Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/805

Cette page n’a pas encore été corrigée

1597

PATRIE

1598

eur image. Ils ont véc, 'l est le seul

Où 80US un père en’fcore on retrouve des pères. Comme l’onæ sous l’onde en l’ubime sans fond.

Ce n’est donc pas dans l’abstraction ou la chimère le plonge la seconde racine de l’idée de patrie, qui t l’idée de paternité. Comme la première, elle s’ennce jusqu’au roc dans le terrain compact et fécond s réalités extérieures iilin d’y puiser la sève. Uien irbilraire dans son adjonction à l’idée de terriire : elle est imposée à notre esprit par la nature Iræ des choses ; et de même que le fait de donner la îengendre le devoir d’amour et d'éducatinn sur leel reposent, à leur tour, l’autorité paternelle et le voir îilial de respect, d’amour et de gratitude, ainsi I fait d'êlre né de nos pères et d’avoir reçu d’eux I it de bienfaits et de services avec et par leur héri-I ; e, est le lien qui, bon gré mal gré, nous attache i otre patrie.

: 'esl pour cela que ni l’identité de race ni la cora1 iiauté de langage ne sullisent à constituer une

r ion ou à mesurer l'éteTulue de la patrie. Le lang ; e est un instrument : il peut servir à tout ce qui i de la patrie, mais non la fonder, lui seul ; et la <ii Tiuuiiauté de race nesullit point à engendrer cette è'imunauté de vie, ce perpétuel échange d’amour et <| services qui font naître et durer les nation^. L’idée nationalité, la troisième, nous est donc, à son r, donnée, imposée par les réalités extérieures, iont elles qui s opposent à ce que l’on étende ou erre outre mesure le domaine du patriotisme, lamnant ain-" ! du même coup le vague humanilale et l’individualisme étroit.

Que me font, dit celui-ci, les gens de Carpenou de Lille, les Normands ou les Provençaux, à qui sui* de Pontarlier et qui habile dans le istère ? Je veux bien a|i|ieler patrie le pelit coin e suis né, celui surtout où j’ai vécu, la ville où ma maison, mes souvenirs et mes habitudes ; s que m’importe tout le reste ? — Il aurait raison tiacun pouvait se sullire ; mais nul ne le peut, et 1 est, sur ce point, des villages, des villes et des .inces comme des individus. Nous ne pouvons sans les autres. Une f.nmille a besoin des autres lies, un foyer des autres foyers, une commune dlaulres communes, et le Bourbonnais ou le Poide la Champagne et de la Gascogne. C’est là ce <[i les rapftroche, les associe, les lie en un seul eau et les prédestina jadis à leur unité politique s groupant, sans les confondre, dans l’unité de ilrie.

Mais alors, dit à son tour l’humanitarisme,

pourquoi vous arrêter ici ? Allez plus loin, plus loin encore. Votre pays n’a-t il pas besoin des autres ? Tous les hommes ne sont-ils pas frères ? Pour moi, je suis citoyen du monde et compatriote du genre humain : l’univers, voilà ma patrie. — Il est vrai : tous les hommes sont lils d’un même père ; mais divisés dès l’origine, ils ne se sont plus rassemblés. La famille brisée ne s’est plus rejointe, au contraire ; et, certes, je me plais à reconnaître la fraternité de tous les vivants, mais tous les morts sont-ils donc nos pères ? Nous ont-ils tous aimés ? Tous ont-ils sonlTert et travaillé pour nous ? Les uns vivaient de l’autre cùté du globe et comme dans un autre monde ; les autres Uavaillaient contre nous ou, s’ils secondaient nos ancêtres, c'était dans l’espoir de sauvegarder ou d’enrichir leur propre héritage pour d’autres que nous. Où est la dette ? Si le foyer s’ouvre à tout venant, il n’est plus foyer, mais auberge, o Qui trop embrasse, mal étreint. » Si je ne dois rien de plus à un Français qu'à un Chinois, si je ne suis pas plus chez moi en Bretagne qu’en Patagonie, aulanl vaut dire que je ne suis chez moi nulle part, que je ne dois rien à personne et que je n’ai pas de patrie.

Il faut s’arrêter ici ou là ; sinon, c’est le fameux sophisme du chauve. La gamme de nos idées sociales est continue comme celle des vibrations lumineuses ou sonores. Trente vibrations à la seconde, ce n’est pas encore un son ni quarante trillions une couleur ; et l’oreille ne perçoit plus rien au delà de quatre mille ni l'œil au delà de soixante-dix trillions. C’est entre les rayons infra-rouges et les rayons ultra-violets, tous invisibles, que resplendissent les sept nuances de l’arc-en-clel..Unsi, famille, société, nation, ce n est pas encore la patrie ; et chrétienté, humanité, civilisation, cela ne l’est plus. C’est dans l’entre deux qu’elle se place, isolant ou superposant ses diverses formes, — patriotisme de clocher, de vallée ou de province ou de plus vastes i-égions, — comme la lumière, en se posant sur les objets, les colore d’une de ses teintes ou les leur communique toutes et les revêt de sa blancheur. - 3* L’idée de patrie : ses /ondernents intérieurs.

— Ces fondements extérieurs, cependant, ne sulliraient pas à l’iilée de patrie ; elle en possède en nous d’intérieurs qu’un instant de réflexion va nous faire apercevoir.

L'âme de la patrie, voilà ce que nous voulons à présent connaître : il faut évidemment la chercher dans la nation ; elle ne saurait être ailleurs. Or, comment nous y apparaît-elle tout d’abord ? N’est-ce pas coiiMie l’union d’une multitude d'âmes humaines, fondues, pour ainsi dire, en une seule dans l’acte de former et (l’animer son vaste corps ? Il faut donc qu’il y ait des pensées communes et des volontés communes et des sentiments communs qui poussent ces âmes toutes ensemble et les maii-tiennent associées an même acte viviliant. S’en rendre compte n’est pas dillicile.

Regardons en nous-mêmes, puisque l'âme de la patrie est à l’image de la nôtre. Voici notre intelligence : qu’y a-t il en elle qui nous fait être nous ? Deux choses : la conscience qu’elle a de notre être et la connaissance que nos souvenirs lui donnent de notre permanence à travers tous les changements que le temps nous fait subir. Eh bien, c’est aussi par la conscience nati<inale et par les traditions nationales (pie l'âme de la patrie se révèle et agit en premier lieu. Le grand corps ne prend véritablement vie que le jour où il prend en nous conscience de son être ; et cette vie n’est véritablement une ^ ie et sa vie que s’il trouvedans la fidélité de nos mémoires à la lois le principe et l’affirmation de sa permanence.