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PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

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tien doit faire l’aumône en secret, sous le seul rejfard du Père céleste, et qu'à rencontre des Pharisiens, qui faisaient sonner la trompette devant eux, la discrétion du chrétien doit être telle que sa main gauche ignore ce que fait sa main droite (Mat th., VI, 2-4)- Les plus beaux actes de charité sont peutêtre restés inconnus au cours des siècles ; d’autres n’ont dû la publicité qu'à la reconnaissance des pauvres qui ont tenu à les révéler. En général, la charité individuelle est restée inconnue de l’historien, qui a dû, comme il convenait, parler de ce qui était visible aux regards, des institutions destinées à soulager le pauvre, en un mol de la charité organisée.

Dès l’origicie de l’Eglise, l’année même de sa fondation, disons mieux : les j)reraiers jours de la ])rédicalion de l’Evangile, nous trouvons à Jérusalem une communauté volontaire de l’usage des biens, destinée à subvenir aux besoins des Apôtres qui passent toutes leurs journées à prêcher la bonne nuuiflle, et aussi à secourir les premiers pauvres de l’Eglise naissante. » La multitude des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une àine ; nul ne disait de ce qu’il possédait : C’est à moi ; mais tout était comuiun entre eux. Les Apôtres avec grande force rendaient léiuoignage à la résurrection de Notre Seigneur Jésus-Christ, et la grâce était grande en eux tous. Car il n’y avait point de pauvres parmi eux ; ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient et en apportaient le prix, qu’ils mettaient aux pieds des.pôtres ; et on le distribuait ensuite à chacun selon les besoins » (Actes, IV, 32-37).

Ce passage des Jcles a été revendiqué par certains socialistes comme une justification de leurs théories. C’est bien à tort, croyons-nous. Cet admirable élande ferveur qui pousse les chrétiens de Jérusalem — pendant une période d’ailleurs très courte — à prendre à la lettre la parole du Sauveur, déjà citée : n Va, vends ce que tu possèdes et donne le prix aux pauvres » ne saurait être comparé au communisme qui prétend imposer par la force la communauté des biens. Ici. en effet, nous n’avons très proliiiblement de commun, comme il arrive dans les couvents, que l’usage des biens et non les bienseux-mêmes. D’autre part, ces offrandes étaient entièrement libres ; nul n’y était forcé. Pierre le rappelle à Ananie, en lui disant qu’il pouvait parfaitement garder son champ, et, même après l’avoir vendu, garder le prix de la vente ; ce qu’il lui reproche, c’est d’avoir promis à Dieu la somme totale, et d’en retenir sacrilègement une partie (Actes, v, 4). Bref, ce régime, admirable en soi, nécessaire au début de l’apostolat, à cause du grand nombre de pauvres nouvellement convertis, ne pouvait être que transitoire ; les capitaux une fois dissipés, la caisse commune ne pouvait être alimentée que par de nouve uix dons volontaires des autres Eglises, ce qui rendait tout à fait précaire et aléatoire la stabilité de l’institution. Aussi ne la trouvons-nous dans aucune des Eglises que fondèrent successivement les apôtres.

Tout au contraire, les dinconies sont instituées partout, et spécialemeat à Rome, l’Eglise mère et maîtresse C’est autour du ministère des diacres ou du minisii’re des tables (ce sont les deux acceptions du mol diaconie) que viennent se grouper toutes les œuvres de charité envers les pauvres.

L’origine en remonte à l’Eglise de Jérusalem, où les apô res eux-mêmes avaient géré au début la bourse commune et distribué journellement les secours. Bientôt débordés par le grand nombre des prosélytes, ils sont obligés, pour se ménager le

temps nécessaire à la prédication, d’instituer la diaconie. Voici eu quelles circonstances : « Le nombre des disciples croissant de jour en jour à Jérusalem, il s'éleva un murmure des Juifs grecs contre les Juifs hébreux, ceux-là se plaignant de ce que leius veuves étaient négligées dans la distribution jourualière des secours. Alors les dcmze assemblèrent la multitude des disciples et leur dirent : « Il n’est pas juste que nous abandonnions la parole de Dieu pour avoir soin des tables. Choisissez donc parmi vous sept hommes d’une probité reconnue, remplis de l’Esprit-saint et de sagesse, à qui nous commettions ce ministère. Pour nous, nous nous appliquerons entièrement à la prière et à la dispensation de la parole. » Ce discours plut à toute l’assemblée ; et ils élurent Etienne, homme plein de foi et du Saint-Esprit, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parraénas.etNicolas, prosélyte d’Antioche. Ilsles présentèrent ensuite aux apôtres qui, après avoir fait des prières, leur imposèrent les mains » (Actes, vi,

Cet ordre des diacres, qui eut l’honneur de compter le premier martyr chrétien, exerça pendant plusieurs siècles son ministère de charité dans toutes les Ivglises. On institua également des diaconesses, pour visiter les femmes. « Il arrive quelquefois, disent les Constitutions apostoliques, qu’on ne peut envoyer un diacre dans certaines maisons, à cause des infidèles. Vous y enverrez une diaconesse, pour prévenir et éviter les soupçons des méchants. Celles que vous choisirez doivent être fidèles et saintes. Elles seront chargées des divers oflices qui regardent les femmes » (Cnnst. Apost, III, i, P. G., I, 760 sqq.). Cette institution des diaconesses est due également aux apôtres ; saint Paul les mentionne à plusieurs reprises (liom., xvi, i ; l ad Tim., v, 9-10).

4° Fonctionnement des diaconies primitives. — Les agapes. — V importance sociale du jeûne. — (Temps apostoliques et période des persécutions, ) — L’assistance des pauvres revêt avec les diaconies un caractère public. L’Eglise, dès sa fondation, met donc en pratique les enseignements de Jésus sur la [)auvreté. Celte assistance publique des pauvres dut, pendant les persécutions, se dissimuler aux regards des païens, par une série de mesures que nous indiquerons ; elle n en continua [las moins avec la même activité. Elle était en même temps complétée par la charité privée, car le précepte de l’amour du prochain est individuel, et chacun, dans sa sphère immédiate de famille et de relations, doit donner l’exemple de cette vertu. Saint Paul défend d’accepter pour le ministère public de la charité la veuve qui n’aura |)as d’abord rempli les devoirs domestiques d’assistance envers ses parents, lavé les pieds des pauvres et des voyageurs, et exercé l’hospitalité à leur égard (I Tim., v, 4> '<>) L’individu est tenu de secourir : 1" les membres de sa famille ; y manquer, c’est pratiquement apostasier et être pire qu’un infidèle (1 Tim., v, 8) ; 2° les membres indigents delà communauté ; 3" les chrétiens des autres communautés ; 4' enfin les non-chrétiens (Galat., VI, 10). Ces secours doivent être intelligents, et ne pas favoriser la paresse. Les.pôtres proclament la haute dignité morale et l’obligation du travail. Celui qui ne veut pas travailler n’est pas digne de manger (II T hets., III, 10) ; on ne doit pas avoir de commerce avec les paresseux, afin qu’ils aient honte de leur faute et travaillent à s’en corriger (Ibid., Ii-15). Saint Paul travaille lui-iuéine de ses mains nuil et jour, pour n'être pas à charge aux fidèles de Salonique (I Thess., ii, QJ) ; aussi leur ordonne-t-il de faire de même, afin « de ne rien désirer de ce qui est aux