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PAUVRES (LES) ET L’EGLISE


contre les eréancierâ ; les tribuns du peuple font adopter des lois qui abaissent le taux de l’inlérèt ; de 480/0 il tombe à 10 et même à 3 et 4 /= sous l’Empire et vers 325 av. J.-C, le sénat est obligé d’abroger le droit du créancier sur lecorps de son débiteur, àmoins d’une condamnation régulière (Loi Poetelia). a » Les lois agraires, qui ont pour objet de répartir, entre des cultivateurs qui ne possèdent plus rien, l’amer/) u/ ; ii cas-occupé frauduleusement par les grands propriétaires. Les Gracques perdent la viedans cette entreprise, loués par les uns, blâmés par les autres, au demeurant amis du peuple et véritables hommes d’Etal, préoccupés du sort des petits cultivateurs libres qui forment entre les grands riches et les pauvres une classe moyenne, nécessaire à la prospérité d’un pays. Après eux, les patriciens et les riches triomphent et annulent pratiquement les améliorationsdues aux Gracques. GependanteuSg, César, consul, fait voter une loi qui divise le fertile territoire de la Campanie entre les pères d’au moins trois enfants. 3 » Les distribulions au peuple de Rome. Sous la République, 4es édiles sont charges de veiller à l’approvisionnement de la ville, et l’on crée dans les circonstances dilliciles un Præfi’Cttis annonæ charge qui devient permanente sous Auguste. Lorsque l’ennemi menace Rome, les édiles font vendre le blé au peuple un as le modius(b centimes les 8 litres et demi) ; mais si les riches particuliers font de même, ils sont accusés d’aspirer à la royauté et peuvent payer de leur vie leurs largesses, comme il arriva à Sp. Melius (438 av. J.-C.). Gains Gracchus avait inauguré les distribulions mensuelles de blé à un demi-as ou un tiers d’as le modius ; ce fut sa perte. Le précédent une fois créé, la surenchère continue ; en 56, après la mort de Sylla, le consul Cotla fait distribuer mensuellement cinq modii à chaque citoyen ; plus tard, César étend à S’jo.ooo personnes le bénélice de ces allocations olficielles. Auguste, effrayé pour le Trésor, ramène ce chiffre à 200.000. Il en est ainsi jusqu'à Dioclétien. Sous l’Empire, en vue de capter les suffrages, les gouvernants distribuent de l’argent aux sodats(d, jnaliva) et des vivres (congiartu) aux citoyens ; l’huile, le viii, le sel, les vêtements sont l’objet des largesses impériales, qui s’exercent à l’occasion d’une victoire, d’un mariage, d’une naissance, d’une adoption, et qui constituent une excellente réclame électorale ; car, seuls, les électeurs y participent ; les femmes et les enfants en sont exclus.

Bornées, sous la République et même pendant tout le premier siècle de l’Empire, aux citoyens pauvres de Rome, ces distributions intéressées s'étendirent plus tard aux cités italiennes, et aussi aux enfants. Nerva en eut le premier l’idée, mais ce fut son iils adoptif, Trajan, qui créa l’assistance publique officielle en Italie. « Il fit d’abord inscrire les noms des enfants pauvres de Rome qui avaient des droits sérieux à la munificence de l’Etat », et ils reçurent, comme les citoyens, les (esseræ // « menfar/rtf, tablettes ou jetons en bois ou en plomb qui portaient l’indication du jour et le numéro de la porte où l’on devait se présenter au Porticus M’inucia ; cette construction, créée spécialement à cet effet, comptait 45 entrées, par où la foule accédait aux magasins où se faisait la distribution.

Ensuite Trajan voulut faire participer les autres villes d’Italie à l’assistance de l’Etat. Les deux inscriptions de Veleia (104) et de Campolattaro (101) nous donnent d’intéressants détails, que les historiens romains n’ont pas cru devoir mentionner, sur cette œuvre des pueri puellæqiie alimentariae.

Dans la table de Veleia (table de bronze, découverte en i' ; 47>Don loin de Plaisance, sur le territoire de l’antique Veleia, et qui contient la plus longue

inscription connue), Trajan prête un million 44 mille sesterces sur hypothèqueà 51 propriétaires de fonds dont l’estimation n’esl pas moindre de 130u14 millions de sesterces. L’intérêt à 5°/, de la somme prêtée est de 53.200 sesterces ; cet intérêt est consacré à l’alimentation jusqu'à 16 ans pour les garçons et 14 pour les filles, de 300 enfants pauvres, 263 garçons et 35 Ulles légitimes, un garçon et une flUe illégitimes. Cf. DAREMOiina et Saglio, Dlct. des Antiq. grecq. et rom. Art. Alimentarii puetli et piiellæ par Ernest Dbsjaudins). Après Trajan, cette institution prospéra pendant plus d’un siècle, ainsi que l’attestent les inscriptions, les bas-reliefs et les monnaies. Adrien en augmenta l’importance." Antonin et Marc Aurèle en fondèrent de semblables en l’honneur des deux Faustine, leurs épouses. Il y eut des alimentariæ Faustiuianæ despuellæ Faustinianae… La décadence dut commencer au troisième siècle et ce bel établissement fut sans doute abandonné à l'époque de l’anarchie militaire, par suite de la dépréciation des terres » (E. Dbsjardins, art. cité).

Pas plus que chez les Grecs, nous ne trouvons à Rome d’hôpitaux pour les pauvres malades. Esculape possède un temple dans l’ile du Tibre (291 av. J. G.) et son culte ressembleà celui queles Grecs lui rendent à Epidaure. Les malades couchent sous les portiques de ce temple et y attendent les songes que doit leur envoyer le dieu. Les riches ont des médecins attitrés, à moins qu’ils ne préfèrent, comme Caton, soigner leurs esclaves, au même titre que leurs animaux domestiques ; on sait, en effet, que ce vertueux Romain range les esclaves parmi les animaux et le mobilier agricole de ses fermes. Les villes, les armées, les flottes ont des médecins, mais les médecins municipaux ne donnent leurs soins qu’aux citoyens, sans se préoccuper des pauvres.

« Il est évident que le peuple qui fait périr, pour son

plaisir, des milliers de créatures humaines dans d’atroces spectacles, ne peut avoir le sentiment de la vraie philanthropie bien développé » (D' Briau, L’assistance médicale chez les lioniains, in-8, 186y).

Quant aux collegia, institués pour faire célébrer des services religieux, des banquets et des funérailles, comme les éranes et es orgéons des Grecs, nous n’en trouvons aucun qui soit assimilable à une société de secours mutuels et assiste régulièrement ses membres malades. « Parmi tant de gens, écrit Gaston Boissihr, qui énumèrent sur les tombes de leurs protecteurs, au bas des statues qu’on leur élève, le bien qu’ils ont fait et qui s’en glorifient, il s’en trouverait qui ne manqueraient pas de nous dire qu’ils ont laissé des fonds pour faire vivre des indigents, pour subvenir aux besoins des veuves et des orphelins. Puisque cette mention n’existe nulle part, on [leut en conclure que les libéralités de ce genre n'étaient pas ordinaires dans les associations romaines. » G. Boissikr, La religion romaine, d’Auguste aux Antonins (t. ii, p. 300).

En résumé, à l40me plus encore qu’en Grèce, la dure société antique, basée d’une part sur l’cgoïsme et le dilettantisme des grands, d’autre part sur l’exploitation de l’esclave, n’a pas de pitié pour le pauvre. Ces Grecs et ces Romains, à l’apogée de leur civilisation, sont moralement inférieurs aux Juifs et aux Egyptiens. Les mesures prises en faveur de la plèbe sont exclusivement politiques ; même les puelli alimentarii de Trajan sont, dans sa pensée, de futurs soldats destinés à défendre l’Empire : autrement on ne peut s’expliquer que le nombre des garçons l’emporte ainsi sur celui des 0lles (264 garçons pour 36 tilles, dans l’inscription de Veleia). Et encore faut-il remarquer que cette institution date du