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ORDINATIONS ANGLICANES

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à la Reine d’alléguer la plénitude de son royal pouvoir et de dispenser de l’observation de ces règles. Cet avis fut approuvé par la Couronne et la consécralion finit par se faire. Elle eut lieu le 17 décembre 155g, dans la chapelle du palais archiépiscopal de Lnmbetli, à une heure singulière et où l’affluence du public n'était guère à craindre : 5 lieures du matin. On a même élevé des doutes sur le fait lui-même, et contesté qu’il ait jamais eu lieu. Le mystère qui l’entoura — car on n’appela sur lui l’attention générale que bien des années après — prêtait quelque fondement à ce soupçon.

Les ordres de cette nouvelle lignée épiscopale dérivent tous de l’archevêque Parker. — Ainsi consacré selon le rite anglican par le ministère de Barlow, de Scory, de Coverdale et de Hoilgkins — qui, nous dit le Registre, lui imposèrent loiis les mains et récitèrent ensemble les mots : « Reçois le Sainl-Esjtrit, etc. », Parker consacra, ffuatre jours plus tard, quatre nouveaux évêques à Bow Church de Cheapside. Cette église, qui formait dans le diocèse de Londres une enclave relevant de l’archevêque de Cantorbéry, servait souvent pour les cérémonies où devait s’exercer la juridiction archiépiscopale. Les quatre nouveaux évêques, respectivement destinés anx diocèses de Londres, d’Ely, de Bangor et de Worcester, étaient Edmond Grindal, Richard Cox, Roland Meyrick et Edwin Sandys. Le a i janvier, quatre autres évêques furent consacrés pour d’autres sièges vacants, puis trois le 24 mars, un le i^ juillet, un le I"' se[>tembre, — tous par l’archevêque Parker. C’est donc, sans aucune contestation, de lui et du sacre accompli à Lambeth le 17 décenilire 155g que les prélats anglicans de la première génération tinrent les pouvoirs qu’ils devaient transmettre à leurs successeurs. Et par suite il est vrai de dire que toute la série des pasteurs de l’Eglise d’Angleterre, depuis le temps d’Elisabeth jusqu'à nos jours, garde ou ne garde pas le caractère du sacerdoce chrétien, selon que le rite posé par Barlow et ses collègues en ce matin do décembre, dans la chapelle de Lambeth, a été etlicace ou non.

Voilà donc, en son essence, le problème des ordres anglicans. L’Ordinal employé pour cette cérémonie — c'était, ne l’oublions pas, l’Ordinal d’Edouard VI, dont nous avons examiné la nature — fournissait-il une forme d’ordination valide ? et le consécrateur de Parker était-il lui-même un évêque validement consacré? Si à la première de ces deux questions on doit répondre négativement, la seconde devient superllue, puisque l’Ordinal d’Edouard VI a été depuis ce temps le seul en usage dans l’Eglise d’Angleterre. Si au contraire on concluait que ce rite, en lui-même, est valide, il deviendrait absolument capital, pour qui veut juger de la succession anglicane, de déterminer si Barlow, l’homme de qui dérive, par l’intermédiaire de Parker, toute la hiérarchie nouvelle, était vraiment évêque ou non.

Rejet formel et absolu de ces ordres par le Saint-Siège sous Marie Tudor. — Après avoir ainsi défini le problème, voyons d’abord quelle a été, à l'égard de ces ordres anglicans, l’attitude des autorités ecclésiastiques. Sur ce point, il n’y a place pour aucun doute : dès le début. les chefs de l’Eglise c.itholique regardèrent ces ordres comme invalides et nuls. Pour le temps du règne de Marie, nous avons déjà eu l’occasion de le noter en passant, à propos de In déposition de quelques évêques d’Edouard VI (voir plus haut, col. 1 186-7) ; mais il nous faut maintenant citer les documents authentiques qui fomlèrent la pratique universelle de réordonner sans condition tous les

ecclésiastiques anglicans convertis, que l’Eglise catholique aduiettait au service de ses autels. Nous n’aurons pour cela qu'à transcrire un long extrait de la VinJication, lettre adressée en 1898 aux archevêques anglicans (Temple et Maclagan) par le cardinal Vauuhan et les évêques catholiques d’Angleterre pour défendre la bulle Apostulkæ ciiræ contre les conceptions erronées que s’en étaient formées les prélats protestants et qui s'étaient révélées dans leur critique intitulée : liespoiisio Archiepiscoporuni Ani ; Uæ ad lileras apoxlolicas f.eonis Papæ XIIl de uidinationibus Anglicanis.

Pour nous renseigner sur le merle de reconciliation adopté sous la reine Marie, il existe une série doctes authentiques où, entre autres choses, se trouve clairement exposée la conduite à tenir louchant les ordres anglicans ; et c’est à ces documenta que Lé, on XIIl a fait allusion. Cette série comprend : (1) la lettre Je Jules III {Dudum duîn charissima) au Cardinal Pôle, datée du 8 mors 1.054, el qui cite les termes d’une lettre antérieure, datée du 5 août Xhâ'i, pour renouveler et élargir les pouvoirs qu’elle concédait ; (2) une collection de lettres de Pôle à ses suffragants, où il leur délègue une partie desdits pouvoirs : un passage d’une de ces lettres adressée à l'évéque de Norwich figure dans la bulle Apnslolicae curne ; (3) la bulle de Paul IV [Piæclaru charissimi), du "20 juin 1555, dans laquelle le Pape, répondant à une consultation de Pôle, ratifie l’usage fait de leurs pouvoirs par le cardinal et ses suifragants et prend leurs actes à son propre compte ; (4)e bTei(Reffimini unifersalis) an même pontife, daté du 30 octobre 155.">, et où il corrige un malentendu né à propos d une phrase de la bulle Præclara charissimi^ précisément sur la question des oi’dres d Edouard VI. A ces quatre documents on peut en ajouter un autre, bien qu’il ne soit pas ineutionné dans la récente bulle : il a été découvert dans les archives du Vatican (le texte en est donné dans l’ouvrage du P. Brandi, Rnmc et Cantorbéry, p. 236) et renferme un sommaire des concessions que Pôle désirait voir ratifiées dans la bulle Præclara charissimi : or il se trouve que ladite bulle y est conforme de tous points…

'oici ce que nous rencontrons dans ces divers documents : (1) La lettre papale du 8 mars 1554, dans la citation qu’elle l’ait de la lettre précédente (du 5 août 1553), partage en deux catégories les ministres qui, de fait, accomplissaient alors en Angleterre les fonctions du culte : « Ceux qui avaient été régulièrement et légi « limement (rite et légitime] promus 00 ordonnés avant (( de tomber en cette sorte d’hérésie » et « ceux qui n’avaient

« pas été promus ». Les premiers pourraient exercer leurs

ordres, pourvu qu’ils fussent dûment relevés des censures encourues ; les autres devaient recevoir tous les ordres, y comprisla prêtrise, si on les en jugeait capables et dignes.

(2) La fin de cette même lettre du 8 mars, faisant manifestement allusion àceuxqui ont été qualifiés de « non promus », en parle comme de sujets ayant besoin de dispenses « quant

« aux ordres qu’ils n’ont jamais reçu.s ou qu’ils ont mal
« reçus (// « nr/uam ai^^ ma^e), ou quant au don de lacoDsécration qu’ils ont i eçu peu régulièrement [minus rite) et
« sans l’obserfalion de la forme accoutumée dans V Eglise ».

(3) La lettre de Pôle à l'évéque de Norwich lui donne le pouvoir de permettre l’exercice de leurs ordr-es, — après absolution de leurs censures ^ « même aux sujets onlon « nés par des évoques hérétiques et schismatiqnes, malgré

« que leur ordination se soit faite peu régulièrement

IX [minus rite), pourvu que la forme et l’intention de ({ l’Eglise aient été gardées » dans l’administration de ces ordres. (4) La bulle Præclara charissimi ne se borne pas à confirmer et à approuver pleinement tous les actes de Pôle — ce qui inclut déjà la direction par lui donnée de considérer comme « n’ayant jamais été reçus » les ordres conférés dans une autre forme ou intention que « la

« forme et l’intention de l’Eglise » ; le pape y ajoute prudemment une nouvelle restriction afin d’exclure une autre

source possible d’invalidité que Pôle n’a pas directement spécifiée dans ses recommandations à ses suffragants ; c’e-'t que « si quelqu’un avait « té promu par l’usage d’un

« rite valide en soi. mais par le ministère d’un évoque ou
« archevêque « [uî lui-même n’aurait pas été <ltUnent et

a correctement ordonné », son ordination devrait pareille-