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PAPAUTÉ

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d’accumuler autour de la Papauté les épreuves et les humiliations.

VUI. La Papauté au XIX' siècle. — Jusqu’alors cependant les puissances, tout en prodiguant parfois l’outrage à la Papauté, avaient respecté son existence temporelle. On ne tenait guère plus compte d’elle dans la politique européenne ; et même dans les affaires ecclésiastiques on lui permettait de moins en moins d’exercer son action. Mais on la laissait régner à Rome dans une assez banale quiétude. Avec la Révolution, tout change brusquement. En 1797, PiB VI était détrôné par le Directoire, déporté en France, el venait mourir à Valence (39 août 1799). Quelques-uns crurent alors que c'était la Un de la Papauté. C'était en réalité le commencement d’une période qui, pour l’inlluence que les papes y exerceraient, ne le céderait peut-être à aucune autre. Depuis la fin du moyen âge, bien des causes, nous l’avons vu, avaient contribué à restreindre leur pouvoir..u xix « siècle, au contraire, la plupart des nouveautés, aussi bien celles qui étaient dirigées contre l’Eglise que celles qui lui étaient favoraliles, se trouveraient concourir à rendre plus ellicace leur autorité.

La Révolution, par la Constitution civile du clergé, avait prétendu reconstruire arbitrairement l’Eglise, elle avait disposé d’elle sans la consulter ; mais en 1801, après dix années de troubles, l'évidence indiquait à Bonaparte qu’il fallait mettre fin à cet état violent. Impossible de le faire sans recourir à la Papauté. La France révolutionnaire reconnaissait donc, en traitant avec Pie VII, qu’elle ne pouvait rien raodilier dans l’Eglise sans le concours du pape ; pour reconquérir la paix, elle désavouait sa conduite passée. C'était déjà un grand triomphe moral pour le Saint-Siège. Il y eut plus encore. Du point de vue politique, il paraissait bien dilUcile de rétablir les évêques restés lidèles, qui se trouvaient liés par laforcedescirconstancesàtout l’ancien ordre de choses. Il fallut demander à Pie VII de les déposer pour créer un épiscopat nouveau. Fait inouï dans l’histoire de l’Eglise, propre à déconcerter tous les canonistes gallicans de l’ancien régime : le pape privant de leurs sièges 85 évêques légitimes, sans articuler contre eux aucun grief, sans mettre en avant autre chose que la nécessité des circonstances et sa souveraine autorité I Ainsi, dans le pays où l’on avait le plus disputé pour limiter les droits du pape, les événements, plus forts que les hommes, conduisaient à le supplier de s'élever, pour sauver la religion, au-dessus de tous les canons.

Les violences de Napoléon contre Pie VII purent ensuite faire croire un instant que dans ce monde nouveau, affranchi de la tradition, la Papauté, livrée aux caprices de la force, allait perdre toute indépendance. Devrait-on regretter le xviii" siècle, qui, si dur pour elle, lui avait du moins laissé quelques garanties matérielles ? Mais le résultat final fut bien différent. Le Souverain Pontife sortit de la lutte agrandi par le courage indomptable qu’il avait montré, quand tout en Europe pliait devant le despote, aussi bien que par la délivrance providentielle qui mit fin à sa captivité. La chute de l'édifice impérial ouvrait en même temps pour la diplomatie pontificale une ère de négociations lab »  » rieuses ; le concordat français n’allait pas rester isolé..près les grands bouleversements amenés par les guerres de la Révolution et de l’Empire, dans nombre de pays la situation ecclésiastique avait besoin d'être régularisée. Elle était fixée auparavant par des règlements d’Etat ou des lois fondamentales reposant sur la coutume. Tout cela se trouvait maintenant plus

ou moins périmé et ne correspondait plus aux faits récents. Là encore il fallut s’entendre avec le SaintSiège, pour élaborer des statuts nouveaux. Il apparaissait ainsi que la Révolution, en renversant les établissements anciens, avait ouvert les voies pour une action plus imuiédiate et plus assidue de la Papauté sur les Eglises particulières. Leur réorganisation est son œuvre, et de cette œuvre, elle reste — à charge de s’entendre avec l’Etat cosignataire — la première interprète. Puis, dans le courant du siècle, les accroissements du catholicisme en Amérique, le renouveau catholique en Angleterre, le prodigieux développement des missions, aidé par la facilité moderne des communications, donnent encore à la Papauté l’occasion d’intervenir pour relever d’anciennes Eglises et en constituer de nouvelles. Taine a donc pu écrire avec vérité que <i toutes les grandes Eglises actuelles de l’univers catholique sont l'œuvre du pape et son œuvre récente ». Voilà un surcroit de puissance pour Rome, qui eiil fort étonné sans doute les contemporains de Benoit XIV.

La Révolution avait introduit de bien autres nouveautés. La plus importante, hélas ! et la plus déplorable, c'était la sécularisation de la société. Parlant des restrictions apportées par l’ancien régime à la 1 liberté ecclésiastique, Mgr Baudrillarl nous dit : 1 < Elle pouvait bien, cette vieille Eglise gallicane, ' passer à l’Etat quelques libertés prises à son égard, quehjues empiétements, quelques usurpations, car l’Etal était un ami, ami jaloux sans doute, mais un ami qui voulait comme elle et avec elle le triomphe de Jésus-Christ dans les âmes el dans le monde. » (Baudhillart, ÇHa(re cents ans de Concordat, p. i^î)

En 1789, cet état de choses cesse d’un seul coup, et, lorsque le culte est relevé par le premier consul, le pouvoir civil n’abandonne pas pour cela le principe de la sécularisation. « De l’ancien régime ecclésiastique, remarque justement M. Seignobos, Napoléon n’avait restauré que des formes et le pouvoir du gouvernement laïque sur l’Eglise. De la Révolulion il conservait le principe fondamental, l’abolition de toute autorité publique du clergé, la liberté et l'égalité religieuse. » (Sbignobos, Histoire politique de l’Europe contemporaine, ch. xxiii, p. 654) Durant tout le xix* siècle, les gouvernants essaieraient de maintenir celle position illogique, de perpétuer des usurpations qui n’avaient eu prétexte de s'établir à l’origine que comme contre-partie de l’autorité reconnue à l’Eglise dans la vie publique. Mais le résultat inévitable allait être de pousser le clergé en masse du côté de Rome. Ne possédant plus de privilèges, n'étant même plus propriétaire, el ne recevant guère de l’Etal à titre spécial qu’un supplément de surveillance et de contrainte, il était naturel qu’il tournât désormais les yeux uniquement vers son chef spirituel, qui seul continuait de s’intéresser à lui, seul pouvait lui assurer aide et protection. C'était donc, à bref délai, la fin des tendances gallicanes, el de ce côté encore, la puissance pontificale allait se trouver singulièrement accrue.

Autre nouveauté du régime moderne, qui s’est étendue un peu partout et qui a exercé une iniluence immense : la liberté de la presse. Les papes, certes ne lui ont pas fait la cour, pas plus qu’aux avitres idoles du jour (voir Libkbalis.mk, Syllabcs) ; ils ont parfaitement montré ce qu’il y avait d’insoutenable à reconnaître à chacun le droit de propager toutes les doctrines, y compris les plus perverses. Néanmoins, le fait étant donné, il faut reconnaître que si la presse a causé d’effroj’ables ravages, elle a ren^ versé aussi certaines barrières dont l’Eglise avait eu beaucoup à souffrir. C’avait été la prétention cong tante des Etats d’ancien régime d'établir une douane