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pouvant avoir d’autre que le Saint-Siège et l’Eglise de Home, qui est le centre de l’unité, il s’ensuit que le Saint-Siège ne sera jamais dans un état qu’il ne puisse plus être reconnu pour cbef : c’est pourquoi l’on voit que, lorsqie Liliérius consentit à l’arianisnie, t'élix prit sa place, et l’Eglise de Home ne suivit point l’erreur de Libère. Ainsi, quoique la qualité du Pape n’empêche pas celui qui la possède de tomber dans l’erreur, elle empêche néanmoins cette sorte d’erreur qui entraînerait avec soi l’Eglise de Rome, et la ferait retrancher de la communion du reste du Corps, ce qui ne peutjamais arriver. » (Nicole ajoute : « C’est la doctrine du cardinal Cusan, de Gcrson et de ceux qui sont les moins suspects d'être trop favorables aux Papes. » Instructions tliéol. et moi-, sur le symbole, t. II, 10' inslr., ch. 7, De l’infaillibilité de l’Eglise. La 1" édit. est de 1 O71.) — 2= témoin, Bossurt. — Languet cite son sermon à l’assemblée de 1682, et conclut éloquemment au triomphe de la chaire de Pierre sur les appelants : « Vous passerez, malgré les appuis qui vous soutiennent, vous passerez, sans (|He cette Eglise éternelle soutire la moindre variation dans sa foi », etc. — 3' témoin, LAiiNOY(-f- 1678). — Il Dans une de ses lettres, où il combat l’opinion de Bellarrain sur l’infaillibilité des Papes, il reconnaît les justes prérogatives de l’Eglise de Rome et l’autorité perpétuelle de la chaire apostolique… ISl. de Launoy répond à chaque texte (des Pères cités par Bellarmin) qu’ils doivent être entendus non du Pape, mais de l’Eglise de Rome et du Siège Apostolique… Ces réponses de M. de Launoy ont été adoptées par plusieurs de ceux qui ont écrit après lui…, par exemple le P. (Noël) Alexandre et le Docteur Dupin. » ScARDi, loc. cit., p. lôosq.

Ces derniers mots de Languet éclairent l’origine de la fameuse distinction gallicane enlrele Papeeile SaintSiège : Launoy en est l’auteur. El c’est probablement à ce célèbre et téméraire docteur de Sorbonne que Bossuet l’avait empruntée, au moins pour un temps, dans sa discussion avec l'é^ôque de Tournai en 16H2. Voir col. 1^72.

Une remarque en terminant. Quand la plupart des évéques défenseurs de la Bulle laissent décote l’infaillibilité personnel le des Papes, pour ne pas efTarouclier les quesnellistes, et présentent comme règle de foi les décisions pontificales en tant que complétées ou promulguées par l’adhésion de l’Eglise ou « du corps des pasteurs », ils n’entendent pas cette adhésion comme un jugemenl positif et. e.iprès de chacun des évêques, ci font une très birge part au consentement tacite. Ainsi Kénelon, Ol’uires, t. V, p. 172.

Les mêmes principes se retrouvent dans d’autres documents jiastoraux du temps sur la Bulle Unigenitus, cités par Sovnni, Op. cit., p. 135, sq. — Ainsi Lakgukt dit que, d’après tous les théologiens de l’Eglise gallicane, « le Pape et le plus grand nombre des évêques ne peuvent dans aucun cas succomber à l’erreur ». — Le cardinal de Tencin, que « la décision de la pluralité des évêques unis au Chef de l’Eglise est une règle de foi ». — L'évêquede Bayonne, que « les promesses de J.-C.. sur lesquelles l’infaillibilité de l’Eglise est fondée, sont faites au nombre notoirement le plus grand, uni au Chef ». — L'évêque d’Angers, Poncet, « qu’un jugement dogmatique émané du Saint-Siège, accepté formellement ou t’tcitement par le plus grand nombre des évéques catholiques, devient un jugement irréformable ». — L’archevêque de Reims, Mailly, que c’est « le témoignage du /)Z » 5 ^/flïfrf nombre des évêques unis à leur Chef qui forme la véritable notoriété d’un jugement de l’Eglise ».

Cependant le parti qucsnelliste chicanait sur le

consentement purement tacite des évéques étrangers à la France. Espérant faire cesser la chicane, deux évêques de la majorité, le cardinal de lîissy et l'évêque de Nimes, entreprirent de constater s’il y avait consentement expri’s. A force de lettres, de recherches et de peines, ils constatèrent cette adhésion ((irmelle de tout l'épiscopat à la bulle, dans l’ouvrage qu’ils publièrenten i-ji, Témoign(igedel’Eglise universelle en faveur de la bulle i< l’tiigenilus » : Jagfr, t. XVIII, p. 36 sq. — Pour tout catholique <incére, consultant de bonne foi le témoignage de l’Eglise dispersée o>i magistère ordinaire de l’Eglise, le fait historique de ce témoignage était aussi clair que possible ; et à cette clarté de fait on n’avait pas le droit d’opposer une idée ou théorie personnelle, car l’infaillibilité de l’Eglise perdrait toute sa valeur pratique pour décider infailliblement les controverses de foi entre catholiques, et manquerait ainsi absolument la lin que Dieu lui a donnée, si l’on pouvait, une fois constaté le témoignage de l’Eglise universelle, faire prévaloir sur lui ses propres idées.

C’est ce que tenta pourtant Noailles, sous l’influence de la secte, dans une longue instruction pastorale du 1/1 janvier 171 9. le plus déplorable des écrits auxquels il ait attaché son nom. Il y récusait le témoignage des évêques étrangers à la France, sous prétexte que leur adhésion ne provenait que d’une croyance aveugle à l’infaillibilité du Pape. C'était subordonner le fait éclatant de leur témoignage unanime, décisif d’où qu’il provînt, à son opinion personnelle que l’infaillibilité du Pape était une erreur ; quand cette opinion personnelle sur une question libre eût été vraie, il n’avait pas le droit d’en faire ainsi le suprême critérium. Contre les 117 évêques français acceptant la Bulle, il disait non moins piteusement qu’ils ne l’avaient pas examinée en concile. Exiger ainsi la forme conciliaire, c'était nier le magistère de l’Eglise dispersée, reconnu par tous les catholiques, même gallicans. — Obéissant aussitôt au même mot d’ordre de la secte pour déplacer la question, la faculté de théologie de Cæn, dans son appel au futur concile, déclara que l’opinion de l’infaillibilité du Pape était une erreur. La Sorbonne elle-même, qui avait jusque-là regardé cette opinion conmie libre, décréta que c'était une doctrine erronée, le ig janvier 1719. En vain le Régent ordonna-t-il de nouveau à la faculté le silence sur les matières controversées : elle n’en tint aucun compte dans les soutenances de thèses. Outré de ce mépris affecté de son autorité, le régent, si indilTérent qu’il fût aux questions religieuses, ordonna en juillet au syndic de la Sorbonne, au doyen et au greffier, de se rendre chez le garde des sceaux avec le registre des déliliérations, et là on raya en leur présence les conclusions contre l’infaillibilité du Pape, et l’on y inscrivit de nouveaux ordres. Jager, loc. cit., p. 53 sq. — Enfin, le 4 août 1720, une déclaration du roi, d’accord avec Rome, défendit de rien dire ou écrire contre la bulle TJnigenitus, ou d’interjeter appel an futur concile, et les appels déjà faits étaient déclarés nuls. Le régent ([ 1738) tint ferme, et dompta, au moins en apparence, les appelants, la Sorbonne et le parlement. Jagbr, loc. cit., p. 63 sq.

Après de nouvelles intrigues des appelants pour tout remettre en question, surtout au début des pontificats d’Innocent XIII et de Benoît XllI, qui ne se laissèrent pas circonvenir par eux ; après un nouveau et magistral exposé du témoignage de l’Eglise universelle et de sa valeur, d’après les principes mêmes de Bossuet, par son successeur le cardinal de lîissY (Instr. pastorale de 1728), — Noailles publia enfin la même année un mandement, où, averti, disait-il, par son âge et la diminution de ses forces