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PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

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passions ». Clément, op. cit., xiv, xv (P.O., IX, pp. 617-620).

L’idée générale de la doctrine des Pères sur la propriété, la richesse et la pauvreté, est celle que nous avons déjà rencontrée chez le peuple juif, et seulement chez lui : /.e seul vriii propriétaire du fonds commun, c’est Dieu. Ceux qui le possèdent successivement n’en sont devant Dieu que les usufruitiers. Une des clausesde cet usufruit, c’est ioblii ; alion d’en faire hénéficier les pauvres dans une certaine mesure.

Longtemps avant Pascal, saint Astèrb, après avoir montré que nous sommes des voyageurs jouissant alternativement, sur le chemin, de l’ombre d’un arbre qui ne nous api)artient pas, et entrant les uns après les autres dans une hôtellerie pour y passer la nuil, écrivait les paroles fameuses que l’on admire dans les Pensées : « Frères, voilà notre viel Tout fuit, tout tombe 1 Aussi, lorsque j’entends dire : Ce champ esta moi, cette maison est la mienne, je ne peux assez admirer l’orgueil renfermé dans cette vaine syllabe et dans ces lettres préscfiiiptueuses : à moi.' » II continuait : « Nous appartenons à Dieu seul, qui est seul le véritable et suprême propriétaire, et nous ne sommes que les économes et les dispensateurs de ses biens… Ton corps même ne t’appartient pas. Q)ie dirons-nous donc de ceux qui s’imaginent être les maîtres de leur or, de leur argent, de leur champ, et du reste de leurs possessions ?l)eceux quicroientles posséder en propriétaires absolus, sans responsabilité, sans être tenus à aucune reddition de comptes I O homme, rien n’est à loi : tu n’es qu’un esclave, tout est à Dieu. L’esclave ne peut disposer à son gré de son pécule. Tu es venu sur la terre, nu de toutes choses. Tout ce que tu possèdes, lu l’as reçu d’après la loi de Dieu, soit par l’héritage de tes pères, conformément à ce que Dieu a lui-même établi, soit parles acquisitions faites à la suite de ton mariage, acquisitions également sanctionnées par les institutions divines, soit enfin par l’industrie, le commerce, l’agri ?ulture ou tout autre moyen d’acquérir selon l’ordre établi de Dieu même, et toujours secondé par son ?oneours et ses lois : voilà la source de ta richesse. .insi, de toutce que tupossèdes, rien ne t’appartient. Voyons Aonc à quelles conditions tu possèdes, ce qui l’a été prescrit pour l’usage de tes richesses, quelle loit être l’administration des biens que lu as reçus ? Donne à calui qui a faim ; revêts celui qui est nu ; soine le malade ; ne néglige point le pauvre étendu dans es carrefours ; nel’inquiète point dece que ludevienIras le lendemain. Si tu agis ainsi, tu seras honoré, glorifié par celui qui t’a imposé ces lois. Si tu les ioles, tu seras soumis à de terribles châtiments «  S. AsTEHii Amaseni, Homil. 11, De aeconomo infideV, ^. G., XL, 191). Le riche est donc obligé de ecourir le pauvre. Mais cette obligation crée-t-elle hez le pauTpe un droit à l’aumône ? Non. Comme oute obligation d’ordre moral, elle engage gravenenl la conscience du riche, sans que le pauvre uisse cependant en exiger l’accomplissement. S’il 'exigeait, il commettrait un vol. Le riche doit donner ibreuient.

Si le riche ne donna pas, il pèche, mais il n’est omptable qu'à Dieu de son péché : il sera puni terriblement » dans l’autre monde. Si le pauvre rend, il pèche et n’est plus qu’un voleur, et les oleurs n’entreront pas dans le royaume des cieux. >i, au contraire, le richedonne, comme ily estobligé, t si le pauvre travaille et patiente, comme il y si obligé, tout est dans l’ordre, et l’un et l’autre ont leur salut. C’est ce qu’enseigne saint Augustin lans un de ses sermons : « J’ai averti les riches ; naintenanl c’est à vous, pauvres, de m’entendre. donnez et gardez-vous bien de rien prendre. Donnez

vos facultés, soit l’obole de la veuve de l’Evangile, soit l’emploi des moyens par lesquels vous pouvez gagner honnêtement votre vie, mais étouffez en vous la convoitise. Vous avez en commun avec le riche le monde entier ; mais vous n’avez point en commun avec le riche sa maison et ses biens. Vous avez en commun avec lui la lumière du jour, pour éclairer et féconder vos travaux. Cherchez à gagner ce qui doit suflire à votre nourriture, mais gardez-vous bien de chercher davantage » (S. AuG, Serm., t-xxxv, 6, />./.., XXXVIII, 523).

Ou voit combien la doctrine des Pères est éloignée du communisme que des auteurs modernes ont prétendu découvrir dans leurs œuvres. Sans doute, ils ont protesté avec ' énergie contre les abus de la richesse, mais jamais aucun d’eux n’a dit au riche : a Je vous forcerai à donner » ; aucun d’eux n’a dit au pauvre : >' Prenez la parla laquelle vous avez droit sur le fonds commun », parce qu’en réalité ce droit n’existe pas. Seul le cas d’extrême nécessité — le Deutéronome l’indiquait déjà (xxiii, a4-25) et saint Thomas l’enseignera plus lard(llall ! 'e, q.32, a.7ad 3'"") — permet à l’indigent de prendre ce qui lui est nécessaire pour ne pas mourir de faim.

Le communisme n’a jamais existé dans le Christianisme, pas même — nous le dirons plus loin — dans l’Eglise de Jérusalem. Les deux doctrines dilTèrenl par leurs principes. Dans l’une, Dieu est le véritable propriétaire ; dans l’autre, l’humanité en général ; d’où il suit que la propriété [individuelle], c’est le vol. Elles diffèrent par leurs fins. La fin du chrétien, c’est le ciel, et la richesse et la pauvreté, toutes deux nécessaires, permettent au chrétien fidèle de gagner le ciel. La fin du communisme, c’est la richesse pour tous et le seul bien-être matériel : le ciel sur la terre ; la pauvreté est une injustice et il faut la supprimer. Aussi les deux doctrines dilTèrenl-elles par les moyens à employer pour atteindre la fin assignée. Ce moyen, dans le christianisme, c’est la conscience, le travail et la vertu. Dans le communisme, c’est la force brutale, la violence et au besoin l’assassinat, légal ou non.

Il est à peine besoin de signaler la part d’utopie inhérente au système communiste, basé sur la négation du péché originel et de tout concept religieux. Ce système suppose l’homme naturellement bon et vertueux ; il ne tient aucun compte des causes physiques permanentes de pauvreté, ni des cataclysmes périodiques, tels que la guerre, qui bouleversent toutes les conditions sociales et créent ces types particuliers de citoyens qu’on appelle u les nouveaux riches » et n les nouveaux pauvres ». Les moyens qu’il préconise le condamnent ; l’ordrene naît pas du désordre et la violence ne saurait engendrer la paix.

« Il y a toujours des pauvres parmi vous » 

(Vatth., XXVI, 11). Cette parole du Christ à ses apôtres ruine d’avanco le mirage socialiste. Il y aura toujours, même dans la cité future, des orphelins, des malades, des invalides, des vieillards sans ressources et, par suite, il y aura toujours place pour la charité. Les plus belles organisations sociales, surtout ^i elles sont à base de fonctionnarisme, n’arriveront jamais à rendre inutiles les secours délicats, désintéressés et seuls vraiment maternels, des apôtres de la charité.

Aussi bien les objections de toute nature élevées contre la charité chrétienne par des théoriciens qui, souvent, n’ont jamais vu un pauvre de près, serontelles aisément réfutées par l’histoire,

3° L’Eglise de Jérusalem. — Les diaconies. — Cette histoire de la charité chrétienne est très diincile à écrire, puisque, selon le précepte du Maître, lechré-