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PAUL (SAINT) ET LE PAULINISME

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Biblica, t. III, col. Sôao-S^. Voici comment ils rai-, sonnent. j

A) Les partisans de Baur disaient que les Actes i ne méritent aucune créance ; mais c’est ce qu’il faudrait prouver. Au contraire, s’il y a quelque part des récits tendancieux, c’est plutôt dans les lettres attribuées à Paul. D’ailleurs on ne trouve ni dans saint Justin, ni dans le Pasteur d’Hermas, ni dans la Didachè, ni dans VEpitre de Barnabe aucune mention des prétendues lettres pauliniennes ; les preuiiers à témoigner de leur existence sont Marcion et les gnostiques. — Pour comprendre cette stupéfiante argumentation, il faut savoir que les critiques ultra-radicaux nient, contre toute évidence, les allusions et les emprunts de saint Justin à saint Paul, et qu’ils sont maintenant les seuls à déclarer apocryphes la lettre de Clément de Rome et celles de saint Ignace.

B) Les théologiens de Tubingue s’autorisaient des différences de style et de doctrine pour séparer les lettres authentiques des lettres apocryphes ; mais ce triage est sans fondement, car il y a plus de différence entre l’Epître aux Galales, par exemple, et la première aux Corinthiens qu’entre celle-ci et n’importe laquelle des lettres rejelées comme inauthentiques. Bien plus, ces différences de diction et d’idées se remarquent souvent entre les diverses parties d’iine même lettre. — On le voit, l’argument ad homineiii est sans réplique ; mais il frappe les Tubinguiens et non les cliampions de l’authenticité.

C) La doctrine des lettres de Paul est une sorte de gnose chrétienne ; Jésus n’y paraît plus comme un homme, mais comme un Dieu, ou du moins comme le Fils de Dieu. L’Eglise est sortie de ses limbes, elle est organisée, persécutée, divisée en sectes ; on y agite d’étranges problèmes : les rapports de la Loi et de l’Evangile, la justification par la foi ou par les œuvres, le mariage et le célibat, la valeur de la circoncision et autres semblables. Est-il possible d’imaginer cela dans la première génération qui suivit la mort de Jésus ? Ce développement doctrinal réclame un temps considérable et il est absolument inadmissible que le paulinisme, tel qu’il ressort des Epltres dites pauliniennes, soit né du vivant de saint Paul. — Ces raisons toutes subjectives n’ont de poids que sur des esprits aveuglés par le préjugé rationaliste. Et beaucoup de rationalistes conviennent franchement qu’elles n’ont aucune valeur.

De saint Paul lui-même, au dire des critiques ultra-radicaux, nous ne savons presque rien. On peut admettre qu’il est né à Tarse, vers le début de l’ère chrétienne, qu’il a voyagé beaucoup, en Syrie, en Asie Mineure, en Grèce, en Italie. Peut-être l’habitude de vivre au milieu des Juifs hellénistes avait-elle relâché la rigueur de son pharisaïsme, mais il doit être resté attaché à la Loi mosaïque, comme les autres apôtres. Il n’est donc pas l’auteur du système appelé de son nom. Mais alors, où est né le paulinisme ? Probablement à Anlioche de Syrie ; peut-être en Asie Mineure ; en tout cas, pas en Palestine. Le paulinisme est la doctrine tardive d’une école ou d’un cercle de chrétiens progressistes qui voulut placer son programme sous l’égide de Paul, pour lui ménager un meilleur accueil. Pourquoi de Paul plutôt que d’un autre ? Parce que les Actes de Paul, dont Luc s’est inspiré pour composer son livre, le donnaient sans doute pour un réformateur qui avait commencé à émanciper le christianisme du joug de la Loi.

On ne s’étonnera pas que ces paradoxes soient restés confinés dans leur pays d’origine. Les écrivains rationalistes, en France, en Angleterre et en Allemagne, ne leur font pas généralement l’honneur

de les réfuter. L’absurde peut atteindre un point où il ne provoque plus la contradiction. Seuls les derniers tenants de Tubingue ont cru devoir protester contre les incartades de ces auxiliaires compromettants.

4- Conception actuelle du paulinisme. — Les exagérations des Tubinguiens et les extravagances des critiques radicaux ont eu en somme un heureux effet. Une réaction, progressive et raisonnée, nous a rapprochés des vues traditionnelles, tout en nous débarrassant de certaines théories désuètes qui étaient un poids mort plutôt qu’un secours. Quatre résultats sont à signaler.

A) Questions d’authenticité. — Le dogme des quatre grandes Epitres, seules authentiques, n’est plus guère qu’un souvenir. Les derniers tenants de l’école de Tubingue admettent l’authenticité de l’Epître aux Philippiens, de la première aux Thessaloniciens et du billet à Philémon. Malgré Holtz-MANN (Kritik der Eplieser-und Kolosserhriefe, etc. Leipzig, 1872), qui regarde l’Epître aux Ephésiens comme apocryphe et l’Epître aux Colossieus comme authentique seulement pour le fond, on se rallie de plus en plus à la thèse de l’authenticité des deux Epltres, surtout de la dernière. Cf. Coppieters, Les récentes attaques contre l’épître aux Ephésiens, dans la Revue biblique, 1912, p. Sôi-Sgo. On peut dire qu’à l’heure actuelle le seul doute sérieux concerne les Pastorales. Et encore ici la thèse favorable à l’authenticité regagne tous les jours du terrain. Voir notre Théologie de saint PauP, Paris, 1920, p. 387-898 et note J, p. 544-551.

B) Présentation de la doctrine. — Autrefois on se préoccupait beaucoup d’établir un Lehrbegriff, c’est-à-dire de faire converger tout l’enseignement de saint Paul autour d’une idée centrale. Un danger trop réel était de mettre entre les doctrines des rapports imaginaires, d’inventer des points de raccord, d’altérer les proportions et de fausser les perspectives, d’écarter enfin de l’exposé systématique tout ce qui n’entrait pas naturellement dans un cadre fixé d’avance. — Immrr et B. Wkiss distinguèrent dans la prédication de l’Apôtre quatre phases, répondant aux quatre groupes d’Epîtres : Thessalooiciens, grandes lettres, lettres de la captivité, Pastorales. A ce sectionnement, il y a deux inconvénients. D’abord il oblige à repasser plusieurs fois sur les mêmes idées, ce qui entraîne d’inévitables redites. De plus, si la séparation est étanche entre les divers groupes, l’exposé doctrinal de chaque section sera incomplet et diminué. Si l’on fait abstraction des lettres de la captivité, que devient la christologie des grandes Epltres ? Et l’eschatologie des Epltres aux Thessaloniciens est-elle bien intelligible sans le surcroît de lumière que projettent les deux Epitres aux Corinthiens ? — Anjounrhui l’on se préoccupe moins de tout ramener à l’unité absolue, mois sans admettre 3hez un penseur tel que saint Paul des doctrines disparates et contradictoires. Si elles ne forment pas un système, elles doivent former un tout. Il est bon d’en montrer la cohésion et l’harmonie.

C) La /ikysionomie de Paul. — Les docteurs hégéliens de Tubingue se désintéressaient des faits et des personnes. Dans le Paulus de Baur, la vie de Paul était rejelée en appendice. On a maintenant compris, même en Allemagne, que les faits éclairent les idées, autant que les idées éclairent les faits. De là le grand nombre de biographies et de monographies parues en ces derniers temps : C. Clbme.n, Paulus. Sein Leben nnd Wirken.i vol. 1904 ; C. MuNziGEB, Paulus in Korinth, igo8 ; H. Bûkulig, Die Geisteskaltur von Tarsus im au^usteischen /.eilalter mit Beriicksichtigung der paulin. Schriften, 191Π;