvriers et comprenait des commerçants et des employés de magasin, des ouvriers, desapprentis etdesenfantsdestinés au commerce et à l’industrie.On retrouve son influence dans les œuvres de V Apprentissage des orplielms, des Secours Il uji ouvriers mal a des ou aux Pauvres honteux, de l’adoucissement du sort des Irisonniers pour dettes et des Or/ihelinesdela Hé oP(/ii<n. El le restaura V Institution des jeunes aveugles fondée sous Louis XVI par Valentin Haiiy et qui subsiste encore en 1921. Signalons enfin la Société des Amis de P^'i/ancc, toujours vivante, elle aussi. « Fondée en 1828, écrivait le vicomte Armand de M blun, par un pauvre petit libraire du quai des Augustins, eUe tenait ses séances dans son humble boutique. Le soir, à la lueur de deux chandelles, une dizaine de jeunes gens, réunis autour d’une table, discutaient, sous la présidence du libraire, sur l’admission par l’œuvre d’un ou deux orphelins placés à prix rcduitsdans de pauvres établissements, et dont l’excellente mère du président raccommodait les pantalons v (Mgh Baiinabd, Vie du vicomte Ai niand de Melun, p. 1^4)- Bientôt sous l’impulsion de M. de Melun, la Société attirait à elle la jeunesse chrétienne de 13 capitale qui, à son tour, adoptait de jeunes garçons sans parents ni protecteurs et justifiait magnifiquement, par son active et intelligente charité, le beau nom des Amis de l’Enfance.

Ce que nous venons de dire de l’action de la Congrégation à Paris est également vrai de la province, car bientôt des congrégations semblables, alliliées à celle de Paris, avaient été fondées à Grenoble, Lyon, Bordeaux, Langres (1803-1805), Toulouse, Nantes, Rennes(1807-1808). Quimjier, Ancenis, Auray, Guingamp, Tréguier, Saint-Brieuc, Montpellier, etc.(18151 810). On songe involontairement à la Compagnie du Saint-Sacrement du xvii’siècle et à sa merveilleuse activité charitable, et l’on ne peut que souscrire au jugement autorisé de son docte historien, M. Gkoi ; -FROY DR Ghandmaison : Il La Congrégation doit revendiquer la paternité de presque toutes les créations actuelles de la charité française ; les œuvres du dix-neuvième siècle sont nées là, et l’on peut, en publiant ses annales, tracer leur généalogie. » (Sur la (Congrégation, son esprit, ses tendances, et la réfutation des calomnies, d’aprèsles pièces authentiques, cf. Geoffroy de Grandmaison, La Congrégation (1801-1830), Paris, Pion. 3’éd. 1902.)

Au moment où la Congrégation disparaissait, emportée parla Révolution de 1830 avec plusieurs des sociétés charitables fondées par elle, la Providence suscitait une nouvelle association, dont les membres étaient loin de prévoir son extension future. L’un des sept premiers associés, Lamache, écrivait plus tard à Chanrand : « Aucun de nous ne se doutait qu’il y eût là le germe d’une grande œuvre. Qui aurait pu soupçonner alors ce que la bonté divine devait faire sortir de cette réunion de quelques étudiants laïques ? » (Lettre du 6 mars 1856). C’est en mai iH33, dans les bureaux de la Tribune catholique, dont M. Emmanuel Bailly était le directeur, que pri