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PARABOLES DE L’ÉVANCxILE

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venu à nous en pasteur, s’apitoyait sur les foules qui le suivaient, trouvant « qu’elles étaient comme des brebis sans berger », Vatlli., ix, 36 (similittide parabolique). Alors, il dit à ses disciples : « Allez aux brebis perdues de la maison d’isracl >i, yi/ « ((/(., x, 16 (similiiitde ullt’gorique). Il insista davantajfe quand il dit la parabole de la brebis perdue et retrouvée (Mattli., Tiviii, 12) ; il expliqua le lotit pniv l’allégorie du bon Pasteur (Jean, x. 1-18).

Oi linit la similitude ? Où commence la parabole ? Il est dillicile de le marquer avec précision. Tel range parmi les paraboles la sentence du Seigneur sur le vieux vêlement, qu’on ne raccommode pas avec une pièce j)rise à un neuf, ou encore la sentence des vieilles outres, impro|)resà recevoir du vin nouveau (/. » (", V, 36-37) ; iilors que d’autres n’y voient qu’une similitude. C’est ce qui explique le désaccord des auteurs quand ils font le total des paraboles évangéliques ; les cliilfres proposées oscillent entre 20 et 100.

Une autre imprécision, plus importante, lient à ce que les frontières sont mal définies entre l’allégorie et la parabole. Bien peu des paraboles qui se lisent dans l’Ecriture sainte sont exemptes de toute allégorisation, el, inversement, les allégories présentent çà et là des traits paraboliques. On admet couramment que le proiiliète NatUan a dit une parabole, quand il vint reprocher à David son adultère (Il Hois, XII, 1-4). Toutefois, que penser d’une brebis qui mange le pain, boit à la coupe et dort sur le sein d’Urie ?" Dans une parabole pure, ces traits manquent de vraisemblance. Décidément, celle brebis n’est autre que Bethsabée S’il y a une allégorie dans les Evangiles, c’est assurément celle du bon Pasteur {Jean, x, 1-19). Cependant, les commentateurs sont bien embarrassés de trouver une signilicalion allégorique au « portier » dont il j’est parlé ; et on peut croire que ceux-là ont raison, qui voient dans ce détail un trait purement parabolique, emprunté à la vie pastorale des Palestiniens.

Dès lors, rien d’étonnant à ce que dans les paraboles de l’Evangile on rencontre, en plus d’un endroit, des traits allégorisants, qui conviennent directement aux choses du royaume de Dieu ; la comparaison ayant fait place à la métaphore. Les vignerons qui se disent entre eux : « Celui-ci est l’héritier, venez, tuons-le et nous aurons son héritage », ne peuvent être que les chefs de la Synagogue (Maltli., xxi, 38). Ce roi qui envoie des troupes pour briller la ville des invités qui ne se sont pas rendus aux noces de son fils, n’est autre que Dieu ; et ces invités, de mœurs singulières, qui tuent les serviteurs du roi, porteurs de l’invitation, ne sauraient être que les Juifs.

Bien que les classiques aient, plus que les écrivains bibliques, tenu compte de la différence des genres littéraires, il ne serait pas difficile de faire voir que les fabulistes grecs ou latins, et même notre bon La Fontaine, ont parfois forcé le trait de la comparaison, uniquement en vue de la moralité qu’ils entendaient tirer. Quoi qu’il en soit, une composition mélangeant la similitude, la paraboleet l’allégorie, les choquait si peu que le rhéteur Quintilibn y voit le comble de l’art. « Illud rero longe speciosissiiniim genus orationis, in quo trium permixta est gratia : similitudinis, allegoriae, translationis » {/nstt. or., Vlll, VI, ^9). Si l’on juge des paraboles de SooHATR par celle qui se lit dans le Phéd()n(LXi), il faudra bien convenir qu’elles ne manquaient pas de ce genre de beauté. Dans l’Evangile, le mélange de comparaisons et de métaphores se remarque surtout dans les sentences, qu’on est convenu d’appeler similitudes plutôt que paraboles proprement dites. Loin d’y voir un élément de perfection, on peut con venir qu’il en résulte parfois des rapprocLemenls heurtés, qui enlèvent au texte de la grâce et de la clarté. Il faut rélléchir beaucoup pour rendre compte d’une parole comme celle-ci : >< Laissez les morts ensevelir leurs luorls >> (Matlh., vni, 22) ; encore qu’on comprenne du premier coup son sens sommaire.

AuisroTi’, (/^/leV., 11, xx) range la parabole parmi les topiques ou lieux communs de la rhétorique, il y voit un moyen de persuasion. C’est qu’en elfet la comparaison devient argiimeniative quand elle se fonde sur une analogie rigoureuse. Alors, elle a valeur de preuve. Aristote lui-même en donne un exemple, quand il pose la question : s’il convient de tirer au sort les magistrats. Il répond : Est-ce qu’on tire au son les pilotes ? La parabole n’étant qu’une comparaison continuée, rapprochant des situation.’), permet de conclure parfois de l’une à l’autre, au nom de la nature même des choses, indépendamment de l’autorité du parabolisle. On dit que la comparaison est purement ilhistrative, quand elle se borne à faire mieux comprendre un objet connu, ou saisir une vérité déjà admise. Mais à bien comprendre les choses, toute comparaison est un argument qui conclut plus ou moins « simili, a contrario, ou a fortiori.

Littérairement, on peut, avec Aristote, ramener la parabole à la fable, non pas à la fable apologue, tirée des mœurs des animaux, mais à la fable rationnelle, qui se prend des choses de la vie humaine. Telle la fable Le laboureur et 5eseH/a « <s. Cependant, à raison de leur origine divine et de leur objet transcendant, on évite de donner le nom de fables aux paraboles de l’Evangile. Ilya une troisièmeraison, la plus importante peut-être, de ne pas faire cette assimilation. La morale des fables est une vérité de sim]>le bon sens, facile à saisir ; tandis que l’enseignement des paraboles de l’Evangile a jiourobjet des choses mystérieuses, dont ou admet l’existence à cause de l’autorité même du Maître qui parle, plutôt qu’à raison de la valeur persuasive de ses comparaisons.

3" Le langage des gens du peuple est facilement imagé ; de là vient que les littératures primitives abondent en comparaisons et en métaphores. C’est qu’il est tout naturel à l’homme d’énoncer l’abstrait en termes concrels, d’ailer dans ses discours du connu à l’inconnu, du proche au lointain ; bref de faire apparaître l’invisible. Le terme figuré plaît à l’imagination, émeut la sensibilité, et on le retient aisément. Mais on aurait tort decroire qu’ileslunélément de clarté et de précision. Aussi bien, la langue philosophique le proscrit. Toulemétaphore, précisément parce qu’elle dit une chose pour en faire comprendre un autre, obscurcit le discours, à moinsque l’habitude ou le sens obvie de la figure n’en rendent l’intelligence facile. Même alors, leterme propre serait plus précis, et donc aussi plus clair. Dire de quelqu’un qu’il est un lion, ce n’est pas encore préciser si l’onentend parler de sa hardiesse, de sa vaillance, ou de sa force. La parole de Jésus-Christ à l’adresse d’ilérode Antipas : <i Dites à ce renard que je chasse les démons, et que j’accomplis des guérisons aujourd’hui et demain, et le troisième jour je suis à mon terme » (lue, xiii, 82) ; cette parole, dis-je, exerce encore la sagacitédes interprètes. Tout commentaire eut été superflu, si le message avait été formulé comme suit : « Dites à ce rusé que ses menaces ne m’empêcheront pas de faire mon œuvre, pendant le teuips très court qui me reste à vivre ; car il n’est au pouvoir de i)ersonne de hâter le terme de ma carrière, marqué d’avance par Celui qui m’a envoyé.p (Encore on se demande si renard veut dire ici rusé plutôt que vorace, parce que dans la Bible cet animal