Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/868

Cette page n’a pas encore été corrigée

1723

PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

1724

y aura des indigens à secourir. A-t-on su]iputé le tenis des revers comme celui des victoires, ces momens de crise où toutes les répartitions sont suspendues ? Nous osons vous le dire avec courajfe, la ruine des hôpitaux, leur anéantissement total, seront les suites lunesles du décret lancé contre ces établissements ; l’e sera le coup de fondre qui les réduira en poussière… » (Bib. Nat Rp 381'7).

Comme le prévoyaient les olliciers municipaux de Dijon, de Gray, de Besançon, de Chatellux, de Montéliinar, etc. les elTels de ce décret furent désastreux ; la Convention dut suspendre, le 9 fructidcir an III, l’ellet de la loi, et, le i brumaire an IV, elle décida quecliaque hôpital jouirait provisoirement, comme par le passé, des revi nus qui lui étaient aUectés.

Mais déjà un grand n<'inbre de biens étaient vendus et les subsides obtenus du g(mvernenient au prix de grandes dillicultés ne sullisaient pas aux besoins journaliers. Des milliers de textes otliciels, conservés aux Archives Nationales (F'^ 26^ à F'"' 44"), attestent la misère des hôpitaux à la suite du décret de messidor an II. Les ailminisirateurs de la maison nationale de bienfaisance (lisez il’Hôtel-Dieu) d Auxerre écrivent le 1 5 fructidor, an 111 : « En ce moment, avec une population de cent cinquante malheureux et envin-n d’un autre nombre presque aussi considérable que la misère.iltache à nos pas, ntuis n’avons ni grains, ni fonds pour nous en procurer » (Aich. Nut., F'-' 276). Les commissaires préposés à l’Hôpital généialde Douai, frucliclor an III : L’hiver va nous surprendre sans approvisionnements pour le chauffage et le luminaire, sans une aune d'étolTe pour couvrir la nudité de nos vieillards et de nos enfants des deux sexes qui sont également en guenilles » (Al cil. Nil., F ab-). La ULèuie année la munici|>alité de Brivesavertitle Coniité de salut public qn'" il y a dans les hospices de la ville de nombreux imlividus à la veille de périr de misère et de faim » (Arch. JViil, F'-' aôS). A rhos|iiie d’humanité de Rouen, on constate, le 15nivôse.m IV, que le |iain manque(F 27.' ») ; Ie6 vendémiaire an IV c’est lelinge qui fait absolument défaut à IVrigueux (Kiî v81) ; à S.-Pol-deLéon, baptisé Pol-I.éon il n’y a pas de pain (F 263). Les directeurs de 1 hôpital de l')itii rs iléclarent, dans une péliiionde frim^iire au IV, rjue cinq cent douze hospitalisés manqu< nt de subsistance (F'-' 2- ; 4)- Le 8 vendémiaire an V, la coiumission administrative des hospices civils de Paris déclare an Bureau Central du canton que " la pénurie est telle que sous peu de jours tontes les branches de service vont mancpier à la fois (F' ' 301). A llaguenau la municipalité écrit, le 16 ventôse an 111, à la Convention :

« La Convention Nationale, en alfectant a la Répnbli<iue les propriétés des hôpitaux, n’a pas voulu

dévouer à la misère des vieillards, des enfants, que la commisération a recueillis, ou des individus qui on ! donné leurs biens à l’hôpital dans l’espérance d’y trouver les moyens de subsister n (F'^ 264). Nous terminons ces quelques témoignages choisis entre des milliers éiiianant de tous les points de la France et tous concordants, par ce résumé dii aux administrateurs de l’hospicecivil de Doullens et daté du !) pluviôse an VI ; « (n crêpe fiinèhre, des signaux de ili il i-sse, ont été ^nsjierniiis sur l, s hospices depuis la loi du 23 messidor nu If, jusqu’au 16 vendémiaire an V ; la mort a miiis-.onné une musse effrayante d indif !  !  ! -. d’infortunés, l’e n nllieureux de tout âge et de tout sexe, par In privation qu’on leur a fait d’un revenu sacré aux reu 1 de la lustice et de l’humanité » (Ff-1357).

Un tel excès appelaii une réaction. Elle vint sous le Directoire. La loi du 16 vendémiaire an V, à laquelle fait allusion le texte ci-dessus, maintient les

hospices dans leur patrimoine ; « les biens vendus en vertu de la loi du 23 messidor, qui est définitivement rapportée » en ce qui concerne leshospices civils, doivent èlre remi)lacés |iar des biens nationaux de même produit. « Les commissions administratives de ces établissements sont placées sous la surveillance des municipalités. Peu de temps après, 7 frimaire an V, le principe du prélèvement d’un droit supplémentaire d’entrée dans les spectacles est mis en vigueur, et les liurcaux de charité de l’ancien régime revivent sous le nom laïcisé de Bureau.' de hien/aisance n (La.llemand, op. cit., t. IV, 1" Pi « , p. 4t>4, et La lièviilution et les Pauvres, in-8, Paris, 18y8). Bientôt, sous le Consulat, Chaptal, minisire de l’Intérieur, ne craint pas de rappeler les sœurs pour secourir les malheureux à domicile ; sa circulaire du 10 nivôse an X, stipule que les membres des bureaux de bienfaisance « seront aidés dans leurs utiles fonctions par la charité douce et active des sœurs », et le 2^ vendémiaire an XI, deux arrêtés des Consuls rétablissent les sœurs de la charité et leur permettent de porter leur costume.

L’expérience révolutionnaire, en effet, ne s'était pas limitée aux hôpitaux ; la charité privée availété interdite, comme humiliante. Les sociétés particulières, confréries, bureaux de charité, bouillons des pauvres, etc., qui avaient derrière elles des siècles de fonctionnement régulier et d’autorité incontestée, avaient été supprimées le 19 germinal an III (8 avril I7y5). La Convention avait décrété q>i' « il n’y aurait plus dans la République ni pauvres ni esclaves et que c’est de la Nation seule que le citoyen en soulfrance avait le droit de réclamer et devait directementrecevoirde quoi subvenir à ses besoins 11 (Moniteur, 28 prairial an II). Dans cet esprit, Joseph Le Bon, à Arras, proposait de graver au-dessus de la porte des hôpitaux ou des asiles consacrés à l’indigence « des inscriptions annonçant leur inutilité future, car, disait-il, si, la Révolution Unie, nous avons encore des malheureux parmi nous, nos travaux révolutionnaires auront été vains » (Lkcrstre, Arras sous la Jtevolulion, t. II, p. ïo6).

La conclusion de toutes ces déclamations grandiloquentes, c’est que le gouvernement, quelques années plus tard, était obligé de faire appel à la charité pri%'ée et, comme le disait Chaptal dans la circulaire meniionnée plus haut, a à la charité douce et aciive des sa^urs >. en attendant que Napoléon l" favorisât la reconstitution des congrégations enseignantes et hospitalières et fit dire en 1807 aux déléguées de soixante-cinq congrégation s charitables : « Votre souverain, pour payer vos soins et vos services, ne se croit pas assez riche de toute sa puissance » (LalLKMANo, o//. cit., t. IV, 2 » P", p. 447) Quelle leçon d’apologétique, et quel hommage rendu à l’Eglise catholique dans son apostolat charitable enveis les pauvres ! Après dix ans de persécution, consacrés à renier les œuvres et les méthodes de la charité chrétienne, la Révolution obligée de faire amende honorable et de recourir de nouveau, pour empêcher les pauvres de mourir de faim, à cette Eglise qui se glorifie d'être parmi les hommes indiirérents, hostiles ou ingrats, " l'éternelle recommenceuse » ! — Et l’histoire d’hier n’est-elle pas l’histoire d’aujourd’hui ?

X. — L’Eglise et les Pauvres aux XIX* et XX' siècles. — La Congrégation. — Les Conférences de Saint-'Vincant-de-Paul. — Les innombrables œuvres catholiques. — Il ne faut cependant pas se dissimuler que le contre-coup de la Révolution sur l’assistance des pauvres se fît longtemps sentir et aboutit aux mêmes effets que la Réform »