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PAPAUTÉ

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le presbytérianisme entendu dans le sens du gouvernement de l’Eglise par les simples prêtres, et une autre sur le mulliludinisme ou gouvernement de l’Eglise par les laïques. Mais la preuve de ces deux points nous ferait sortir de notre sujet.

B. — La Déclaration de 1682

Nous examinerons « "par manière do préliminaires, la marche du gallicanisme et la défense de l’infaillibilité pontificale en France, à partir de la réaction contre Kiclier, que nous avons décrite, jusque dans les débuts du gouvernement personnel de Louis XIV (1661) ; 2" les événements de iG63, préludes de celui de 168-2 ; 3 » la fameuse déclaration elle-même, en ce qui concerne l’infaillibilité du Pape ; 4 » ses suites jusqu'à la lin du règne de Louis XIV.

I" La. marche du gallicanisme et la défense de V infaillibilité pontificale jusque dans lesdébuts du gouvernement personnel de Louis XIV.

Nous n’avons pas à exposer ici le grand développement du gallicanisme politique dans la France du xvii* siècle (y compris le clergé), sous l’influence du parlement, de Richelieu et d’autres causes. Sur ce terrain-là, Richer a vu le triomphe de ses idées. Nous voudrions seulement noter un point très important : c’est que legallicanisme politique alors prédominant n’entraînait pas nécessairement le règne de l’autre gallicanisme, le seul qui nous intéresse dans cet article. Ces systèmes, voisins par le nom, portent sur des objets différenls el ne forment pas un seul bloc, comme on se l’imagine trop souvent de nos jours. On peut soutenir l’un sans faire profession de l’autre, attaquer l’un sans vouloir se prononcer sur l’autre : et nous en avons plusieurs exemples à l'époque dont nous parlons.

Premier exemple. Saint François de Sales soutenait l’infaillibilité du Pape, nous l’avons vu. Mais il s’abstenait de soutenir le pouvoir, même indirect, du Pape sur le temporel des rois, pour les déposer, etc. Un magistrat de Bourgogne, son ami, avait publié en 16n un traité Delà puissance légitime des juges séculiers sur les personnes ecclésiastiques. François y blàræ délicatement et sans descendre au détail » tout plein de choses qui lui semblent devoir être extrêmement adoucies » ; mais le sujet même, cette controverse entre catholiques sur les rapports des deux pouvoirs, lui déplaît comme dangereux au temps présent. » Aussi, dit-il, je n’ai pas même trouvé à mon goût certains écrits d’un saint et très excellent prélat (Bellarmin), èsquels il a touché du pouvoir indirect du Pape sur les Princes. » Œuires,. necy, 1908, t. XV, p. g5. Consulté par une femme de magistrat

« sur l’autorité que le Pape a sur le temporel des

royaumes ", il lui montre que cette controverse entre catholiques est dangereuse et inopportune. Ilnelui donne que l’aflirmation générale a de la souveraine autorité spirituelle du Pape sur tous les chrétiens, même princes » et celle de l’obligation mutuelle du Pape et des rois, l’un devant donner le spirituel même au péril de sa vie, les autres l’aider de leur temporel, ibid., p. 191 et suiv. Enfin dans une lettre en italien à un archevêque (1612), pour être mise à l’occasion sous les yeux du Pape, il constate qu’en France « la discussion touchant l’aulorilé du SaintPère surles roiss'étend de plus en plus… La majeure partie des Parlements et des hommes d’Etat, même catholiques, penchent vers l’opinion la moins favorable, ou pour mieux dire la plus contraire à l’autorité papale, l’estimant plus convenable et plus utile à l’autorité royale ». Il voit venir « une lamentable division du royaume » ; quand le roi en prendra | bientôt le gouvernement, « il sera facile au parti hos tile à l’autorité du Saint-Siège de tourner ce prince du côté où il verra quelque apparence d’agrandir ses droits ». Remarquable prophétie de ce qui devait se passer sous Richelieu, el surtout sous Louis XIV. Il conclut « qu’il est expédient pour le moment, d'étouffer ces discussions dans le silence » — même les meilleurs théologiens doivent se taire là-dessus. Ibid., p. 183 et suiv.

Second ejeni^/e. Le docteur Du val et ses partisans à la Sorbonne soutenaient, nous l’avons vu, l’infaillibilité pontificale comme certaine, sinonde foi. Mais en même temps, et sans manquer à la logique où ils étaient passés maîtres, ils évitaient constamment de se prononcer surles questionsdélicates des rapports du Pape avec les rois et les Etats. Ils ne voulaient pas soutenir la thèse du pouvoir indirect, défendue par Bellaimin et jadis prédominante en France au temps de la Ligue, thèse qui n'était pas logiquement liée avec celle de l’infaillibilité pontificale et qui n’avait pasia même certitude. Toutefois, sans la soutenir, et en la regardant comme inopportune et par là même dangereuse, ils ne voulaient pas qu’on traitât d’erreur dogmatique une thèse, qui, hors de France, avait de si nombreux partisans. Aussi blàmèrent-ils la Sorbonne, quand elle fut amenée malgré eux à censtirer comme « erronée et contraire à la parole de Dieu » cette thèse de Bellarmin telle qu’elle était exposée par Santarelli, autre jésuite, dans un livre publié à Rome avec l’approbation du Cardinal-vicaiie et du Maître du Sacré Palais.

Troisième exemple. Richelieu soutenait le gallicanisme politique, soit raison d’Etat, soit conviction personnelle. Mais quand, pour apaiser le mécontentement du Pape, il exigea en 1C27 que la Sorbonne, dont il était proviseur, retirât cette censure de l’ouvrage de Santarelli, et que le parlement ne s’en mêlât plus, le puissant ministre, tout en traitant de

« méchantes et abominables » les doctrines de Santarelli, ajouta qu’il était » non seulement juste, mais

nécessaire d’empêcher le cours d’un si pernicieux livre…, mais par la voie de l’Eglise, en le faisant condamner par une censure authentique, seule capable de calmer beaucoup d’esprits… Vous savez. Messieurs, qu’il y a beaucoup d’esprits mélancoliques, à qui il importe grandement d'ôter tout sujet de penser que le Roi soit mal avec Sa Sainteté, principalement pour un point de doctrine, dont la décision appartient à l’Eglise. » D’Argentré, Collectio, t. 11, 2" partie, p. 255 ; cf. Puyol, t. H, p. 3^3. Ainsi, d’après lui, c’est au Pape qu’il faut s’adresser pour avoir la censure authentique d’un livre, la décision d’un point de doctrine. Bien plus, en 1629. Richelieu composa lui-même une déclaration qu’il fit signer par Richer devant témoins et dans laquelle ce vieux sectaire déclarait se soumettre avec le livre susdit (le I.ibellus), ses propositions, leur interprétation et toute ma doctrine, au jugement de l’Eglise catholique et romaine et du Saint-Siège apostolique, que je reconnais pour la mère et la maîtresse de toutes les Eglises et pour le juge infaillible de la vérité ». D’Argentré, ibid., p.302 ; cf. Puyol, p. 352 sqq. Richelieu tenait donc pour l’infaillibilité pontificale, en même temps que pour le gallicanisme politique. Et la manière dont il réussit adroitement à pacifier la Sorbonne fut précisément de lui imposer à la fois, par une sorte de compromis, ces deux choses non contradictoires. Après la rétractation, du moins extérieure, de Richer, le cardinal ministre réunit dans sa maison les chefs des deux partis opposés, et après avoir obtenu ce qu’il voulait du parti richériste, il demanda à Duval et à ses principaux partisans s’ils entendaient que le Pape eût pouvoir sur le temporel : ils répondirent que non. De fait, ils n’avaient