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PAUVRRS (LES) KT L’EGLISE

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maladreries qui ressemblent assez à une ferme ou à un pelit monastère. La cliapelle est le plus souvent dfdiée à saint Laz : ire ou à sainte Marie Madeleine ; dans presque toutes les villes, l’on trouve des maisons lie Saint-Lazare.

L’Kglise, par la voix des Papes, s’intéresse spécialement à ses lils lépreux », et leur octroie des privilèges spéciaux, soit qu’elle prenne les maladreries sous sa protection et excominunii' les spoliateurs de leurs biens, soit qu’elle recommande des quêtes en leur faveur ou leur accorde des indulgences et des aumônes. Les rois, les princes et les seigneurs leur oclroientdes franeliises, leur concèdent des rentes de blé et de viii, des droits d’alVouage et de pâturage ; des chanoines, des chevaliers partant pour la ferre Sainte, lèguent leur patrimoine aux maladieries ; des donations de forme diverse sont très fréquentes.

L’administration des léproseries appartient originairement à révêquc du diocèse, qui nomme le iiinitre, Cdiniiiiitideiir ou éiotiuine ; celui-ci peut être ecclésiastique ou laïque. Lors du mouvement communal, les évêques, dans beaucoup de cas, abandonnent leurs droits aux échevins ou consuls, ou au, ï seigneurs fondateurs.

Les frères et sœurs des lépreux (frntres et sorores lepri}s(iriiin) se vouent au soin des malades sous l’autorité del'évêque, cl portent souvent sur leurs habits un morceau de drap rouge cousu sur la manche, indiquant qu’ils ont revêtu i)ar linniilitéla livrée des lépreux. Ceux-ci, en eli’et, agitent une clujuetle ou crécelle lorsqu’ils circulent dans les rues f>u sur les routes, et les conciles de Nogaro (1290) et de I, avaur (|368) insistent sur l’obligation pour eux de porterie signe ordinaire sur leurs habits : « Sii ; iiiim purteiit consuelum tn este supenori » (('orir. Nnj(arolieiise, cap. 5, Mansi, XXIV, ]). 10(18, anc. édit.).

Les jrères et les mirs qui soignent les lépreux sons l’autorité de l'évêque diocésain sont, en général, des personnes qui ont légué leurs biens à la malodrerie et sont entrés dans les confréries <lestinées au soulagement des lépreux ; ces confréries, assez semblables à celle » qui ilesservent les Maisons-Dieu, suivent coninie elles la règle de saint Augustin, et leurs membres, sans être de véritables religieux, font en commun certains exercice^ de piété et prononcent des vœux tenqjoraires de chasteté, de pauvreté et d’obéissance.

En dehors de ces confréries, l’Ordre hospitalier et militaire des Che^-aliers rie Sniîit-l.uziire deJénisalem fondé après la victoire des Croisés, en même temps que l’Ordre de Saint-Jean entre 1099 et 1 1 1 A, se consacre particulièrement aux lépreux (cf. Ulysse ChbVALiKR, Not. hisl. sur la Miiladrerie de l’oley, in-8, 166 p. 1870). Louis VII, à son retour de la a Croisade, les introduit en France et leur donne en 1 154 le domaine royal de Boigny, près d’Orléans, qui devient, exactement un siècle plus tard (1254), au retour de Saint-Louis de sa captivité en Orient, le séjour du Grand Maître qu il avait ramené avec lui. De Boigny, Maîtrise générale de l’Ordre, partent, du xine au XV' siècle, les instructions envoyées aux 3.000 léproseries de Saint-Lazare situées en Asie Mineure, en France, en Savoie, en Angleterre, en Ecosse, en Italie, euSicile, en Espagne, en Allemagne eten Hongrie. Après deux siècles d'éclat, d'édification et de prospérité, la Guerre de Cent ans et le Grand Schisme d’Occident, à la faveur duquel les maisons de l’Ordre situées dans les pays étrangers se séparent du Grand Maître de Boigny, qui ne garde sous son obédience que les léproseries françaises, ébranlent considérablement cetOrdre charitable, jusqu’au jour où Innocent VIII attribue les biens de Saint Lazare aux chevaliers de Saint-Jean (1490), ce qui, joint à la

raréfaction progressive de la lèpre, amène finalement la décadence de l’Ordre.

Quelles I è^tes présideut à l’admission des lépreux dans les maladreries ? — Les dangers de la contagion une fois constatés, l’opinion publique réclame la séparation des lépreux du reste de la population chrétienne elles Conciles, d’une part, les ordonnances des rois, d’autre part, ne font que sanctionner un état de choses que la société reconnaît nécessaire. Du moins l’Eglise tient-elle à adoucir le sort de ces infortvmés, en recomnian<lant aux fidèles de les aimer d’un amour tout particulier (<'o"( ; V(> de /. « cau, 1368, Mansi. XX VI, Ciiiic. Va are II se, xx, p. 499) et en exhortant les pauvres < ladres > à la patience et è la résignation chrétienne, avec lesiiérance très ferme du Paradis. Elle fait plus. Elle trace des règles sévères pour l’examen des mal.ides présumés lépreux, afin d'éviter ((ue. victimes de fausses dénonciations, des per.-vonnes saines soient enfermées dans les léproseries Dansée cas, l’excom m un ica lion atteint les dénonciateurs loupables.

Les plus graves précautions sont prises pour entourer l’examen des maladesde foutes les garanties nécessaires. Les juges sont : i" l'évêque, ou à son défaut l’archidiacre ou l’ollicial. Il en estainsi à Paris, (Chartres, t^outances, Genève, le Mans, Nantes, Orléans, Reims ; 2" les échevins (à.miens), les consuls (à Nîmes), le procureur syndic (à Dijon). Les jurys d’examen simt composés de médecins et de chirurgiens, auT<|uels on adjoint le plus souvent des lépreux ; parfois même des léjireux choisis parmi les n prudhommes » établissent seuls le diagnostic. Certains malades se font conduire dans des villes différentes pour y subir deux ou même trois examens successifs. Ainsi des lépreux (r.Vmiens se font examinera Cambrai et à Paris ; des lépreux de Péronne et de Saint-Quentin vont à Noyon,.Soissons et Laon ; un ciloyen de Metz est jugé ladre par l'épreuve de Toul. Verdun et Trêves (1470). Bref, on petit appeler des sentences rendues et nes’inclinerquedevant l'évidence.

D’ordinaire le lépreux, séparé de ses frères de la paroisse, entend avant de les quitter, une messe à laquelle assistent les paroissiens, et à il reçoit des vêlements, des gants, et une ciécelle que le prêire bcnif avec nn cérém<mial assez semblable à celui des prises d’habits des religieux et des religieuses. Seules les paroles en sont différentes, mais elles sont d’un ordre aussi élevé, parce qu’elles puisent leur inspiration à la même source : « Vois-tu icy des gants que l’Eglise te baille en toy défendant que quant tu iras par les voyes ou autre part que tu ne louches à main nue aulcune chose… », etc. « Pourquoy ayes patience en ta maladie ; car Nostre Seigneur pour la maladie ne te desprise point, ne te sépare point de sa compagnie ; maissi tu as patience. Inséras saiilvé, comme fui le lailre qui mourut devant l’ostel du mauvais riche et fut porté tout droit en paradis » Et encore, pour terminer la cérémonie : « Je te prie que luprennesen patienceeten gréta nialadieet remercie Nostre Seigneur ; car ce ainsy fais, tu feras pénitence en ce monde, et combien que lu soyes séparé de l’Eglise et de la compagnie des sains, pourtant tu n’es séparé de la grâce de Dieu ne aussi des biensque l’on fait en nostre Mère sainte Eglise. »

Une fois entré dans la inaladière, les lépreux et lépreuses devaient se conformer aux règlements qui faisaient d’eux une vaste famille de frères etdesœurs et dont le but était d’obtenir, à l’aide des devoirs religieux, la paix intérieure et les bonnes mœurs (Cf. Augustin "THiKRny, Recueil Monuin., tiersélat.l. I, p.3ai). Nous ne pouvons entrer ici dans le détail du régime des léproseries qui ressemblait, sauf pour les