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PAIX ET GUERRE

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parait devoir être plus étendue que celle de la juridiction acliiellement existante à La Haye.

L’arbitrage devient obligatoire en ce sens que chacune des puissances conlraclanles se déclare tenue, nous l’avons dit, de déférer le conllil, soit à une juridiction d’arl, )itrage, soit au Conseil lui-même de la Société des Nations. Les mêmes Etats conviennent également « qu’en aucun cas ils ne doivent recourir à la guerre avant l’expiration d’un délai de trois mois après la sentence des arbitres ou le rapport du Conseil ». Ce rapport devra être établi dans les six mois à dater du jour où le Conseil aura été saisi dudifréreiul. i

Lorsqu’il y aura eu sentence arbitrale, « les mcm- j bres de la Société s’engagent à exécuter de bonne i fol les’sentences rendues et à ne pas recourir à la | guerre contre tout membre de la Société qui s’y conformera. Faute d’exécution de la sentence, le Conseil propose les mesures qui doivent en assurer l’effet …

Lorsque c’est le Conseil de la Société des Nations qui aura charge de dirimer le litige, les solutions adoptées par le Conseil seront formulées dans un rapport, u Si le rapport du Conseil est adopté à l’unanimité, le vote des représentants des parties ne comptant pas dans le calcul de cette unanimité, les membres de la Société s’engagent à ne recourir à la guerre contre aucune partie qui se conforme aux conclusions du rapport. » Mais quand l’unanimité n’est pas obtenue, ou quand le Conseil reconnaît que le différend porte sur une question laissée à la compétence exclusive de l’une des parties, les méthodes de solution pacifique sont épuisées ; la guerre pourra légitimement survenir après un délai de trois mois.

« Les membres de la Société se réservent le droit

d’agir comme ils le jugeront nécessaire pour lemainlien du droit el de la justice. »

Dans l’hypothèse où l’Assemblée générale aurait été saisie du dill’érend, l’autorité décisive reconnue à un vote de l’unanimité du Conseil sera reconnue à unvotede 1’.assemblée réunissant le suffrage des neuf Etats représentés au Conseil et la pluralité des autres (à l’exclusion, en chaque cas, des représentants des parties).

L’article 16 cnumère les sanctions internationales à édicter contre tout membre de la Société des Nations qui aura recours injustement à la guerre, au lieu de se conformer aux procédures arbilraleset pacificatrices des articles précédents. La puissance violatrice du statut international est, par le fait même,

« considérée comme aj’ant commis un acte de guerre

contre fous les autres membres de la Société ».

Voici les sanctions économiques : tous les Etats participant à la Société des Nations s’engagent à rompre immédiatement avec la puissance provocatrice

« toutes relations commerciales ou financières, 

à interdire tous rapports entre leurs nationaux et ceux de l’Etat en rupture de pacte et à faire cesser toutes communications financières, commerciales ou personnelles entre les nationaux de cet Etat el ceux de tout autre Etat, membre ou non de la Société ». La formule est péremptoire. Nous avons dit pourquoi il est douteux que la réalité puisse toujours répondre intégralement à une formule aussi absolue.

Voici maintenan t les sanctions mi litaires : « Le Conseil a le devoir de recommander aux divers gouvernements intéressés les elîectifs militaires, navals ou aériens par lesquels les membres de la Société contribueront respectivement aux forces armées destinées à faire respecter les engagements de la Société. » Le ])aragraphe suivant insiste sur les diverses formes de coopération que peuvent et doivent se prêter les diverses puissances de la Société

des Nations au cours de la lutte commune contre la puissance violatrice du droit. En outre, l’Etal en rupture de pacte pourra être exclu de la Société des Xations par vote unanime du Conseil : ce sera une sanction morale, en même temps que juridique, une manière d’excommunication.

Ce qui est défectueux dans l’énoncé des sanctions militaires est l’imprécision des mesures prévuespour l’exécution arméepar autorité de justice. Tout devra être décidé après que l’injuste agression aura déjà eu lieu, quand l’adversaire sera entré en campagne, sans aucune organisation préalable et permanente des contingents militaires dont pourra disposer la Société des Nations. En de telles conditions, la sécurité promise au droit de tous et à la paix du monde semblera précaire et même un peu dérisoire. C’est à bon droit que la délégation française aurait voulu faire subir à ce dispositif une transformation sérieuse. Mais, sous rinfiænce du président "Wilson, l’amendement proposé par les délégués de la France fut malheureusement écarté par la Conférence de la Paix. On doit marquer ici l’une des plus inquiétantes lacunes du traité de Versailles.

L’article 17 prévoit le cas d’un conflit où l’un des Etats en litige n’appartiendrait pas à la Société des Nations, et même il’un conflit où aucun des deux adversaires ne lui ai.parliendrait. Une procédure juridique est instituée pour aboutir, fût-ce en iiareille hypothèse, à un règlement pacifique dont les méthodes seraient analogues à celles des procédures envisagées précédemment.

L’article 22 donne au problème de la Société des Nations tout un ensemble d’extensions absolument imprévues. La Société des Nations reçoit la tutelle passablement épineuse de tous les anciens domaines coloniaux de r.llemagne et de tous les territoires soustraits à la juridiction de l’Empire ottoman. Cette tutelle comprendra trois degrés inégaux selon le degré de civilisation et de développement social des populations indigènes. Mais par qui sera exercée, en fait, la tutelle dont la Société des Nations reçoit, en principe, l’investiture’? Elle sera « déléguée à certaines puissances développées, qui, en raison de leurs ressources, de leur expérience ou de leur position géographique, sont le mieux à même d’assumer cette responsabilité et qui consentent à l’accepter : elles exerceraient cette tutelle en qualité de mandataires et au nom de l.a Société ».

Les mandataires adresseront à la Société des Nations leur rapport annuel sur l’accomplissement de la gestion politique qui leur est confiée. Le rapport sera soumis à une commission compétente qui devra donner elle-même avi Conseil de la Société u son avis sur toutes questions relatives à l’exécution des mandats ».

En réalité, cette institution des nia/i</a/s coloniaux de la Société des Nations paraît bien être une fiction diplomatique pour accorder les résultats tangibles et politiques de la grande guerre avec l’idéologie wilsonienne. Diverses puissances victorieuses reçoivent la souveraineté ou le protectorat de territoires conquis sur l’Allemagne ou sur l’Euipire ottoman. Toutefois, comme il est entendu que l’ère des annexions, des conquêtes et des impérialismes est close pour jamais, la tutelle de tous les domaines à régir est dévolue nominalement à la Société des Nations, qui est censée déléguer elle-même à titre précaire, le fardeau de sa propre tâche aux puissances partageantes. C’est un nouvel exemple, d’ailleurs assez piquant, qui s’ajoute à la liste déjà longue des euphémismes plus ou moins hypocrites où excella toujours la diplomatie internationale.

La théorie du mandat n’est, d’ailleurs, pas sans