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PAPES D’AVIGNON

IS'ÎO

les filles déchues, L’inslilution, encouragée par les souverains pontifes, fut comblée de bienfaits par Grégoire XI ; D' Pansier. l.'OKin’re des repenties a Ai’ignon du XIII' nu XVIII' siècle, Paris, lyio, p. 21 el sq.

Comme preuve du relâchement des mœurs en Avignon, on a parfois allégué certains statuts de la reine Jeanne, réglant la prostitution dans la ville ; AsTHtJC, De morbis venereis, 1636, p..'ifjS. Mais ces statuts, souvent reproduits, sont des faux dont on connaît les auteurs. Voici leur histoire : o M. Aslruc. médecin, écrivit à un monsieur d’Avignon pour le prier de lui envoyer (s’il pouvait se les procurer) les statuts faits ])ar la reine Jeanne pour l'établissement d’un B [maison publique] à Avignon, (le monsieur étant chez monsieur de Garein, où plusieurs de ses amis se rendaient pour passer la soirée, leur lut lalettre qu’il avait reçue, ce qui lit beaucoup rire ces messieurs, M. de Garein dit : « Il n’j' a qu'à luienfaire » ; on s’amusaà les composer, M. de Garein les arrangea en vieux (sic) idiome provençal, et on les envoya à M, Astruc, qui les lit imprimer dans un ouvrage auquel il travaillait, et le lUinna comme une pièce authentique. » Tel est le récit de la mystihcalion rapporté par Joseph Gabriel Teste, qui le tenait de son père, ami personnel de M. de Garein. M. Commin, qui participa à la fabrication du faux, conta la même chose à M, Hequien ; 1', Yvarbn, Une mystification historique. Statuts de la reine leanne de Naples, dans Opuscules de médecine, Avignon, 1880, p. 288.

Quand bien même nous ne posséderions pas l’aveu des faussaires, une analyse attentive des prétendus statuts sullirait à prouver qu’ils sont des faux. Tout d’abord, l’acte transcrit dans le manuscrit a83^, folio 64 recto, de la bibliothèi|ue d’Avignon, est dit provenir du recueil des minutes du notaire apostolique Tamarin. Or, ce nom ne Ugure pas sur la liste des notaires avignonnais parue dans l’Annuaire de Vaucluse, en 1889, page 2^1 et suivantes,

La date de l’acte, 8aoùt 1847, neconcordepas avec l’itinéraire connu de la reine Jeanne. A cette époque, celle-ci ne séjournait pas en Avignon.

Le document est rédigé en provençal. Mais ce provençal n’a rien d’archaïque. Les expressions sont modernes. Elles concordent avec le l.mgnge du xviii » siècle.

Si l’acte était authentique, il n’aurait pas été, d’ailleurs, rédigé en provençal. Le latin était la langue diplomatique employée par la chancellerie angevine.

L'écriture décèle une main récente, inhabile, ignorante du mode d’abréviations en usage au xiv siècle.

La miniature, qui orne le parchemin, contient les armes de la reine Jeanne avec la représentation d’un troubadour portant en main un rameau d’olivier. Mais c’est une copie servile d’une gravure illustrant un discours sur les arcs triomphaux d’Aix pour l’arrivée du roi Louis XIII, Aix, 1624, p. 14. l^e plus, les tons des couleurs employées par le miniaturiste dilTèrent totalement des tons en usage au xiv' siècle, Enfln, à cette époque, les règlements de police n'étaient pas libellés par le souverain, mais par la municipalilé ou le viguier d’Avignon,-linsi que le prouve surabondamment le manuscrit même qui contient, en plus des prétendus statuts, ceux de la Républiqueavignonnaise. Ainsi tout démontre l’existence du faux.

Bibliographie. — H. Cochin, Le jubilé de François Pétrarque, dans le Correspondant, octobre 1904, p, 62-68, — D P. Pansier, Histoire des prétendus

statuts de la reineJeanne et la réglementation de la prostitution à Avignon au Moyen Age, Amsterdam, 1902. — L. H, Labande, Tamarin notaire à Avignon dans L’intermédiaire des ckerclirurs et curieux, t, XLIX (1904), col, 194-196, — Rinaldi, Annales ecclesiastici, aiii annos, 1314, § xv ; 1342, §i ; 135-j, § xxi-xxill, — T. Martel, Blancnflour ; histoire du temps des popes d’Avignon, Paris, 1908(roman). — J. Joergenseii, Sainte Catherine de Sienne, Paris, 1920,

A’L La fiscalité des Papes d’Avignon. — a)

Caractères. — On appelle de ce nom le système fiscal en vertu duquel le Saint-Siège perçut des impôts sur lesbénétices ecclésiastiques. Certes, quelques-uns d’entre eux exi^laicnt aux siècles précédents, mais il faut reconnaître que les Papes d’Avignon grevèrent les clercs d’impôts très lourds, en raison de leur nombre, de leur variété, de leur caractère et de leur mode de recouvrement. Les évêques et les abbés payaient les services communs à l’occasion de leur nomination directe, de la contirmatiou de leur élection, de leur consécration, de leur translation à un autre siège ou à une autre abbaye par le souverain pontife. De plus, ils rénmnéraient le personnel de la cour et les familiers des cardinaux, de dons ou gratilications connus sous le nom de menus services, sacra, suhdiaconum. Il leur fallait encore acquitter des droits de chancellerie fort élevés ainsi que des droits de quittance, ou encore des redevances dues à l’occasion de leurs visites ad limina el des droits de pnllium. A partir d’Urbain V, ils perdirent le bénélice des procurations, taxes perçues quand ils visitaient leurs inférieurs. Enfin, en vertu du droit de dépouilles, le Saint-Siège s’emparait de leurs biens, lorsqu’ils passaient de vie à trépas.

Les petits bénéliciers payaient des rfptimes, c’est-àdire la dixième partie de leurs revenus nets, les annotes ou revenus d’un bénéfice produits dans le cours de l’année qui suivait la collation d’un nouveau titulaire, les procurations, les subsides car : tulifs. Contre leurs biens, le pape pouvait exercer, à leur mort, le droit de dépouilles.

Si un bénéficier, petit ou grand, décédait sans avoir acquitté ses dettes vis-à-vis du Saint-Siège, celles-ci ne s'éteignaient pas ; personnelles et réelles, elles restaient attachées au bénéfice, quelle qu’en ffiit l’ancienneté. Chacun demeurait responsable pour ses prédécesseurs. Ainsi, en 1342, l’arriéré des communs services dus par Nicolino Canali, promu au siège archiépiscopal de Havenne, s'élevait à 14.700 llorins d’or de Florence. Sans doute, les bénéliciers avaient recours contre leurs prédécesseurs ou, en cas de décès, contre leurs héritiers ; mais, ce recours était fort souvent illusoire ou trop onéreux.

Les moyens de contrainte, pour activer la rentrée des impôts, étaient d’ordre spirituel. Si, à la suite d’une monition, le débiteur ne s’acquittait pasde sa dette, il était frappé de censures ecclésiastiques. L’excommunication lui faisait perdre le libre exercice d’un bon nombre de droits : droit d’administrer ou de recevoir les sacrements, droit d’assister aux otlices divins, droit d'élire ou li'ètre élu aux Ijènéûces et dignités, droit d’exercer la juridiction temporelle, droit à la sépulture ecclésiastique. De plus, si un prêtre ou un évêque célébrait les otlices divins au mépris de l’excommunication, il tombait par le fait même dans l’irrégularité. Le contribuable ne se soumettait-il pas à l’excommunication, il était frappé de l’aggrave qui le privait des biens spirituels et lui interdisait l’usage des choses publiques. Persévéraitil dans la résistance, la réaggrave lui enlevait la poss bilité de communiquer avec autrui, même pour le