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PAIX ET GUERRE

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procédure du mariage, du divorce, de la tutelle des mineurs (1903, 1906, 1909). Il faut y joindre les conventions relatives à la propriété industrielle (188l3, 1891, 1900), à la propriété littéraire et artistique (1886, 1908), et beaucoup d’autres protocoles internationaux du même ordre. Bien plus, en 1910, deux conférences diplomatiques ont élaboré l’unilication internationale du droit, c’est-à-dire l’adoption par chacune des parties contractantes d’un texte législatif rigoureusement uniforme en matière de lettres de change, de billets à ordre et, en matière de droit maritime, à propos de l’assistance et du sauvetage.

Uniformité des lois répondant à l’uniformité des usages et des intérêts, des besoins et des mœurs.

Au même ordre de tendances et de préoccupations se rattache, dans la zone plus périlleuse du droit de paix et de guerre, l’œuvre juridique des deux conférences de La Haye, réunies en 1899 et en 1907, giùce à la très noble initiative du tsar Nicolas II.

G. Œiivre des Conférences de la Haye {1899 et , 1907). — Nous avons parlé plus haut de la remarquable codilication, opérée à La Haye, des règles internationales de la guerre sur terre et sur mer, des droits et devoirs de la neutralité, des lois concernant les prisonniers de guerre et des lois concernant l’occupation militaire du territoire ennemi. Codilication pleinement conforme aux principes et à l’esprit du Droit international chrétien. Il faut maintenant analyser l’œuvre juridique des conférences de La Haye en vue du règlement pacifique des conllils internationaux par les voies de médiation et d’arbitrage ; en d’autres termes, l’étal de l’organisation juridique internationale à la veille de la grande guerre de igi^.

La convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux détermine la procédure qui régira la médiation ou les bons offices d’une tierce puissance (même au cours des hostilités), afin d’amener un accord équitable entre les parties en litige : une ouverture en ce sens ne pourra jamais être considérée par aucun belligérant comme un acte peu amical. La même convention organise une cour permanente d’arbitrage, composée de représentants de toutes les puissances contractantes, au jugement de laquelle pourront être soumis de bonne foi les litiges internationaux. La cour désignera les juges constituant le tribunal d’arbitrage qui dirimera paciliquemenl le conflit par les moyens de droit. C’est un premier pas dans la voie des garanties juridiques de la paix entre les peuples.

De 1899 à igitt, une douzaine d’affaires litigieuses furent soumises à la cour permanente d’arbitrage de La Haye, qui sut faire agréer, dans chacun des cas, une solution équitable el pacilique. Parmi les questions à résoudre, il y en avait deux, tout au moins, qui motivaient de réelles inquiétudes pour la paix européenne : l’arbitrage de 1912, entre la France et l’Italie, à propos de la saisie des vapeurs Cartluxge et Maiiouha, et surtout l’arbitrage de 1909, entre la France el l’Allemagne, à propos des déserteurs de Casablanca.

Dans les cas de ce genre, de même que dans les litiges de droit international privé, chaque Etat comprend et admet sans trop de peine l’immense avantage que lui assure l’observation d’un coele international de règles juridiques, et, en particulier, le recours loyal à une procédure d’arbitrage. On sera vraiment trop heureux d’éviter le risque formidable d’une guerre européenne en acceptant de bonne grâce une solution conciliatrice, rendue possible par l’existence même d’institutions tutélaires du droit international.

Mais l’allreuse expérience de ig14 nous apprend

où s’arrête l’efficacité de la garantie. Quand il s’agira de conflits politiques ou économiques dans lesquels de puissantes nations croiront (à tort ou à raison) qu’un redoutable danger menace leur sécurité, leurs intérêts, leur honneur, ce ne sera plus à la sagesse d’autrui et aux garanties juridiques de l’arbitrage qu’elles accepteront de recourir. D’autres instincts plus profonds, depuis l’instinct de conservation jusqu’aux ambitions et aux calculs des gouvernants, jusqu’aux exigences économiques, aux aspirations et aux passions nationales des peuples, imposeront quelquefois le recours implacable à la force des armes, contrairement aux stipulations les plus claires, mais un peu platoniques, d’un droit international qui possède lies juges, mais qui, jusqu’à présent, ne possédait pas de gendarmes.

Dans le domaine international comme dans le domaine civil, il n’y a pas de loi véritable s’il n’existe pas de sanctions pour la défendre. Toute règle qui impose une contrainte onéreuse sera inévitablement et scandaleusement violée si l’on ne peut mettre, en temps utile, la force au service du droit.

Le problème capital, en matière de règlement pacilique des conflits internationaux, est le problème des sanctions. Faute d’avoir trouvé des sanctions efficaces, on rendra illusoires les plus belles conventions d’arbitrage dans les circonstances où, de fait, éclatent les grandes guerres, c’està-direquanddescauses profondes opposent, entre peuple et peuple, la violence des passions ou l’àpreté des intérêts.

La question des sanctions du droit international est elle-même connexe avec la question de l’arbitrage obligatoire, si l’on tient conqtte des conséquences qui résultent logiquement de l’introduction de l’arbitrage obligatoire dans le code contractuel des Etals civilisés.

L’Acte final de la deuxième conférence de La Haye (18 octobre 1907) contient, en faveur de cette réforme, une déclaration catégorique dont nul n’a le droit de méconnaître l’importance : « La Conférence est unanime à reconnaître le principe de l’arbitrage obligatoire. » Elle espère que ce principe pourra se traduire un jour par des obligations formelles et juridiques pour tous les Etals du monde civilisé. Elle formule également un vœu unanime en faveur de la réduction générale et proportionnelle des armements el charges militaires qui pèsent si lourdement sur les nations contemporaines.

Quant à la cour permanente d’arbitrage international de La Haye, sa compétence ne s’étendrait qu’aux litiges qui lui seraient librement déférés par les Etats en conflit. L’arbitrage n’était que facultatif. Les puissances contractantes ne prenaient elles-mêmes aucun engagement de recourir à la procédure de médiation ou d’arbitrage. Elles se contentaient de déclarer que la chose leur paraissait atile et désirable et que le recours aux solutions juridiques serait appliqué en tant ijue les circonstances le permettraient. Le fonctionnement des commissions internationales d’enquéten’étailraême prévu que pour les litiges internationaux n’engageant ni l’honneur ni des intérêts essentiels et provenant d’une divergence d’appréciation sur des points de /ait. Evidemment, l’écart était considérable entre la théorie et la pratique, entre la thèse et l’hypothèse.

Comme pour mieux souligner le contraste, la conférence de i()Oj juxtaposait au document consLitutif de la cour permanente d’arbitrage établie à La Haye le projet d’une future Cour de Justice arbitrale, qui serait compétente de plein droit pour évoquer d’ellemême à sa barre chacun des conflits internationaiix dont, une fois pour toutes, la connaissance lui aurait été déférée par stipulation préalable et conlrac-