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PAPAUTE

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préside à la désignation de Mathias pour compléter le collège lies Douze et remplacer le traître Judas (i, 15-26). Au jour de la Pentecôte, c’est Pierre ([ui prend la parole et se comporte comme cljef de la communauté chrétienne : le texte distingue même Pierre et les Onze, Pierre et les iiutres a/ivtres (ii, 14-/ii). Même rôle de Pierre lors de la guérison du boiteux à la porte du Temple, puis de la prédication au peuple et de la nouvelle extension de l’Eglise naissante qui est la consé(iuence de l'événemenl (m, 1-26, IV, 1-/1). C’est Pierrequi, traduit avec Jean devant leSanliédrin d’Israël, rend témoignage ofllciellement au nom de la communauté entière des disciples de Jésus (iv, 5-2a). C’est Pierre qui agit comme ministre de Dieu et principal pasteur de l’Eglise du Clirist dans le châtiment d’Ananie et de Saphire (v, l-ii). C’est Pierrequi, une seconde l’ois, comparait devant leSanliédrin et parle au nom de toute la jeune chrétienté. Pour désigner le groupe des pasteurs, l’historien Luc dit encore : Pierre et le.t apôtres (v, a^-S’i). Pierre, accompagné de Jean, va en Samarie imposer les mains aux convertis qui ont été baptisés par le diacre Philippe, et c’est Pierre qui prononce contre Simon le Magicien une redoutable malédiction (viii, ! i-it). Pierre accomplit d'éclatants miracles tandis qu’il visite les Eglises chrétiennes, de villeen ville (ix, 31-43). Pierre remplit un rôle décisif, lors de la conversion du centurion Corneille et de sa famille, en admettant au sein de l’Eglise du Christ, conformément à une lumière reçue d’en-haut, des convertis venus du paganisme sans avoir passé par la circoncision et autres observances du culte judaïque (x, i-48, xi, 1-18). Quand Pierre est emprisonné par ordre du roi Hérode Agrippa et va être miraculeusement délivré par Dieu, toute l’Eglise est en prières pour la libération de son suprême pasteur, libération qui causera aux lidèles une immense joie (xii, 3-17). EnQn, le rôle exercé par Pierre dans l’assemblée conciliaire des pasteurs de l’Eglise à Jérusalem s’interprète aisément comme celle du président de l’assemblée (xv, 6-12).

Dans cet ensemble de faits, la primauté de Pierre, fondée sur l’institution du Christ, apparaît en exercice et en acte. L’Eglise naissante possède un chef visible, et ce chef est Pierre, le prince des apôtres.

a" Les Epilres apostoliques. — Les deux Epitres qui portent le nom de l’apôtre Pierre ne contiennent rien que de parfaitement conforme à la primauté de leur auteur dans l’Eglise, mais ne contiennent pas (et n’avaient aucune raison de contenir) l’aUirmation de cette primauté.

Che2 saint Paul, il est fait mention de l’apôtre Pierre, ou Képhn, et de son autorité, danslapremière Epitre aux Corinthiens et dans l’Epltre aux Galales. La manière dont Pierre est mis en cause, fût-ce avec l’intention de le contredire, atteste, ou indique, ou suppose que Pierre est indubitablement regardé comme jouissant d’une prérogative exceptionnelle dans l’Eglise du Christ. Rapproché de tous les textes et de tous les faits que nous connaissons déjà, pareil indice est de haute valeur pour conlirnier l’existence de la primauté de Pierre, en faveur de laquelle les témoignages indirects corroborent ainsi les témoignages directs.

Au sujet de la première aux Corinthiens (i, ii-13 ; m, 3-8, ai-a3 ; ix, 4-6), nous ne saurions mieux faire que reproduire la juste conclusion du regretté P. Xavier Roiron dans son étude sur Saint Paul témoin de la primauté de saint Pierre (Recherches de Science relif^ieuse, igiS, p. 498 et 499) : « En résumé, par la première aux Corinthiens, nous savons qu’aux yeux de l’Eglise de Corinthe, et bien qu’il n’eût eu encore aucune relation avec elle, Pierre était le pre mier des apôtres, le plus grand après le Christ. Ce point ne fait pas de doute. Il n’est pas moins certain que Paul, par qui nous connaissons l'état d’esprit des Corinthiens à cet égard, ne tente rien pour modilier l’idéequ’on avait là-bas de sa[ilacehors de pair dans l’Eglise. Au contraire, son langage est fait pour conlirmer les lidèles dans leur manière de voir. Enlin, il est au moins très probable que les idées des Gorinlhiens en la matière n’ontpas d’autre origine que saint Paul lui-même. »

Si l’on critique chez l’apôtre Paul telle ou telle manière d’agir, voici quelle sera la réponse : Paul n’a-t-il pas le droit de se comporter comme font les autres apôtres et les frères du Seigneur et hepha, c’est-à-dire Pierre lui-même le prince des apôtres, le premier des pasteurs de l’Eglise ?

Dans l’Epître aux Galates, deux notables fragments concernent les rapports mutuels de Pierre et de Paul et leur divergence relative aux observances judaïques (i, 1 1-19 ; 11, 7-14) Tous les incidents rapportés au premier chapitre de cette Epître, et au second chapitre ju<^qu’au verset II, ne font que suggérer ou appuyer la même conclusion qui vient d'être citée à propos des textes de la première aux Corinthiens. C’est un nouveau témoignage réel, quoique indirect, en faveur de la croyance de la chrétienté naissante à la primauté de saint Pierre.

Pour le récit paulinien du différend d'. tioche

{('al., II, Il-14)> on doit remarquer, d’abord, qu’il accuse simplement une diversité d’attitude entre Pierre et Paul, non pas une diversité de doctrine ou d’enseignement. Pierre, qui avait mené la vie commune avec des chrétiens venus de la gentilité sans passer parla circoncision mosaïque, s'était laissé intimider ensuite par les envoyés de Jacques de Jérusalem et n’avait plus voulu prendre ses repas qu’avec les chrétiens convertis du judaïsme et Udèles aux observances mosaïques. Voilà de quoi Paul crut devoir blâmer publiquement Képha, lui déclarant en face que sa manière d’agir était répréhensible. Et pourquoi répréhensible ? Non pas parce que la docirine de Pierre sur les observances judaïques était contraire à la doctrine de Paul. Pierre, nous le savons, professait que les convertis du mosaïsræ pouvaient et devaient être admis au baptême sans passer par la circoncision juive. Bien plus, Pierre, quand il n’avait pas devant lui les judaïsants de l’Eglise chrétienne de Jérusalem, s’aflranchissait des observances mosaïques (désormais caduques) et partageait sans scrupule le genre de vie des chrétiens venus de la gentilité. D’où le reproche de Paul à Pierre : Toi qui es né Juif et qui vis à la manière des gentils, non pas à la manière juive, comment veux-tu contraindre les gentils â s’astreindre aux pratiques judaïques.' La raison pour laquelle l’attitude de Pierre à Anlioche est tenue par Paul pour répréhensible, est donc que le retour de Pierre aux observances mosaïques, sous l’empire des récriminations du groupe judaïsant de Jérusalem, aboutissait à imposer une contrainte abusive aux chrétiens convertis de la gentilité. Contrainte consistant à les astreindre eux-mêmes aux pratiques rituelles du judaïsme s’ils voulaient mener la vie commune avec l’apôtre Pierre et les commensaux de l’apôtre Pierre. Voilà le sens indubitable du texte de saint Paul sur le différend d’Antioche.

Mais le texte prend ainsi un grand intérêt du point de vue de la primauté de saint Pierre. Si l’exemple même de Pierre équivaut à une contrainte exercée sur les convertis de la gentilité ; si cet exemple a déterminé d’autres Juifs, précédemment en contact avec les gentils, à reprendre les observances mosaïques ; bien plus, si l’exemple de Pierre a déterminé, en ce