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PAUVRES (LES) ET L’ÉGLISE

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les tiitnanclies, l’épître et reVitU’, 'ile seront chantés dans cette lïiaisoti et on y fera j>rocess : onn’llement l’aspeisiuii de l’eau bénite. »

La règle de Saint-Jean de Jérusalem fut adoptée dans ses parties essentielles par les trois grands ordres hospitaliers des Chevaliers Teutoniques, du Saint-Esprit et de Saint-Jacques du Haut-Pas, et l’on peut dire que les constitutions de Saint-Jean sont les plus anciens statuts écrits que nous possédions. Seul l’hospice d’Aubrae, qui reçut en 1 162 de Pierre, évêque de Rodez, une règle particulière, peut présenter une charte aussi ancienne. Les différents articles sont d’ailleurs presque identiques à ceux de Saint-Jean, et cet ensemble de règlements pratiques, dont la sagesse expérimentée devait rallier tous les suffrages, fut imposé en 1212 par le concile de Paris à tous les hôpitaux assez importants pour être desservis par une congrégation religieuse.

Voici les principaux articles de ces règlements : 1* Les membres de chaque congrégation hospitalière étaient tenus de prononcer les trois vœux de religion : pauvreté, chasteté et obéissance, et de revêtir l’habit religieux, a » Le concile de Paris proscrivait la coutume des donnés signalée plus haut, et défendait d’admettre, si elles n’entraient pas en religion, les personnes qui se donnaient, elles et leurs biens, à la maison, alin d’y être entretenues leur vie durant. Mais cette coutume persista en beaucoup d’endroits et fut admise par les statuts du Puy, de Cæn, de Noyon, etc. ; elle avait l’avantage de procurer des ressources aux Maisons-Dieu, et elle existe encore aujourd’hui dans la plupart des hospices. 3° Le nombre des frères et des sœurs était (ixé selon les ressources et l’importauce de l’hôpital. A Paris, on le fixe à huit frères clercs, dont quatre prêtres, trente frères lais et vingt-huit religieuses, tandis qu’à Amiens, on se contente de trois frères clercs, quatre frères lais et huit sœurs. Celte organisation a pour but d’éviter un surnombre dont pâtiraient les malades, puisque l’infirmier ou l’intirmière nourris sans nécessité aux frais de l’hôpital empêcheraient de recevoir un malade à leur place. La proscription des donnés par le Concile de Paris n’avait pas d’autre motif : empêcher que ces personnes n’accaparassent pour elles des soins dus aux malades. Avant tout, avant les riches ou les frères, qui ne sont que les serviteurs, doivent passer nos seigneurs les malades 1^. Le règlement de Richard, évêque d’Amiens, pour l’Hôtel-Dieu de Montdidier (1207) porte cette mention imitée des statuts de Saint-Jean de Jérusalem :

« Que li malades soit menés à son lict et là soit

servis chacun jour charitablement comme’li sire de la maison, anchois que les frères et seurs dignent ou mangent. Et tout ce qu’il désire, s’il poeult estre trouvé et il ne luy est contraire, baillé selon le povoir de la maison, jusques à ce qu’il soit retournés en santé » (V. De Biîauvillé, Hist. de lu tille de Montdidier, t. iii, p. 365).

En I218, la règle de Montdidier est appliquée à 1 Ilôtel-Dieu de Noyon et entre lai’j et 1221 Etienne, ’liiyen du chapitre de Notre-Dame, s’en inspire visililemeiit en rédigeant les statuts de l’Hôtel-Dieu de Paris ; puis elle est adoptée sans changement à Amiens en 1233, à Saint-Riquier la même année, à Alibeville en 1243, à Beauvais en 121^6, à Relhel en iil)-], à Montreuil-sur-Mer en 1260, à Péronne, à Saint-Fol en 1276. Le concile de Paris avait d’ailleurs donné l’exemple en adoptant presque textuellement la règle de Montdidier.

iJoLa présence nécessaire des sœurs, plus expertes dans certains soins, et d’ailleurs naturelle auprès des femmes malades, avait amené les évêques à imposer une règle extrêmement sévère relativement

aux rencontres des frères et des sœurs, qui ne devaient avoir lieu que dans les salles au chevet des malades. Us ne pouvaient se parler ailleurs, et même auprès des malades, ils ne devaient s’entretenir que des soins à leur donner. Les dortoirs, les réfectoires étaient éloignés ; les exercices religieux et une discipline austère, avec des pénitences corporelles, tenaient lésâmes en haleine, etellespouvaient à bon droit, comme dit la règle d’Angers, « compter sur la grâce de Dieu en cette vie et sur la gloire éternelle en l’autre ». De fait, pendant plusieurs siècles, cette règle fut observée dans ses plus petits détails, et les procès verbaux de visites des hôpitaux de la région parisienne jusqu’à la Un du xv^ sièclene signalent aucune infraction grave. Peu à peu, les sœurs prirent une place prépondérante dans les hôpitaux et la « maîtresse » Unit par supplanter le

« maître » et supprimer les frères pour devenir

comme à Vernon « dame et gouverneresse de lamaison, de tous les biens temporés et espiritués u (^Constitutions de l’Hôtel-Dieu de Vernon),

C’est la règle de saint Augustin qui esta la base de presque toutes les constitutions hospitalières. Mais chaque maison se distingue par des[)rescriptions spéciales qui font des frères et des sœurs comme autant de congrégations autonomes soumises à la surveillance de l’évêque. Dans la rédaction des chapitres relatifs aux malades, on s’inspire, en général, des statuts des Hospitaliers de Jérusalem, mais la règle de saint Dominique fait aussi sentir son influence dans les règlements de l’Hôtel-Dieu de Lille ; cetix-ci à leur tour inspirèrent les statuts de l’Hôtel-Dieu de Pontoise, et, par l’intermédiaire de Ponloise, ceux de la Maison-Dieu de Vernon.

Le nombre des Maisons-Dieu fut si considérable et le personnel des frères et des sœurs si édifiant et si charitable, que Jacques de Vitry, dans son Historia occidentalis, ne craint pas d’écrire (ch. xxix), après avoir parlé des grands ordres hospitaliers :

« Il y a en outre, dans toutes les régions de l’Occident, 

un nombre impossible à évaluer de congrégations tant d’hommes que de femmes qui renoncent au monde et vivent selon une règle religieuse dans les maisons des lépreux ou les hôpitaux des pauvres, adonnés avec humilité et dévouement au soin des pauvres et des malades. « Snnt insuper aliæ tant virorum quam mulierum sæculo renunciantiiim et regulariter in domibiis leprosoriim re/ hospitiilibus pauperum viventium, ahsqne destinatinne et numéro certo, in omnibus Occidentis regionibits, congregationes, pauperibiis et infirmis liiimiliier et dévote ministrantes » (J. db Vitry, Historia occidentalis. Douai, 1697 : De Hospitalibus pauperum et (lomibus leprosoruiii).

B) f.e soin des pauvres malades. — Il est assez facile de se représenter la vie des malades dans les Hôtels-Dieu du Moyen Age. En effet, nous pouvons d’abord situer cette vie dans son cadre, grâce aux hôpitaux qui subsistent encore, et d’autre part les statuts et les documents historiques nous permettent d’en reconstituer les détails. Dans la plupart des Hôtels-Dieu le malade a pour horizon une grande et belle salle de style gothique, d’une hauteur prodigieuse, qui fait songer à la nef d’une église (Tonnerre, 80 m. de Ion g sur 18 m. 50 de largeur, Beaune72 sur14, Angers 60 sur 22) ; de fait, l’église n’est souvent séparée de la salle que par un mur, une balustrade ou (1 cloyson de bois » de trois pieds de hauteuretl’on voit, au milieu, des portes qui s’ouvrent toutes grandes lors des cérémonies religieuses, de sorte quêtons les malades peuvent apercevoir le prêtre à l’autel, entendre les chants et s’y associer du cœur