Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/686

Cette page n’a pas encore été corrigée

1359

PAPAUTE

1360

Rocher (Kéfa) et sur ce Rocher (Kéfa), je bàlirai mon Eglise. »

A vrai dire, la posilion des vieux protestants et des ricliériens est, aujourd’hui, abandonnée par le très grand nombre des critiques. Presque tous la qualilieraient aisément, avec M Henri Monmbr,

« d’interprétation par trop alamhiquée et tendancicise

» (Notiijn de Vapostolat, p. 133). Bien rares deviennent les protestants orthodoxes qui plaident encore la distinction entre Petros et petr<i, tels M. WiLLOUGHBY C. Allen (A criticiil and exegetical Commentary on the Gospel accorditig tn S, Matthew, p. 176-180. Edinburgh, 1907. ln-8) et M. J. H. Habt (Cephas and Christ [Journal of theolnoical studies, 1907, t. IX, p. 35]).

Parmi les hypothèses possibles pour expliquer petra, M. Hart propose même une solution curieuse. Au moment de la confession de Pierre, les apôtres sont censés découvrir dans le lointain la montagne où, six jours plus tard, aura lieu la transfiguration. Jésus dit à Simon, fils de Jona : « Tu es Pierre ; et sur ce rocher que tu vois là-haut, je bâtirai mon Eglise ; puisque la manifestation de ma gloire devant des témoins choisis va inaugurer la construction de la Jérusalem immatérielle etcéleste. » Pareille hypothèse était, à coup siir, inédite. Le liistingué scholar aura, sans doute, voulu plaisanter. N’insistons pas.

Très généralement, les protestants, même les [dus conservateurs, comme M. Zahn (Dus Evangelium des Matthæus, p. 536-547. Leipzig, igoS. In-8), reviennent à une exégèse rationnelle de notre texte. Non pas, certes (on le verra plus loin), qu’ils soient d’accord avec nous sur la » valeur démonstrative » du /"h PS />ei/ «  «. Us contestent le caractère hiérarchique et la durée perpétuelle de la prérogative de Pierre. Mais, dn moins, ils ne cherchent plus à distinguer Petrosde pctra ; ils avouent que, d’après ce même texte, l’apôtre Pierre, et lui seul, est le « fondement de l’Eglise ; l’apôtre Pierre, et lui seul, reçoit la promesse du i pouvoir des clefs ».

« Nous nous plaçons encore ici », écrivait déjà

P.-F. Jalaguibh, « sur le terrain qui leur est le plus favorahle [aux catholiques], parce quil est à nos yeux le seul vrai : etnous admettons que ce passage renferme une promesse spéciale, faite à saint Pierre. » (De l’Eglise, p. 219. Paris, 1899. ln-8)

Le sens littéral des paroles est donc relativement facile à reconnaître et à déterminer.

En premier lieu, Simon-Pierre doit être le fondement de l’Eglise chrétienne : Tu es Pierre, et sur cette pierreje bâtirai mon Eglise.

L’imsga d’un édifice moral bâti sur le roc, c’est-à-dire sur un fondement indestructible, appartient, sous diverses formes, à l’Ancien Testament [Psalni., Gxviii (Vulg., cxvii), 2a ; Isaïe, xxviii, 16 ; li, 1, 2], et se retrouve dans la langue évangélique. Citons, au moins, la clausule fameuse du Sermon sur la montagne :

Quiconque entend ces miennes paroles et les met eu pratique, je l’assimilerai à i homme prudent qui bâtit sa maison sur le roc [îni rr.v r.irpv.v). La pluie tomba, les euux quittèrent leur lit, le* Tents souftîèrent et firent ru^ife contre cette maison ; et la maison ne succomba point : car « lie était fondée sur le roc (t^ri Tr, v Trsroay).

Et quiconque entend ces miennes paroles et ne les met pas en pratique, je l’assimilerai à l’iiomme insensé qui bvlit sa maison sur le sable (iT : i TrrJ v^/iov). La pluie tomba, l’^s eaux quittèrent leur lit, les vents soufflèrent et firent rage contre cette m « ison ; et lamaisou s’écroula ; et gland fut le dcsastie. (Malth., tu, 24-’27.Cf.Z.i/<r., ti, 48-491

L’édifice moral qui sera bâti sur l’apôtre Pierre, comme sur une assise de rocher, n’est autre que la

communauté visible des disciples de Jésus : l’Eglise chrétienne. Le terme employé réellement par le Christ fut l’un des mots araméens signifiant réunion, assemblée, association. Le terme correspondant, adopté pnr la traduction grecque, est le mot’EiwJr.fjiv., qui désigne habiluellerænt, chez les Septante, la communauté religieuse d’Israël (en hébreu : kahal). Donc, nulle équivoque ; dans le Tu es Petrus, la formule

« mon Eglise » équivaut à celle-ci : ti la réunion

de mes fidèles ».

Mgr Batiffol énumère plusieurs textes évangéliques où Jésus-Christ lui même se présente ainsi comme le chef et le maître des adorateurs du vrai Dieu, qui constituent véritablement ses propres disciples et son propre troupeau : mon Eglise. (Maith., XI, 27-80 ; xviii, 20 ; XXIII, 37. Cf. Mattli., xiii, 4’et XVI, 28, etc.) Fort judicieuse paraîtra la conclusion du docte prélat :

Jésus est celui qui appelle, qui rassemble, qui veut qu’on vienne à lui, qu’on soit avec lui, qui impose un joug pareil à celui de la Loi, mais doux et léger comme celui de la Loi n’est pas. Il est tout autant celui qui peut détiuire le Temple de Dieu et le réédifier trois jours après. Ne sont-ce pas là autant de similitudes de l’expreviion ; Je bâtirai mon Eglise ? (Eglise naissante, p. 105)

C’est bien la formule authentique de Jésus-Christ. Plus tard, à l’époque de la rédaction de notre premier Evangile, les apôtres et leurs contemporains ne parleront guère de l’Eglise du Christ (liom., xvi, 16. " Toutes les Eglises du Christ. »), mais diront constamment : l’Eglise de Dieu. (E. g. 1 Cor., i, 2 ; Il Cor., I, 1 ; Gal., I, 13 ; I Tim., iii, 15)

De même, l’analogie entre l’Eglise et un édifice recevra, chez saint Pierre (1 Petr., 11, 4. 5), chez saint Paul (I Cor., iii, 10-17 ; Efhes., 11, 19-22), chez saint Jean (Apoc, xii, ii-14), les applications les plus variées : dans ce temple spirituel, la pierre angulaire sera le Christ en personne ; le fondement sera la hiérarchie apostolique ; les pierres vivantes seront tous les fidèles de l’Eglise chrétienne.

La métaphore de l’Evangile demeure plus simple et plus archaïque : sur l’apôtre Pierre, comme sur un roc, Jésus bâtira son Eglise.

Le Sauveur continue : et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle.

Cette parole alTlrme la pérennité de l’Eglise. La formule employée admet deux explications plausibles et, du reste, parfaitement équivalentes. Les portes de l’enfer peuvent désigner : ou bien la mort, ou bien le démon.

Si les portes de l’enfer dési^rnent la mort, le texte, revient à ceci : jamais les portes de l’enfer (du sc/ieo/, del’hadès)ne se refermeront sur l’Eglise comme elles se referment sur les morts (cf. Jub, x, 20-22 ; Jonas, II, 7) ; car l’Eglise du Christ ne périra jamais.

Si les portes de l enfer désignent le démon, la métaphore signifie que jamais la puissance du mal ne triomphera de l’Eglise, ne renversera l’Eglise ; car l’Eglise est indestructible. Dans l’Ecriture sainte, les portes des villes apparaissent comme le siège olficiel des princes et des tribunaux [Ruth., iv, 11 ; II Sam., XIX, 8 ; Psalm., lxix (Vulg. lxviii), 13 et cxxvii (Vu’g. cxxvi), 5 ; Prov., xxxi, 23] ; d’où l’usage d’attribuer le nom de portes de lu cité à la cité même [Gen., xxii, 17 ; Jud., , 8 ; Psalm., lxxxvii (Vulg., Lxxxvi), 2], ou au gouvernement qui la régit. Tel est, d’ailleurs, le sens du titre que nous-mêmes donnons encore à l’Empire turc : la Sublime Porte. Notre texte, parlant des portes de l’enfer, désignerait donc le démon, princedelacité infernale, ennemi juré de l’Eglise du Christ (CoRi.VY, Spicilegium dogmutico-bihlicum, t. I, p. 44-45. Gand, 1884. In-8) ; et