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PAPAUTÉ

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réprouva cette nouvelle Uiéorie qu’il suflisait de garder un a silence respectueux » sur ces jug-erænts doctrinaux sans y soumettre son esprit, et qu’on pouvait signer la profession de foi sans y croire. Aussitôt une lettre du roi communique la bulle à l’assenililée du Clergé, alors réunie à Paris, » pour la recevoir el faire recevoir d’une manière uniforme » dans tous les <liocéses du royaume. Le cardinal de Noailles, président, prend les avis et conclut « que l’assemblée accepte et reçoit avec respect, soumission et unanimité parfaite la constitution de N.S.P. (élément XI ». Des lettres sont adressées par l’assemblée au Pape pour le remercier, au roi pour le prier d’ordonner l’enregistrement par le parlement, à tous les évèqjics du royaume pour les prier de faire des mandements sur la bulle « uniformes autant qu’il se pourra », sans « rien ajouter ni diminuer à la constitution ».

Dans le modèle de « mandement unifoi-me » rédigé p.^r l’arclievéqne Colbeit, il est dit : « Pieiie n parlé par la bouche de son digne successeur ; celui qui doit afl’eimir la foi de ses frères a rejelé toutes les nnuTeantés profanes qui pouvaient altérer la vérité et ti-oabler la paix… A CCS causes… nous déduirons par notre présente ordonnance que nous nous conformons au jut^oment que les évêques assemVjlés ont déjà porté, que nous acceptons comme eux avec respect et soumission la constitution du Saint-Siège, et, en nons renfermant ahsolument à leur exemple dans la décision qu’elle contient, nous déclarons qu’on ne satisfaitpoinl [tar le silence respectueux à l’obéissance qui est due aux constitutions des Souverains Pontifes Innocent X et Alexandre VI ! , qu’il faut s’y soumettre intérieurement, rejeter non seulement de bouche raoi> même de coeur et condamner couime hérétique le sens du livre de.lansénius, condamné dans les cinq propositions. » Recueil des actes^ titres et mémoires du Cierge de France^ divisé en douze tomes et mis en nouvel ordre, suivant la délibération de l’assemblée du Clergé de 1705 ; Paris, 1768, t. I, p. 380, sq.

On remarquera l’allusion aux textes scripturaires et traditionnels qui prouvent l’infaillibilité du Pape, l’identification entre le « Saint-Siège » et le Pape régnant, la soumission que l’on professe envers ses jugements doctrinaux, <i sans rien y ajouter ni diminuer » et « en se renfermant absolument dans leur décision », rejetant « de bouche et de cœur » l’erreur qu’ils condamnent ; enfin les bonnes dispositions du roi, qui poussait le clergé vers Rome, et qui veilla à l’enregistrement par le parlement et à l’exécution.

Toutefois, en lisant le procès- verbal de cette assemblée, on s’étonne de voir que l’archevêque de Rouen, Colbert, chef de la commission et rapporteur, avait dit :

La commission a établi pour maxime : ^ que les évêques ont droit, par institulion divine, de juger des matières de doctrine ; 2" que les constitutions des Papes obligent toute l’Eglise lorsqu’elles ont l’-lé acceptées par le corps des p ; tsteuis ; ’i" que cette aeceplati.’n de la part des évêques se fait toujours par voie de jugement. — El l’on a’éîonne encore plus de lire que l’jissemblée a a)iprouvé uManimcment les nmximes établies par measeigneurs les commissaires sur le droit des évêques. Hecueil cité. pp. 382, 383.

Dan ? une soumission au Pape, qui paraît si complète, que vient faire cette déclaration du droit des évêques ? — De plus, le modèle de niandementrédigé par Colbert pour tous les évêques de France débute ainsi :

a Nous avons vu avec une véiitable douleur les efforts que des esprits inquiets ont faits… pour affaiblir l’autorité des constitutions des Souverains Pontifes, qui doivent, après l’acceptation solennelle que le corps des pasteurs en Q faite, être regardée » comme le jugement et la loi de toute l’Eglise. » Ib., p. 403.

Ne semble-t-on pas insinuer que la solennité de l’acceptation par les évêques est une condition d’infaillibilité pour une délinition du Pape ? Ce serait dépasser l’assemblée de i(182, qui n’a point parlé d’acceptation solennelle el se contentait, en bien des cas, d’un consentement tacite. Jager, iJisl. de l’J^gl. caihul. en France, t. XVU, p. 453. — Le Pape se plaignit dans un bref à Louis XIV. 10., p. l^blf, l, bb. — Cf. Gallicanisme, col. a30.

Fénelon, oubliant ses griefs contre Noailles, président de cette assemblée, s’interposa oflicieusement en 1707 pour réconcilier ces évêques avec le Pape, dans l’intérêt de la paix. Ce qui lui donnait à Rome de l’autorité pour plaider leur cause, c’est qu’il tenait au fond pour l’infaillibilité pontificale, comme on le savait ; toutefois, il ne voulait pas l’imposer comme un dogme, et il s’en explique dans une lettre de cette année 1709 au cardinal Fabroni : Le point actuel avec les jansénistes, y disait-il, c’est l’infaillibilité de l’Eglise sur la question même « de fait », et par suite l’obligation de croire à sa définition sur le fait de Jansénius, sans se borner au silence respectueux. Or, si on leur présente l’infaillibilité, non pas de l’Eglise envisagée sous un concept plus indéterminé, mais de l’Eglise romaine, c’est-à-dire du Pape considéré sans les évêques, on les mettra en fureur, et on leur donnera l’occasion qu’ils cherchent de sortir de la vraie question pour se jeter dans une autre, controversée parmi les catholiques eux-mêmes et embarrassée d’arguties. Quant à lui, ajoute-t-il, pour attaché qu’il soit à cette infaillibilité du Pape, il évite d’en parler aux jansénistes et aux protestants. Fknelon, Œuvres, t. II, pp. 60-63. On ne peut qu’approuver cette méthode de polémique. — Rappelant ces principes de la lettre à Fabroni, Fénelon s’adresse à un autre cardinal, Gabrielli, pour dire librement ce qu’il pense des procédés de l’assemblée de ijoô.

Il reconnaît que ces évêques ont bien moins appuyé sur l’autorité du Saint-Siège que leurs devanciers du milieu du XVU* siècle, quand ils reçurent la constiluiion d Innocent X en attestant « ([ue tous les chrétiens sont tenus de donner ni-e obéissance de jugement, tpsius n : ejitis ubsequium, aux décisions doctrinales du Souverain Pontife. C’est dans cet esprit et dans cette foi, concluaient-ils, que nous-mêmes procédons i la promulgation de votre constitution, faite i>ar une inspiration de Dieu, dli’ini Numinis iiistiuetii. Il n’y a pas à discuter ; la seule lecture de la bulle pontificale trnnelie par elle-même toute la question » (cf. h’Akcentré, t. III, part. 2, p. 276 sq).

« Chez les évêques d’aujourd’hui, ajoute Fénelon, ]>lusieurs

n’en sont plus là : soit désir de miner peu a peu ces principes de leurs devanciers (c’est ainsi que le vulgaire les juge), soit simple manque de fermeté eu face des nouveautés (1 : est ainsi que nous les jugerons avec plus de douceur), ils veulent que la bulle ne suffise point par elle-même à définir que le texte de Jansénius est hérétique, mais que cela dépende aussi de l’évidence personnelle… Cotte restriction à sa promulgatioîi, ils voulaient l’insérer dans leurs actes, mais le roi s’y est opposé. De là leur mauvaise grâce à recevoir et à louer la bulle ; de là ces maximes sur te droit Lies ivéïjiies. qu’ils ont fait venir bien à contretemps. Quelle que suit d’ailleurs leur opinion sur l’infaillibilité du Pape, et quand même ils suivraient avec nos gallicans extrêmes l’opinion de Gerson sur l’appel au futur concile, (lerson lui-même n’eut pas permis à<4uelques évêques de s’érigor en juges de ce qui a été jugé par le Pape avec la prétention d’annuler son jugemint ; Gerson lui-même admettait que la sentence du Saint-Siège reste au-dessus de tout, tant que le concile général n’a pas prononcé, et ne laisserait à res évêques que deux alternatives ou juger, mais dans le sens de la définition pontificale, ou en appeler modestement au coneile, mais comme des parties, non comme des juges. » > Œuvres, t. ii, p. 63.

Quant aux maximes vagues qu’ils ont glissécB sur