Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/626

Cette page n’a pas encore été corrigée

1239

ORIGENISME

1240

l’cpoque du concile et en résume l’histoire en homme qui a les Actes sous les yeux. Il raconte que les higumènes Euloge, Gonon, Cyriaque et Pancrace ayant déposé des mémoires contre l’origénisme, Juslinien saisit le concile de la question, en lui communiquant, outre ces mémoires, la lettre qu’il venait d’adresser à Vigile. Ue ces pièces, il résultait qu’Origène avait mêlé à la pure doctrine des Apôtres la démence des Grecs et des Manichéens. Le synode anatliématisa Origène et réprouva ses adhérents. //. Ë., IV, xxxviii, P. G., LXXXVI, 2, p. 27’j6-2’ ; 77 A. Des témoignages à peine postérieurs, comme celui du chroniqueur latin Victor dr Tun.vuna, établissent que la dillérence mise apparemment par le concile entre la personne d’Origène etcelle desesprincipauxdisciples, yas’oblitérant au vu » siècle ; elle n’existe plus pour saint SoPHRONE DE JÉRUSALEM (634), pour l’empcreur Héra clius et autres. Le concile de Latran, en ô/Jg, efface toutes lesnuanc"S.

Comme pour la sentence de 5^3, la sanction du pape Vigile fut demandée pour la sentence de 553. On a vu plus haut que, d’après les.ctes latins du concile, cette sanction fut obtenue (Mansi, IX, 272 D). Il n’y a pas lieu de révoquer en doute ce témoignage, consigné dans une version latine destinée à faire foi en Occident et où le mensonge, sur un tel fait, pouvait difficilement se glisser. Seulement il y a lieu de remarquer la date de cette sanction papale et d’en préciser la valeur. D’après le propre témoignage des Actes, la sentence contre l’origénisme fut soumise à la sanction papale avant les délibérations sur les Trois chapitres. De là vient sans doute que les successeurs du pape Vigile, Pelage I", Pelage H, saint Grégoire lu Grand mentionnent l’œuvre du V concile sans faire aucune allusion à la condamnation de l’origénisme. Les quinze anathématismes (dont nous admettons l’authenticité) furent présentés au pape Vigile avant la sentence contre les Trois chapitres, et sans doute à un rang inférieur ; cette question, n’ayant pas figure au programme officie ! des délibérations, resta plus ou moins en dehors de l’œuvre ollicielle du concile.

Concluons que le V concile œcuménique, à l’exemple du synode local de 543, s’occupa d’Origène ; qu’il prononça un anathème, atteignant sa doctrine, sa personne et quelques-uns de ses disciples ; que cet anathème reçut la sanction papale ; qu’il fut renouvelé, pendant des siècles, par des conciles œeuméniques et par les papes en la profession de foi de leur sacre.

Quelle en est la portée ? Avant tout, il faut distinguer la question de doctrine et la question de personnes. La question de doctrine est au premier plan, et les personnes ne tombent sous l’anathème que dans la mesure où elles sont supposées adiiérer aux doctrines réprouvées ; ni le V « concile ni ceux qui lui firent écho n’ont prétendu définir qu’Origène avait adhéré à ces doctrines avec un esprit hérétique. Cette observation vaut a fortiori pour les disciples d’Origène, Evagre et Didyme, dont les doctrines seules furent primitivement mises en cause, et dont les personnes ne furent associées à l’anathème qu’ultérieurement, à une date difficile à préciser. Quant aux doctrines, ni l’œuvre du concile local de 543, ni même l’œuvre e.rtraconcilinire dvi concile oecuménique de 553 n’a été transformée en définition de foi proprement dite par le seul fait d’une sanction papale dont la réalité même demeure enveloppée d’obscurité. Quoi qu’il en soit, le V" concile œcuménique a prononcé contre Origène un anathème global et les conciles suivants l’ont répété.

Sur toute cette histoire, nous avons suivi de près le solide et instructif mémoire de Fr. Diekamp, Die

origenistischen Slreitigkeitcn im F/" Jahrhundert und der V" allgaineine Concil. Munster i. VY., 1899. Voir aussi F. Prat, Origine ; le théologien et Vexégéte, p. Li-LX. Paris, 1907.

L’affaire des Trois chapitres semble bien avoir été un coup monté par Théodore Askidas pour conjurer la ruine de l’origénisme. La diversion manqua son but. Au lendemain du décret rendu par le V concile et de son acceptation moralement unanime par l’épiscopat oriental, l’origénisme palestinien avait vécu. Néanmoins les tendances origénistes étaient comprimées plutôt que mortes. L’histoire de leurs multiples renaissances déborde le cadre du présent article. On en trouvera quelques linéaments chez J. Denis, La philosophie d’Origène, ch. x : Origène au VF siècle et jusque dans les temps modernes.

Au regard de la postérité, Origène se présente avec un cortège imposant d’admirateurs. Ce sont, parmi ses disciples immédiats, saint Grégoire Thaumaturge, saint Denys d’Alexandrie, saint Firmilien de Césarée ; puis les évêques Alexandre de Jérusalem et Théoctiste de Césarée en Palestine, qui lui ont conféré le sacerdoce ; des Alexandrins comme Théognoste et Piérius ; plus tard, saint Pamphile martyr, saint Victorin de Pettau, Eusèbe de Césarée ; les grands Cappadociens, saint Basile le Grand et saint Grégoire de Nazianze qui compilrnt la Philocalie, saint Grégoire de Nysse qui s’assimile largement la pensée origéniste, Euzoïus de Césarée, Evagre du Pont ; en Eg}’pte encore, saint Alhanase, saint Isidore de Péluse, Didyme ; ailleurs, Tite de Bostra, Jean de Jérusalem à ses débuts, saint Jean Ghrysostome, saint Théotime de Tomes, Pallade ; des Latins comme saint Hilaire, saint Eusèbe de Verceil et saint Ambroise, qui s’enrichissent de ses dépouilles, Rufin surtout. Les adversaires sont plus rares, dans cette période primitive. On hésite à ranger parmi eux saint Pierre d’Alexandrie ; mais il faut sûrement compter saint Méthode d’Olympe, saint Eustathe d’Antioche, saint Ei)iphane, saint Jérôme, Théophile d’Alexandrie ; puis, aux confins de l’hérésie, Marcel d’Ancyre ; au delà, Aétius, Apollinaire, Théodore de Mopsuestc. « Etrange destinée que la sienne ! 11 s’éteint à Tyr, loin de sa patrie d’adoption, et ne peut pas même jouir en repos de l’exil qu’il s’est choisi. Il arrive aux portes du martyre sans pouvoir en cueillir la palme, comme Hippolyte, comme Lucien, dont le sang a lavé les erreurs. Maître des plus grands docteurs, il n’en a pas lui-même reçu l’auréole, et son nom reste à travers les siècles une pierre de scandale et un signe de contradiction. » F. Prat, Origène, p. xxxix.

IL Doctrines origénistes. — Dans cette exposition, nous prendrons tout d’abord pour guides les deux formulaires de Justinien.

En vain essaierait-onde faire co’incider la doctrine des 15 anathématismes de 553 avec celle des 10 anathématismes de 543. Sur quelques points sans doute il y a coïncidence ; mais sur d’autres, la doctrine flétrie en 553 déborde largement la doctrine flétrie en 543. Les anathématismes de 543 s’adressent, dans l’ensemble, à la doctrine du Periarchon ; ceux de 553 s’adressent à une autre doctrine, non plus immédiatement reçue d’Origène, mais directement puisée aux sources pythagoriciennes et platoniciennes. Avant de descendre au détail, nous montrerons par un tableau synoptique comment les erreurs dites origénistes se trouvent reparties dans cesdeux documents. Elles peuvent se ranger sous dix-sept chefs ; une première colonne contient les références aux anathématismes de 543, une deuxième colonne les références à ceux de 553 ; on voit aussitôt qu’une