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ORDINATION

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et dogmaticus de sacrl uidinationibus, i).UÏ, exeTe.'j, 0. 6 ; n. 2 (Paris, 1655). Elle nous paraît renfermer la seule justilication possible de l’indul^'ence témoignée par l’Eglise aux doctrines, autrement irréconciliables, qui se font concurrence quant au sacrement de l’Ordre. Effectivement irréconciliables du point de vue de la matière et de la forme entendues au sens le plus matériel, ces doctrines pourraient se réconcilier dans l’unité supérieure de l’institution du Christ.

Ou’on veuille bien l’observer : la théologie sacramentaire, 1res ample et très souple, vers laquelle nous nous voyons orienlé par des considérations d’ordre général, n’a aucune connexion nécessaire avec une conception p.Trticulière des faits dogmatiques relatifs à l’histoire du sacrement de l’Ordre, mais se prête à les encadrer tous. Aussi est-ce avec une entière liberté d’esprit que nous abordons l'étude de ces faits. A se conduire sur le terrain historique par raisons d’histoire et sur le terrain dogmatique par raisons de dogme, on évite bien des conllits entre le dogme et l’histoire.

L'étude du décret de Florence vient d'être renouvelée par trois remarquables articles du R. P. J. du Sdibert, /.e Décret du concile de Florence ; sa valeur dogmatique : dans Bulletin de Littérature ecclésiastique, iqiçj, pp. Si-gS ; 160-162 ; 190-215. Désormais nous voyons plus clair dans les relations entre Rome et l’Arménie au xiv' et au xv' siècle ; en particulier, nous savons le rôle capital tenu dans ces relations par la congrégation arménienne des Frères unis, fondée vers 1330 par le Frère prêcheur Barthélémy le Petit et le Vartabed Jean de Iverna, sous la règle dominicaine, et passée en 1356 sous l’obédience du Maître général des Frères prêcheurs, à la manière d’un tiers ordre régulier. Le P. de Guibert se rencontre avec le cardinal Van Rossum sur le terrain historique pour constater d’une part le caractère dogmatique du décret, d’autre part l’absence des caractères essentiels à un décret infaillible. Par ailleurs, il se sépare du cardinal sur le terrain théologique, dans l’application du décret au sacrement de l’Ordre. Car il croit ix)uvoir sauver en fait le texte du décret de Florence, et plutôt que d’y reconnaître une erreur subjective, il conclut à un tlolterænt de

! a réalité objective. En d’autres termes, il admet que

l’essence du sacrement a varié ; que le décret en licinne la formule exacte, relativement à la date de sa promulgation ; et il se rallie à la troisième des solutions exposées col. i iiJS. Sur ce terrain, nous ne le suivrons pas, pour diverses raisons, dont la première est qu'à notre avis une telle solution manque précisément le but en vue duquel on l’a inventée. Ce ïiut était de donner satisfaction au décret de Florence. Or ce décret, aussi bien que l’opuscule de saint Thomas d’où il procède, prétend bien énoncer autre chose qu’une vérité relative, fraîchement acclimatée dans l’Eglise, en des conditions de temps et de lieu impossibles à déGnir avec précision. Ce qu’il prétend énoncer, c’est la vérité absolue, sans aucune limitation de temps ni de lieu, selon l’institution du Christ ; on ne lui donnera pas satisfaction à moins de l’entendre ainsi ; et après avoir peiné pour sauver une formule que d’ailleurs on ne croit pas infaillible, on risque de perdre le bénéûce d’un tel effort. Au .lemeurant, nous ne pouvons que souscrire aux revendications en faveur du pouvoir que l’Eglise possède sur le rite du sacrement.

Conclusion. — Si nous avons cru devoir plaider, en tout désintéressement, la possibilité théorique d’une intervention de l’Eglise modiliant, au cours les siècles, le rite essentiel du sacrement, nous ne son geons pas, pour autant, à ébranler la thèse maîtresse du cardinal, touchant l’imposition des mains, seul rite essentiel, dans tous les temps et tous les lieux, du sacrement de l’Ordre. C’est qu'à notre avis les solutions les plus siuiples ont souvent chance d'être les plus vraies, et qu’en abandonnant celle-ci, on se lance dans des complications inextricables. En effet, on se condamne à admettre que, tandis que l’essence du sacrement de l’Ordre demeurait, pour la plupart des Eglises orientales, ce qu’elle avait été pour toutes les Eglises dès le temps des Apôtres, elle est devenue autre pour l’Eglise latine, et à sa suite pour l’Eglise arménienne, à une date relativement récente, date d’ailleurs impossible à préciser, mais qu’il faut situer aux abords du xii" siècle ; qu’un si grand changement s’est accompli non par voie d’autorité, mais par voie d’inflltration lente, et qu’il était consommé depuis environ deux siècles avant d'être consacré par le décret du concile de Florence ; qu’en donnant acte aux seuls Arméniens d’un si grand changement, l’Eglise n’a eu nul souci de le notilier pareillement aux Occidentaux, qui étaient les premiers intéressés ; qu’elle avait subi ce changement sans en prendre conscience, et qu’après l’avoir consacré par le décret aux Arméniens, elle est restée indifférente à la réaction qui, depuis le xviF siècle surtout, s’est prononcée contre le décret de Florence.

Au cours de ce travail d’infiltration, qui ne s’est pas accompli partout à la même date, mais a réclamé des siècles, que penser de l’essence du sacrement dans l’Eglise latine ? Etait-elle une ou double ? Demeurait-elle à la merci des initiatives individuelles ? Ce système paraît absolument impensable. On ne s’arrêtera pas à l’idée que deux vérités distinctes aient pu coexister et se conipénétrer dans un enchevêtrement inextricable. Rien ne saurait être plus contraire au texte de Florence, qui ne prétend pas innover, mais bien constater ce qui existe, et ne soupçonne rien d’une telle complication.

Concluons, avec le cardinal Van Rossum, que l’opinion qui reconnaît dans l’imposition des mains le rite traditionnel et seul essentiel de l’ordination sacerdotale, offre le meilleur terrain pour exposer sur ce point la doctrine et justifier la discipline de l’Eglise.

II Les Réordinations

Cette matière confuse offre un vaste champ aux attaques du rationalisme qui se plait à relever des contradictions dans le passé de l’Eglise catholique. L'étude en a été amorcée, au xvi= siècle, par BaroNius ; poussée plus loin par J. Mobin, Commeniarius de sacris ordinationibus secundum antiquos et recentiores Latines, Græcos, et Babylonios, Paris, 1655, avec une tendance excessive à la simplification ; reprise de nos jours par HergenroeTHER, Die Reordinationen der alten Kirche, dans Œsierreichisclie Vierteljaliresschrift fur Katholische Théologie, t. I, 18C2 ; par Doellinger, dans son Janus (1869 ; réédition de 1892, p. ll^oll^i), qui exagère la fixité de la tradition ecclésiastique louchant la validité de l’ordination indépendamment de la qualité du ministre ; par le P. Michæl, S. J., dans un sens opposé à Doellinger, Zeitschrift f. katliol. Théologie, 18g3 ; par le protestant C. Mirbt, Die Publizistik im Zeitalter Gregors Vil, Leipzig, 1894. On doit à l’abbé L. Saltet une monographie savante, qui dispense de recourir aux travaux antérieurs. Les Réordinations, Etude sur le sacrement de l’Ordre, Paris, 1907, 8", vui-420 pages.