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PAUVRES (LES) ET L’EGLISE

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rilùi)ital général dans chaque Ville devait seulement recevoir les mendiants valide » de la ville et des faubourgs. Dos qu’il était achevé, on organisait une sorte de battue, disons une rafle pour employer une expression moderne, et l’on y conduisait tous les gens trouvés sans moyen d’existence. C’est ce qui explique que 60.000 pauvres aient passé en cin({ ans par l’Hôpital général de Paris. Les lettres patentes de fondation de ces Hôpitaux sont d’ailleurs très nettes sur ce point, u Tous les pauvres mendiants… qui se trouveront dans la ville et faubourgs de Paris… seront enfermés dans ledit H’jpital et les lieux qui en dépendent. » Dans celles de l’Hôpital général d’Auxerre, nous lisons que cet établissement est créé’pour retirer les mendiants de l’oisiveté et de la fainéantise où ils ne croupissent que trop, ce qui est la cause de leur mendicité, comme elle l’est de tous les vices, et entin pour les renilre capables de gagner leur vie en leur faisant apprendre des métiers auxquels ils auraient plus d’aptitude >.. A Dijon, les religieuses Hospitalières du Saint-Esprit qui, le jour de leur profession, se donnaient « a Dieu, à la Bienheureuse Vierge Marie, au Saint-Esprit et à Messeigneurs tes Pauvres pour être tans les jours de leur vie leurs servantes » — c’est la formule de leurs voeux,

— dirigeaient à l’Hôpital général de la Charité la

« nourricerie » (on dirait aujourd’hui : la crèche), 

l’asile de vieillards, l’orphelinat où l’on apprenait aux garçons à carder la laine, à tisser la toile, etc., et aux lilles « les ouvrages de tapisserie : nuance, pointcoupé, point d’Espagne et de Gènes, et autres propres à des lilles de leur condition, et encore à lire et à écrire ». Enfin elles s’occupaient, sous la direction de l’intendant des « manufactures », des pauvres gens qui étaient amenés à l’Hôpital de la Charité. Aussi n’était-il permis à aucun pauvre de mendier, soit par la ville, soit dans les églises, sous peine d’être fouett.^ et chassé de la ville. H en était de même à Paris et partout. « Auparavant, écrit un contemporain, on était assiégé aux églises, pendant la longueur d’une messe, d’autant de pauvres qu’il y a de minutes en une demi-heure qu’elle peut durer. » H était également défendu aux habitants de leur donner l’aumône sous peine de dix livres d’amende la première fois et de trente la seconde. Pour assurer l’exécution de cet article, des chasse-coquins devaient « faire tous les jours une revue parmi la ville et dans les églises, principalement celles où l’on faisait fête ou solennité particulière » et conduire à l’Hôpital les individus qu’ils auraient surpris à mendier. (N’oublions pas qu’à cette époque tous les gouvernements de l’Europe prennent des mesures très rigoureuses contre les mendiants et les vagabonds.)

Ici nous devons signaler l’action considérable du Père Chaurand, du Père Dunod et du Père Guevarre, tous trois appartenant à la Compagnie de Jésus.

Le Père Chaurand, entré dans cette Société en 1636, enseigna à Avignon, selon l’usage, la grammaire, les humanités et la rhétorique pendant sej)t ans ; il se livra ensuite pendant vingt ans à la prédication dans les principales villes du royaume. Entin il passa le reste de sa vie à créer des Bureaux de charité et des Hôpitaux généraux. Le total des maisons de bienfaisance fondées par lui ne s’élève pas à moins de 126. Il commença par la Normandie, et eut [)Our auxiliaire le Père Dunod, originaire du Jura. Un des premiers Hôpitaux généraux qu’ils créèrent fut celui de Vire(1683), puis ceux de Valognes, Cherbourg, Coutances, Saint-Sauveur, Granville, Carentan, Thorigny. Celui de Saint-Lô, dont les revenus étaient dissipés, fut reconstitué. Dans les bourgs et les villages trop |)eu populeux pour pouvoir subvenir à l’entretien des hôpitaux, ils créèrent] des a charités ». Le

résultat fut tel que l’intendant de Cæn, M. de Morangis, écrivait en 1683 à Le Pelletier, contrôleur général des linances : ^ Il y a près de cent vingt vidages du diocèse de Coutanees, où la mendicité a cessé » (De BoisLisLfi, Correspondance des contrôleurs liénéruux des finiinres avec les inlendaiils des provinces, in-4, iS^^i t. I, p. 8). Peu de temps après, ou retrouve le Père Chaurand dans le midi de la France ; il fonde des bureaux de chanté à Valréas, Bolléne, Malaucène, Carpentras, l’isle, Sarrians, Bédarrides. On le voit travailler, avec les intendants du Languedoc et de Provence, à établir un Hôpital général à Nimes, à réorganiser ceux de Marseille et d’Aix, où il a pour collaborateurs les Pères Dunod et Guevarre. A Marseille, où l’on organise sur de nouvelles bases en 1687 l’Hôpital général (celui de 104" avait servi surtout aux malades, et les ressources avaient manqué pour recevoir les mendiants), les échevins rendent une ordonnance semblable à celle que ceux de Dijon avaient rendue dès 1643, pour obliger tous les mendiants étrangers à sortir de la ville et interdire aux autres de demander l’aumône et aux habitants de la donner.

Le Père Chaurand s’était acquis une telle réputation dans la fondation des Hô(iilaux généraux, que le Pape Innocent XII le lit venir à Rome avec le Père Guevarre pour en établir un à Saint-Jean de Latran, alin de supprimer la mendicité, issue du « dolce far nicnte », qui fut toujours si cher aux descendants de Uomulus.

Après la mort du Père Chaurand survenue, en lôg’j, le Père Gukvarkb le remplaça brillamment, et tandis que le Père Dunod, après avoir fondé l’Hôpital général de Dôle, restait en Franche-Comté pour y faire des fouilles archéologiques (l’archéologie étant, après l’amour des pauvres, sa plus grande passion), le Père Guevarre travaillait en Languedoc, en Gascogne, en Piémont, et y fondait toujours des Hôjiitaux généraux jusqu’en 1724, date de sa mort (Cf. Cu. JoHET, de l’Institut, Le l’ère Guevarre et les Bureaux de Charité au A’V/I’siècle ; Annales du Midi, 1889).

Nous n’oserions dire que la création des Hôpitaux généraux et les mesures prises dans la plupart des villes deFrance aient parfaitement résolu le prcddème social de la mendicité, puisqu’en plein xx* siècle ce problème se pose toujours, mais c’était un devoir de justice de signaler les ellorts tentés sous Louis XIII et Louis XIV pour moraliser par le travail la cla^se si nombreuse des vagabonds.

4’l’action individuelle. — A) /.es Confréries de Charité. — Les Hôpitaux sont, pour ainsi dire, l’action publique de la charité. Mais à côté de cette action publique existait, dès le Moyen Age et dès le commencement de l’Eglise, nous l’avons dit, l’action individuelle qui consiste surtout dans la distribution de secours aux indigents, action qu’au xix « siècle Ozanam devait rendre si féconde par la création des conférences de Saint- Vincent-de-PauI. Partout on trouvait, dans les villes et dans les campagnes, des charités, c’est-à-dire des institutions de bienfaisance, régiesparles administrations locales, comme la Charité de Saint-Césaire à Nimes, la Charité de la Pentecôte à. Bergerac, la Charité de Saint-Iiaymond dans le comté de Foix, etc. Il existait également des Confréries de Charité qui, par l’assistance réciproque des confrères et les secours aux indigents, en faisaient de véritables sociétés de secours mutuels ; d’ailleurs il en était de même des autres confréries si nombreuses dans l’ancienne France, confréries de Saint-Eloi, de Saint-Pierre, du Saint-Sacrement, confréries des patrons de la paroisse, etc. Le pouvoir que possédaient lès chefs ou présidents des con-