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implicitement, dans la révélation ancienne, et employer pour cela des moyens convenables, parmi lesquels se trouve assurément cette consultation des évéques du monde entier, que Pie IX a pratiquée avant de détinir l’Immaculée Conception. Mais si cette consultation est un bon moyen, parfois opportun ou même quasi nécessaire, elle n’est pas nécessaire en toute circonstance, nécessaire strictement et absolument ; le pontife peut arriver au même but par une autre voie, par exemple en prenant l’avis des cardinaux, en consultant les théologiens, en étudiant directement les textes sacrés et la tradition des Pères. Laissons-lui le clioix des moyens, comme il convient à son autorité souveraine, et comme ont toujours fait les papes, pour qui délinir n’est pas chose nouvelle. Bien que le pontife ail là à remplir un devoir de conscience, l’infaillibilité de sa délinition ne doit pas dépendre d’une condition invérifiable pour nous, île sa conscience que Dieu seul connaît et seul peut juger, mais uniquement de l’acte public et olliciel de délinir, acte que Dieu n’aurait pas laissé se produire s’il allirmail l’erreur. Autrement, on aurait beau reconnaître, en théorie, son infaillibilité, elle perdrait, par l’exigence d’une condition dillicile à réaliser ou à vérifier, son ellicacilé pour le bien de l’Eglise, et cette utilité pratique qui est toute sa raison d'être ; Acia, col. 401, sq ; D. B., 1836. Voir Dogme, col. 1 1^3.

g) /.'iii/aillihilité pontificale peut-elle être appelée une infaillihilité « lial/itueUe », un don « permanent » ? — Oui, en ce sens qu’une garantie surnaturelle d’infaillibilité est attachée d’une manière régulière et constante à l’acte pontifical de définir, toutes 1rs fois qu’il se ]iroduit dans la suite des temps. C’est en raison de sa suprême autorité, permanente de sa nature, que le pape possède l’infaillibilité, lors même qu’il n’en use pas ; il j' a beaucoup de papes qui n’ont rien défini, ni jamais parlé à l’Eglise universelle. « L’infaillibilité, dit Sc.HEKBEN, doit être envisagée à la fois comme actuelle et comme habituelle ; non pas, il est vrai, sous la forme d’une habitude (liahitiis) acquise ou infuse, mais sous la forme d’un concours surnaturel prêté par l’auteur même de l’autorité, joint habituellement et essentiellement à l’autorité de la personne, et se révélant selon une loi constante et invariable. » Dogmatique, t. 1, § 3a, trad. franc., Paris, 1897, p. 349. Le célèbre théologien a raison de noter qu’il n’y a pas lieu de s’imaginer, sans nécessité, dans l'âme du pontife, un haliilu.s, une qualité spirituelle qui produirait l’inerrance, à la façon de la vertu infuse produisant son acte. C'était déjà la remarque de Murray, Tract, de Ecclesia. Dublin, 1862, t. II, p. 179.

h) Quel nom et quel caractère devons-nous donner à ce concours ou secours surnaturel, cause de l’infaillibilité? — C’est l’a assistance » divine, qui n’est ni 1' n inspiration » ni la « révélation ». Dieu est l’auteur du livre « inspiré » ; il n’est pas l’auteur des textes pontificaux, même infaillibles. Tout en préservant d’erreur la définition, Dieu laisse au Jiape, dans le choix du moment de jiarler on d'écrire, dans le choix des choses à délinir et de leurs formules, une plénitude de liberté et d’initiative d’où résulte un texte plutôt ecclésiasliiiue que divin, tellement qu’on ne peut pas en attribuer à Dieu la |uilernité avec le titre d’auteur. Aussi le concile du Vatican at-il distingué soigneusement ces detix charismes, et condamné ceiix qui (comme Jahn) voulaient réduire l’inspiration des Ecritures à une simple préservation de toute erreur. Sess. îu, ch. 2, /). /?., 1787. Voir Inspiration de la Biblk, col. 899-901.

Si l’inspiration ne suppose pas nécessairement une

« révélation » faite à l’hagiographe et lui enseignant

des choses nouvelles (Même article, col. 901-904) ; a fortiori l’assistance, don inférieur, ne suppose pas qu’une révélation nouvelle soit faite au Pape. « L’Esprit-Sainl a été promis aux successeurs de Pierre, dit le concile du Vatican, non pour leur révéler et leur faire publier une doctrine nouvelle, mais pour les assister (eo assisleute) et leur faire religieusement conserver et interpréter fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, le dépôt de la foi. » Sess. IV, ch. 4, 0. / !., 183ô.

Cette assistance, une du côté de Dieu, est multiiile dans les effets qu’elle produit. Ces effets sont-ils purement négatifs, par exemple, préserver le Pape de certaines idées fausses, ou, s’il les avait et voulait les faire passer dans une définition, l’empêcher de définir, par une direction providentielle des événements ? — Nous répondons que, si l’on considérait seulement la fin principale de l’infaillibilité, c’est-à-dire le bien de l’Eglise consistant en sa préservation d’une erreur qui l’envahirait tout entière, des effets négatifs pourraient atteindre ce but. Toutefois, si l’on considère qu'à certains moments critiques ce n’est pas tout pour l’Eglise d'éviter une solution erronée de la question qui s’agite, mais qu’il y aurait alors, sinon une nécessité, du moins un immense avantage à recevoir de son chef la solution vraie et définitive du problème ; si l’on considère surtout la manière suave et harmonieuse dont In Providence divine a coutume de s’exercer, en s’adaptant à la nature des êtres qu’elle gouverne, on aura peine à croire que l’assistance donnée au pontife ne comporte que des effets négatifs. Car il est dans l’ordre et dans la nature de l’enseignement, que le maître non seulement s’abstienne d’enseigner l’erreur, mais qu’il conçoive et enseigne le vrai. L’influence de l’EspritSaint, du moment qu’on l’admet pour rendre le Pape infaillible, s’adaptera donc à cette nature des choses, et ne se bornera pas toujours à arrêter une définition erronée. Et puis, la grâce divine a coutume de produire des effets positifs et des lumières intérieures, soit dans ceux qui sont chargés de diriger les autres, soit même dans les simples fidèles pour la direction particulière de leur vie ; ceci s’appliquera à plus forte raison au chef suprême et infaillible ; il y aura donc, dans l’assistance surnaturelle qu’il reçoit, des efTels positifs et des lumières intérieures. Parmi ces lumières, écartons une nouvelle révélation, c’est entendu. Mais tandis que le Pape emploie les moyens humains afin d’arriver à résoudre une question embarrassante pour l’Eglise, que de grâces positives et de lumières divines ne peut-il pas recevoir à cet efTet sans qu’il y ait proprement rcvélalionl Une « révélation » au sens propre entraîne dans celui qui la reçoit la certitude absolue que Dieu non seulement agit en lui, mais encore lui atteste quelque chose, et qu’il faut ajouter à ce qu’il dit une foi souverainement ferme. Or le Pape n’aura point cette certitude, quand, pendant son travail, l’opération secrète de Dieu appliquera son intelligence au vrai et l'éclairera ; il croira peut-être arriver à ses conclusions par le jeu normal de ses facultés, ou s’il soupçonne qu’il se passe en lui de l’extraordinaire et du surnaturel, il n’en sera pas certain ; et en fût-il certain, il n’y a pas nécessairemenl là une attestation divine, dans laquelle Dieu demande de le croire sur parole et engage sa véracité. Cf. PALMteni, Tractatus de Boni. Pontifice, a' édil., Prato, 1891, p. 5g5.

i" Ce que l’infaillibilité pontificale n’est pas. — Nous avons dit que les milieux protestants ou incroyants ont souvent dénaturé notre dogme et le dénaturent encore parfois jusqu'à lui substituer de véritables caricatures, des énormités. Il est inté-