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ORIGENISME

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de réfléchir, d’analyser el d’organiser sa croyance. Præfat., iii, Koetschau, p. 9 :

Il faut savoir que les saints apùtres, prédicateurs de la foi du Cliiisl, ont sur quelques points enseigné très clairement tout ce qu ils crurent nécessaire à tous, même à ceux qui montraient peu d’empresnenient pour l’acquisilion de la divine science, abandonnant l’analyse de la doctrine il ceux qui mériteraient les dons excellents de l’Esprit et recevraient particulièrement la grflce de la parole de la sagesse et de la science par le même Esprit. Sur d’autres points, ils se bornèrent U énoncer le fait, omettant le comment et le pourquoi, afin de donner aux esprits studieux et épris de sagesse occasion de s’exercer et de faire frncliûèr leurs dons naturels ; à ceux, dis-je, qui se prépareraient à recevoir dignement la sagesse.

Là-dessus, Il entreprend de dresser d’une part le catalogue des vérités delà foi, clairement enseign/es par les Apôtres, d’autre part celui des points c^ la réflexion est appelée à réaliser des progrès. L’un et l’autre catalogue nous présenterait quelques sujets d’ctonnement. Ne nous y arrêtons pas, mais allons de suite jusqu’au bout de l’ouvrage, pour en ressaisir tout le dessein. Les articles de ces deux catalogues y reparaissent constamment, développés et encLevêtrés.

La préoccupation de supplémenter la révélation divine authentique par la recherche scientifique, caractérise l’altitude d’Origène, croyant et penseur. Il n’est pas de croyant ])lus soumisà tout ce qui lui parait porter le cachet delà parole venue d’en haut ; il n’est pas non plus de penseur plus audacieux, là où il croit entrevoir une conquête possible pour le travail de l’intelligence.

Or une série de graves problèmes, suggérés par les contrastes et les conflits de la vertu et du vice, du bonheur et de la souffrance, de l’esprit et de la matière, sollicitait son âme religieuse. Au cours du siècle précédent, la gnose s’était attaquée à ces mêmes problèmes, et avait prétendu les résoudre par des constructions vertigineuses, où quelques matériaux chrétiens se mêlaient à beaucoup de mythologie. La réaction, sobre et sensée avec sainllrénée, se Ut plus inventiveavecOrigène : au christianisme authentique dont il puisaitla formule dans les Écritures, le maître du Didascalée s’avisa de superposer un système nouveau d’hypothèses.’Vingt fois pri^ s et reprises dans tout le Periarclion, avec plus ou’^ noins d’outrance, ces hypothèses peuvent se rameneV aux suivantes :

I" Dieu a créé des esprits ; il les p créés tous égaux ;

2° Les différences qui, de fait existent entre eux, procèdent uniquement de l’usaj’ ; différent qu’ils ont fait (le leur libre arbitre ; 1

3" De la même source procède égalementl’assiciation plus ou moins stable de ces esprits à des corps plus ou moins parfaits : corps élhcrés ou aériens, corps humains, corps plus grossiers encore ; la matière n’a été créée qu’en vue des esprits, soit pour les enchaîner et les assujettir à diverses épreuves, soit tout simplement pour les soutenir dans l’existence ;

4° L’établissement de tel esprit dans un certain degré de perfection ou de déchéance n’a rien de définitif : tous restent essentiellement capables de progrès ou de déclin ; tous peuvent, à travers une longue série d’épreuves, soit s’élever au plus haut, soit tomber au plus bas ;

5" Ces transformations dépassent le cadre du monde présent ; elles s’échelonnent sur une série indéfinie de siècles et de mondes, où les mêmes esprits peuvent remplir successivement les rôles les plusdivers : anges, hommes, démons.

Quel degré de consistance prirent, dans l’esprit d’Origène, ces hypothèses ? Comment un croyant si ferme et un penseur si pénétrant a-t-ilpus’en accom Tome III.

moder ? S’il en percevait l’aboutissement, que penser de son christianisme ? Et s’il ne le percevait pas, que penser de son génie ?

Ces questions, posées de tout temps, ont reçu de tout temps des réponses fort dill’érentes. Chaquesiècle, sans excepter le nôtre, à eusesapologistesd’Origéne, résolus à sauver malgré tout l’auteur du /" « ri’erchon. Chaque siècle aussi a eu ses critiques, acharnés à le flétrir. Il semble qu’Origène ait pris soin de décourager les premiers, en protestant contre l’indiscrétion qui avait livré au public une pensée trop peu mûre pourvoir le jour. Et il semble qu’il ait répondu, en quelque mesure, aux seconds, en se dégageant partiellement, dans ses écrits les plus achevés, du réseau d’hypothèses qu’il avait ourdi dans une heure de fièvre métaphysique.

Dès la première page du Periarchon, il écrivait, Præfat., 11, fCoetschau, p. 8, 27, 28 : « On ne doit tenir pour vérité que ce qui ne s’écarte en rien de la tradition de l’Eglise et des Apôtres. » Celte déclaration, qu’il n’a jamais perdue de vue, permet de réduire à leur juste valeur les rêveries plus ou moins ésotériques auxquelles il eut le tort de s’abandonner.

a. Doctrine sur Dieu. — La doctrine sur Dieu échappe, en grande partie, à ces influences perturbatrices. Au sommet de l’échelle des êtres, Origène reconnaît el adore le Dieu absolument spirituel, un en trois personnes. Il repousse les concepts grossiers que des exégèles maladroits prétendaient avoir puisés dans l’Ecriture même. Si l’Ecriture, pour nousdonner quelque idée de Dieu, recourt à certaines métaphores : lumière, /eu, souffle, nous ne devons pas être dupes de l’image matérielle, mais pénétrer jusqu au sens spirituel que le contexte justifie. D’ailleurs, l’essence divine est au-dessus de toute conception, et les images empruntées aux créatures n’en procurent jamais qu’une idée rudimentaire et lointaine. Il faut éliminer de cette idée toute sorte de composition : Dieu est absolument simple. L’âme se révèle aussi indépendante de la matière en ses opérations propres. C’est pourquoi elle peut approcher de Dieu, d’autant plus qu’elle est plus pure. Dieu est, pur nature, invisible, c’est-à-dire qu’il ne tombe pas sous les yeux du corps : en ce sens, on peut et on doit direque le Fils ne voit pas le Père, que lEspril-Saint ne voit pas le Fils. Néanmoins, les personnes de la Trinité se connaissent d’une connaissance spirituelle, et les cœurs purs ont — proportion gardée — le privilège de voir Dieu.

Immuable en son éternité, mais non pas inactif, car l’inaction répugne à une nature si bienfaisante. Dieu crée incessamment. Que l’on remonte par delà le point initial de ce monde, on rencontre Dieu existant, donc déjà créant. Impuissant à comprendre l’éternité, sinon tl’après le type d’une durée successive, l’auteur du Periarchon se refuse à admettre un commencement absolu dans l’œuvre divine, el le voilà déroulant des séries de mondes à l’iniini.

Océan de lumière inlellecluelle, Dieu est pourtant limité comme puissance de connaître, par suiteaussi comme puissance de produire. La raison qu’Origène en donne est que toute connaissance implique distinction et limitation. Donc, sous peine de ne rien concevoir du tout, Dieu n’a pu concevoir les êtres qu’en nombre fini ; ceux qu’il a conçus, il les a réalisés, mais il n’en pouvait réaliser sans mesure.

Les trois personnes de la Trinité, l’ère. Fils el Saint-Es])rit, sont éternelles. Cette affirmation, maintes fois répétée, suffit à mettre un abîme entre le Créateur et ses œuvres même les plus parfaites. Par ailleurs, Origène insiste volontiers sur la prérogative du Père, seul inengendré ; dans son insistance, il pourrait sembler méconnaître la dignité du

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