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ORDINATIONS ANGLICANES

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Et quand on prétend assimiler le cas de Barlow à celui de Gardiner parce que le Registre archiépiscopal — celui de Warham — ne mentionne pas sa consécration, on oublie qu’en Angleterre on n’a pas plus qu’ailleurs l’habitude d’exposer à tous les hasards le souvenir authentique des actes importants pour l’Eglise ou l’Etat, en le conliant à une seule et unique relation. L’usage est de prescrire pour chacun de ces actes toute une sérif de pièces et d’attestations, qui se supposent les unes les autres ; et ainsi on ne risque guère d’en voir disparaître toute trace, du moins aussi longtemps qu’il reste essentiel de pouvoir établir que le fait a eu lieu. Celle méthode était en usage en Angleterre sous Henri VIII, comme elle le fut toujours avant et après lui. Il nous suffira donc de dresser la liste des documents qui devaient garder à l’histoire la preuve que lîarlow, Gardiner ou tout autre évêque de ce temps avaient ou n’avaient pas été régulièrement nommés et sacrés. Voici la procédure qu’on suivit depuis 1534, date de la séparation d’avec Rome, jusqu’aux innovations introduites sous Edouard VI : lorsque le chapitre cathèdral avait fait savoir que, docile aux injonctions du gouvernement, il avait élu tel ou tel personnage pour son nouvel évêque, la Couronne adressait à l’Archevêque de la Province deux pièces, appelées l’une V Assentiment lioyal (à l'élection du chapitre) et l’autre le Signijicat’it. La première, d’usage fort ancien, avait pour objet d’annoncer à l’Archevêque que l'élection avait eu lieu et qu’il était libre d’accomplir selon la loi de l’Eglise tout ce qui était requis pour installer le nouveau prélat, — comme de con firrær sa nomination, de le sacrer, de l’introniser, etc. Quand au Signi/icavit, d’institution toute récente, c'était une des conséquences de la rupture avec le Saint-Siège. Il commandait à l’Archevêque de confirmer la nomination de l'élu, de le sacrer et de l’introniser dans les snngt jours qui siiifaieni la réception de ce mandat, sous les peines de Præmunire. Le but était de forcer l’Archevêque à accomplir tous ces actes avant qu’il eût eu le temps de recourir à Rome pour obtenir les autorisations prescrites par la loi de l’Eglise catholique, et d’ordinaire ce document mentionnait expressément l'.^cte de Parlement (25 Henri VIII, c. 20) qui en avait établi l’usage. Ces deux pièces devaient ètreconsignées àleur expédition dans les Registres officiels de la Chancellerie, et à leur réception dans le Registre de l’Archevêque. Dans le cas de Barlow, les Registres de la Chancellerie contiennent bien V Assentiment royal pour ses deux nominations successives à Saint-Asaph et à Saint-David ; mais aucune des deux fois il n’est accompagné du Significavit. Or cet Assentiment royal, notons-le, estici comme d’ordinaire conçu en termes extrèmementvagues : « Nous vous signifions ce Royal '< Assentiment, afin que vous puissiez faire ce qui (1 vous regarde en cette matière. » — Les Registres relatent pareillement la confirmation de Barlow au siège de Saint-David, à la date du 2 1 avril 1 536 ; mais, ni vers cette date ni dans la suite, on ne parle de sa consécration, soit dans les Registres de la Chancellerie, soit dans celui de l’Archevêque. — Cette consécration, si elle eut vraiment lieu, dut aussi être portée dans le Registre de l'évêehé de Saint-David ; mais ici nous ne pouvons rien tirer de l’argument du silence, et pour une bonne raison : c’est que Ferrar, successeur de Barlow à ce siège, brfila tous les registres de son Eglise, — sur ordre rojal, nous dit-il, et parce qu’ils étaient contenus dans d’anciens livres liturgiques. Mais comme Ferrar partageait les idées de Barlow, on se demande malgré soi si cet acte de destruction, si inexplicable autrement, n’aurait pas clé précisément destiné à protéger Barlow contre

toute tentative d’enquête indiscrète… Et si l’on voulait objecter que peut-être Barlow a été ordonné ailleurs qu'à Gantorbéry ou par un autre que par Cranmer, il faudrait se rappeler qu’en ce cas le Registre archiépiscopal devrait nous garder le texte de la commission adressée au prélat consécrateur, et que la réception de celle-ci devrait être mentionnée dans le Registre de ce dernier, ainsi que le fait et le lieu de la consécration même. — Enfin il est un autre document encore qui, s’il était conçu dans les formes ordinaires, devrait témoigner de la consécration de Barlow : c’est l’acte qui lui restituait le temporel de son évèché. L’usage était en effet que la Couronne prit possession du temporel pendant la vacance du siège ; mais d’après la loicitéeplusliaut(25 Henri VIII, chap. 20), il pouvait lui être redemandé, et elle le restituait aussitôt après la consécration du nouvel élu. laquelle se trouvait par suite généralement mentionnée dans l’acte de restitution. Or nous allons voir que dans le cas de Barlow cette pièce, bien loin d’attester sa consécration, apporte de nouveaux motifs de la mettre en doute.

Mais notons d’abord en passant que, si le sacre de Gardiner n’est pas mentionné dans le Registre de l’Archevêque ^Varham, il est relaté dans le Registre de Gardiner lui-même à Winchester. El ainsi en est-il de tous les autres. L'évcque Stl’bhs a publié son Jiegistrum sacrum, une intéressante liste de la succession des évoques anglais, tant avant qu’après la Réforme, avec les dates de leurs consécrations et la dérivation de leurs ordres. Grâce aux témoignages qu’il tire de l’une ou de l’autre des sources énumérées ci-dessus, il est en mesure de nous renseigner sur la consécration de chacun de ces prélats, à la seule exception de Barlow. En face de ce nom, il en est réduit à mettre cette simple note : « Voir Haddan sur Bramhall » — c’est-à-dire : voir les annotations de Haddan sur le livre de Bramhall : Consécration and succession of Protestant Bishops justified, 168g. Or dans ces notes Haddan, érudit fort distingué, remarquable pour la diligence et l’exactitude qu’il a mises dans ses recherches, ne peut apporter en faveur de la consécration de Barlow que l’inférence contestable qui se laisse tirer de quelques faits, de celui-ci en particulier que les contemporains considérèrent toujours ce personnage comme un évoque véritable et complet.

Revenons maintenant à la pièce signalée plus haut, et par laquelle Barlow obtint restitution du temporel de Saint-David. Comme nous l’avons indiqué, le Roi voyait dans le temporel des siègesépiscopaux des fiefs de la Couronne, dont celle-ci par suite reprenait possession aussitôt l'évêehé vacant. Les revenus perçus durant cette période de vacance rentraient donc au Trésor ; mais ensuite ils étaient qiielquefois attribués au nouvel élu à titre gracieux, par une pièce qu’on appelait en termes de Chancellerie : cusiodie du temporel. Au reste ceci ne regardait que le temps de la vacance : car, par son installation même, le nouveau prélat acquérait sur son temporel un droit de franc-lief : il n’avait donc plus qu'à le réclamer à la Couronne, qui le lui faisait rendre aussitôt par un de ces actes que la coutume anglaise appelait des Actes de Droit, voulant dire par là que l’intéressé les exigeait en vertu d’un droit strict et qu’on ne pouvait les lui refuser sans injustice. Et comme la loi d’Henri VIII, que nous avons déjà deux fois mentionnée, ne reconnaissait désormais ce droit aux évêques qu’après leur consécration, celle-ci se trouvait d’ordinaire relatée dans l’acte de restitution. Mais au lieu d’un acte de restitution de cette espèce, on rédigea pour Barlow un acte de forme exceptionnelle et jusque-là inouïe, et on le lui donna