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ORDINATIONS ANGLICANES

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parmi les archives du Saint-OfBce —, pour pouvoir resservir au besoin. Mais ordinairement, comme on l’a dil, le Pape ne donne pas ses raisons : il se Itorne à publier la décision qu’elles ont motivée, comptant que, pour la l’aire accepter de ses lils dociles, son autorité suflil. Parfois cependant, pour une raison particulière, le Saint-Siège permet de livrer au public les documents privés qui ont été à la base de sa sentence : tel fut justement le cas pour jilusieurs des pièces qui fondèrent la décision du Saint-Ollice dans l’affaire Gordon en 170^ et dans celle qui l’avait pi' « cédée de quelques années. Tenues secrètes à l'époque laéiue, elles n’ont vu le jour que tout récemment, en 189C, à propos de la nouvelle enquête entreprise à l’instigation de quelques anglicans de marque.

Nous avons analysé plusieurs de ces documents, et en particulier les rapports du cardinal Casanata. Nous savons donc maintenant par témoignage direct, non seulement que le rite même de l’Ordinal d’Edouard VI l’ut jugé invalide — ce qu’on connaissait depuis longtemps, — mais qu’il fut jugé tel parce que la cérémonie de l’imposilion des mains n’y est en aucune manière, ni explicitement ni implicitement, déterminée à signifier les pouvoirs essentiels du sacerdoce ou de l'épiscopat, qui sont le pouvoir de sacrilier et le pouvoir de transmettre à d’autres ce même pouvoir de sacrifier.

A limiter ainsi nos arguments aux seuls documents authentiques, il y avait un réel avantage : c'était établir clairement — et on va le voir mieux encore —, que la position adoptée par le Saint-Siège dès le début de la question des ordinations anglicanes ne varia jamais dans la suite. Quant aux simples théologiens catholiques, anglais et autres, s’il est vrai qu’ils s’intéressèrent toujours à ce problème et qu’ils s’entendirent parfois inviter à justifier contre les défenseurs des ordres anglicans l’attitude de leur Église, il faut se rappeler aussi qu’ils n’avaient pas accès aux archives secrètes du Saint-Office. Ils durent donc suivre la méthode indiquée plus haut : pour expliquer le rejet de ces ordinations, ils se mirent à recueillir de leur mieux les données de l’histoire et à les interpréter à la lumière des principes théologiens communément admis. Méthode excellente, du reste : c'était celle même, ils le savaient, qu’avait suivie le Saint-Oflice pour préparer ses décisions. Mais, ils le savaient aussi, les conclusions auxquelles cette méthode avait conduit le Saint-Office avaient autorité par elles-mêmes, tandis que les leurs ne valaient que ce que valaient leurs raisons.

Un autre point encore mérite notre attention : bien que les origines de la nouvelle succession anglicane remontent au mois de décembre 155g, date de la consécration de l’archevêque Parker à Lambeth, la controverse sur la validité des ordres anglicans n'éclata en Angleterre qu’un demi-siècle plus tard. Le fait s’explique par plusieurs circonstances. Tout d’abord, comme nous avons déjà dit, les catholiques savaient que le rite nouveau avait été déclaré invalide sous le règne de Marie Tudor par le Cardinal Pôle, suivant les directions de Jules UI et de Paul IV, ce qui suffisait à les convaincre de la nullité de ces ordres ; et d’autre part, durant ces premières années du règne d’Elisabeth, les protestants ne soulevaient sur ce point aucune opposition qui put donner naissance à une controverse. C’est que les novateurs n’attachaient aucune importance essentielle au caractère épiscopal et n’y voyaient qu’une dignité utile pour le bon gouvernement de l’Eglise d’Angleterre, si bien qu'à leurs yeux, en cas de pénurie d'évéques consécrateurs protestants, une consécration faite par un simple prêtre eût été suffisante et valide. Déplus, la cérémonie exécutée à Lambeth en assez petit

comité à la fin d’une nuit de décembre, n'était apparemment destinée à être connue du public ni quant à sa substance ni quant à ses détails ; et elle resta certainement ignorée du parti catholique. On en voit un indice dans une passe d’armes entre le controversiste catholique Harding et Jewell, premier évêque anglican de Salisbury, laquelle eut lieu en 1565 et les années suivantes, soit six ans environ après la cérémonie de Lambeth. On trouvera cette discussion dtxnsisxBéfulailun de l’Apologie (de iewell) par Harding, et dans les réponses qu’y opposa Jewell, — ou plus simplement dans Estcourt, qui cite successivement les paroles des deux adversaires (op. Ci(., pp. ugsq.). Harding veut manifestement forcer Jewell à révéler les circonstances de sa consécration, si celle-ci a vraiment eu lieu. Jewell réiilique qu’il est évêque, « par la libre et ordinaire élection de

« l’entier chapitre de Salisburj-, solennellement

a assemblé pour cet objet ». « Nos évêques, ajoute « t-il, sont institués en leur ordre et forme, comme

« ils ont toujours été, par libre élection des chapitres, 
« par consécration de l’Archevêque et de trois autres

o évêques, et par l’agrément du Prince. » Mais Harding insiste : « Et comment, je vous prie, a été con- ^

« sacré votre Archevêque ? (Jui étaient les trois
« évêques du royaume qui furent là pour lui impo « serlesm"îrtns ? 'Vous avez présentement porté contre
« vous-mêmes une charge plus lourde que celle qui
« avait été alléguée d’abord. Car votre métropoli « tain lui-même n’a pas eu de consécration légitime. » 

— A cet argument, Jewell, qui cependant continua la controverse, ne fit aucune réponse : signe évident qu’il n’en avait pas de satisfaisante à présenter. Il connaissait bien, sans aucun doute, l’histoire de la cérémonie de Lambeth : mais il se rendait compte qu’il valait mieux ne pas attirer l’attention du public sur quelques-unes de ses circonstances.

La légende de la Tête de cheval. — Il n’y a pas à s'étonner que ce mystère, dont les chefs du protestantisme enveloppaient la source toute proche (le leur hiérarchie, ait aidé les catholiques à se persuader qu’il n’y avait eu à l’origine de celle-ci aucune cérémonie de consécration épiscopale sincèrement accomplie. Ainsi s’accrédita une légende, qui, si elle ne parut que quelques années plus lard dans les controverses écrites, circula parmi les catholiques presque dès les premiers temps, et qu’il nous faut ici rapporter sommairement, en raison de la place qu’elle occupe dans l’histoire de notre question. C’est ce qu’on appelle la légende de la Tête de clieyal. Voici la version qu’en donne AntoineCuampnry dans son De Vocatione Ministrorum, publié à Douai en 1616 (p. ^97).

Au début du règne d’Elisabeth, quand les évêques catholiques eurent été déposés el jetés en prison…, il devint nécessaire d’en créer d’autres jiour les installer en leur place. Ceux qui avaient été nommés et élus à cette dignité s’entendirent pour se rencontrer en une certaine liûtelleiie sise dans la rue appelée Cheapside, à Londres (et dont l’enseigne était une lètc de cheval). L'ééque de Llandafi' [c’est-à-dire Kitchen, le seul évêque catholique qui oiU consenti è prêter le serment de suprématie royale sur l’ordre d’Elisabeth], homme simple et timide, avancé en âge et tout décrépit, y avait été mandé. Les nouveaux candidats comptaient bien être ordonnés par lui, mais Bonner, l'évêque de Londres, nlors en ]irison poui- la foi, eut vent de ce qui se préparait, et il le fit menacer d’excommunication s’il osait accomplir une telle céi-émonie. Terrifié à cette nouvelle, peut-être aussi intéiieurement touché par les remords de sa conscience, Kitchen recula, et mit en avant la faiblesse de sa vue, )iour se refuser à faire l’imposition des mains. Ainsi frustrés dans