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ORDINATION

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les livres liturgiques du x' el du xie siècle.Auxne siècle, elle se rencontre dans un Ponlilical de Reims, non pas comme partie inlé[, 'rante du texte, mais en marge et d’une main postérieure. Encore n’y occupel-elle pas la place où elle devait plus tard aboutir, maiselle vient aussitôt après la tradition des instruments. C’est encore à cette même place qu’on la trouve dans les Pontilicaux de Bari au xiii » siècle, d’Arles au xiv, de Senlis au xv', de Rouen au xvi « . Très insliuclif est le Ponlilical du Collège de Foix, au xiii'e siècle : il mentionne cette imposition des mains comme usitée dans certaines Eglises, mais ajoute expressément que l’Eglise de Rome n’est pas du nombre ; que, là où se fait cette imposition des mains, elle n’est accompagnée d’aucune formule prononcée par l’cvêque ; seuls, les prêtres assistants disent : « Reçois le Saint-Esprit… Enlin elle atteint la place où nous la voyons aujourd’hui lixée, dans les Pontilicaux de Sens, au xilie siècle ; de Rouen, de Metz, de Noyon au xiv' ; d’Angers et de Paris au xv', el dans un Pontifical de la bibliothèque vaticane, appartenant à la même période. Tel auteur paraît la mentionner dès le xi » ou le xiic siècle, mais sa dilluslon proprement dite n’est pas antérieure au xiii*. Et il faut descendre jusqu’au -niv pour la voir prise en considéralion par les auteurs qui décrivent l’essence de l’ordination sacerdotale.

L’importance de ces constatations historiques ne saurait échapper à personne. El le lecteur soupçonne peul-ètie déjà que les divergences d’opinions signalées au début de ce travail ne se seraient pas produites si le véritable étal de la tradition chrétienne n’avait jamais été perdu de vue.

ni. Discussion théologique. — Ici la question théologique se pose dans toute son acuité. Il faut nécessairement opter entre la tradition immémoriale de toutes les Eglises et une doctrine née, ce semble, au Xe siècle, adoptée au xii » et au xui » par plusieurs grands scolastiques, appuyée au xiv « et au xv" par les documents du Saint-Siège destinés aux Arméniens, par ailleurs sans appui dans la tradition ; à moins qu’on n’espère les concilier, ce qui ne va pas sans dilUcullés sérieuses. Avant de passer outre, remarquons, avec le cardinal Van Rossum, la position fausse des théologiens qui ont cru pouvoir faire la pari du décret aux Arméniens en préconisant des solutions éclectiques. Car ce que le décret aux Arméniens prétend désigner en termes fort clairs, ce n’est pas un élément essentiel de l’ordination sacerdotale, mais le tout de cette ordination ; dès lors qu’on y reconnaît un document du magistère infaillible, il n’y a plus, semble-t-il, qu’une solution catholique : celle qui consiste à faire table rase de toute la tradition antécédente pour s’en tenir à l’essence du sacrement de l’Ordre telle qu’elle est assignée par ce décret, en termes exclusifs de tout autre élément. Geste assurément très hardi.

Il serait puéril de contester que le Concile de Florence ait eu en vue la matière et la forme du sacrement de l’Ordre, telles que les entendait communément l’Ecole. Il ne procède pas pour ce sacrement autrement que pour les autres, mais suit pas à pas saint riiomas qui, dans son opuscule sur les Siicremeiils, ie /'A'^iise, assigne, conformément au langage reçu dans l’Ecole, la matière et la forme de chaque sacrement. Le cardinal Yan Rossum écarte avec grande raison cette argutie, el se demande : existet-il des raisons de révoquer en doute le caractère infaillible de l’enseignement donné par Eugène IV aux .arméniens ? Il n’hésite pas à répondre : non seulement le doute est permis, mais la négation s’impose.

Les raisons veulent être soigneusement pesées.

I. On doit avoir égard d’abord à l’attitude de l’Eglise, qui n’a pas coutume d’abandonner aux disputes des hommes ses délinitions de foi, mais les maintient, les renouvelle, les défend contre tout retour offensif de l’opinion adverse. Rien de tel ne s’est produit, depuis plus de cinq siècles, dans le cas du décret aux Arméniens. Le Saint-Siège paraît s’en être désintéressé, en laissant aux théologiens toute liberté d’opiner à l’enconlre, dans la question de l’Ordre.

II. On doit encore avoir égard à l’altitude générale de l’Eglise envers les rites orientaux. Elle n’a jamais élevé aucun doute contre leur légitimité ni contre la validité des sacrements conférés selon ces rites. Les prêtres grecs, syriaques, coptes, ordonnés par la seule imposition des mains, sont tenus pour aussi sûrement ordonnés que les prêtres latins el arméniens, ordonnés avec la tradition des instruments. Donc, d’après la croyance de l’Eglise, il faut tout au moins allirmer que la tradition des instruments n’est pas de nécessité universelle.

m. Non seulement l’Eglise n’a pas maintenu envers et contre tous l’enseignement du décret aux Arméniens sur les sacrements, mais plusieurs Papes y ont formellement dérogé.

C’est Clément VllI, dans son Instruction sur les rites l^es Italo-grecs, du 30 août 15y5, autorisant l’emploi, pour le rite de l’exlrème-onction, de l’huile bénie par un simple prêtre, alors que le décret aux Arméniens requiert la bénédiction de l'évêquc.

C’est Itenoît XIV, qui, dans son traité célèbre Du Synode diocésain, tout en se défendant de porter un jugement dogmatique sur la controverse pendante, se montre pourtant nettement favorable à la thèse qui admet, comme rite essentiel de l’ordination sacerdotale, la seule imposition des mains. — Le cardinal Lambertini composa cet écrit avanl son élévation au souverain ponlilical ; mais le pape Benoit XIV ne l’a pas désavoué.

C’est Léon XIII, dans la Constitution Apostolicae cnræ du 30 septembre 1896, prononçant au sujet des ordinations anglicanes une sentence dogmatique, où il appuie la déclaration de nullité sur le seul vice de la formule jointe à rimposition des mains, sans faire aucune allusion à la tradition des instruments.

De tels actes commentent éioquemrænt la pensée du Saint-Siège au sujet du décret aux Arméniens.

IV. Un peu plus de cent ans après le concile de Florence, le concile de Trente eut à reviser la doctrine des sacrements. Il déclare en passant, à propos de l’exlrème-onction (sess. xiv, cap. 3), que les ministres de ce sacrement sont, ou bien les évêques, ou bien les prêtres qu’ils ont ordonnés par l’imposition des mains. Traitant er professa du sacrement de l’Ordre, il rappelle (sess. xxni, cap. a et 3) que la distinction des prêtres et des diacres est fondée sur l’Ecriture. Or, ni pour les prêtres, ni pour les diacres, 1 Ecriture ne mentionne aucune tradition d’instruments. Le même concile caractérise la grâce propre du sacrement de l’Ordre, comme conférée, selon l’enseignement de saint Paul, par l’imposition des mains.

V. La teneur même du décret aux Arméniens nous éclaire sur sa portée. X la dernière page, le pape énumère les diverses dispositions du Concile, proposées à l’acceptation des Arméniens : capitula, dectnrationes, diffiiiitiones, pruecepta.staïuia. oninisque doctrina. Dans cette énumération, les termes ne sont pas synonymes. Di/finitiones coiwienthien pour désigner le symbole de Nicée avec les délinitions de Chalcédoine et de Nicée, expressément incorporés à l’enseignement de Florence. Les autres chefs en sont distincts, el la désignation générale de doctrina