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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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Niebeluugen (Brunhild et Sigfried) ni dans les Eddas (Nana ellSalder). Kien d’étunnanl à ce iju’il en soit ainsi, puisque le mort ne dispose dans l’autre monde que de ce qu’il a emporte avec lui de celui-ci. Aujourd’hui encore, en Allemagne, cette croyance se manifeste de manière naïve : dans la Ijiére du défunt, les Souabes mettent des sal)ots, et les paysans du Voigtland et de l’Erzgebirge desgaloches en caoutchouc et un parapluie.

La Valholl, la demeure de Hel, la déesse de la mort,e » l primitivement l’endroit où séjournent les défunts. Chez les Scandinaves, la ValhuU germanique se transforme : tandis que la mort, ou Héla, gouverne dans les régions inférieures neuf mondes ditférenls, la Walhalla est une demeure céleste spécialement réservée aux guerriers. Dans ce palais des Ases, viennent se grouper autour d’Odin les héros tombés dans les batailles, amenés jusqu’à la « salle d’honneur » par les Valkyries, qui les y servent.

Ce sont là des faits siguilicalifs, des preuves manifestes de la croyance des anciens peuples germanoscandinaves à une vie d’outre-torabe ; voici d’autres faits, plus significatifs encore : la croyance populaire aux spectres, aux revenants, qui sont le plus souvent hostiles aux hommes elsoiit des esprits d’oppression (Mare, Alp, 2’rude, etc.), et la croyance aux vampires. Tenons compte également de l’armée d’esprits qui passe en hurlant lorsque la lempête fait rage ; tenons compte de ces « douze nuits « — de Noël à l’Epiphanie — où les esprits sont lâchés à travers le monde, durant le temps de l’année où les jours sont le plus courts, et des nuits de la Walpurgis (imai), de la Saint-Jean (ili juin) et de la Saint-Martin (n novembre). Ne négligeons pas non plus la croyance au « Chasseur-sauvage » (</er ll’itJe Jà^er) et tant d’autres qui survivront encore longtemps dans la superstition populaire comme autant de souvenirs du temps où, alors que toute la nature était divinisée, personne ne mettait en doute une existence plus ou moins matérielle des défunts audelà du tombeau.

7. Idées cosmogoniques des Germano-Scandinavea. . — Nous en aurions fini avec l’étude des religions germaniques et Scandinaves s’il ne restait à dire quelques mots des i<lées cosmogoniques de ceux qui professaient ces religions.

C’est dans la Vulii.iiia, la prophétie de Vala (la Voj’ante), un très important, mais non pas très ancien morceau de l’Ediia poétique, qu’il faut aller chercher les idées des Scandinaves en ces matières. Ce poème, qui n’est pas antérieur au x" siècle et qui est peut-être postérieur, résume et systématise des notions éparses dans les chants qui l’ont précédé ; il traite de l’origine des choses, de la mort de Balder el de la (in du monde. Bien qu’il contienne, tout au moins dans son tableau de la destruction universelle, des traits indubitablement chrétiens, c’est là que sont le mieux exposées les croyances des Scandinaves (et peut-être même des Germaniques ; cf. les Niehelu/i^eii) sur ces sujets. Voici comment ces croyances peuvent se résumer.

Au début des temps, le monde actuel n’existait pas, et rien ne permettait de présumer qu’il diit naître un jour. C’était l’abîme, l’abîme sans fond, sans herbe, sans semence, et deux régions distinctes : au Nord, le ténébreux Niflheim, au Sud le brûlant Muspellsheim, séparés par un grand goull’re, le Ginnungagap. Là aboutissaient les douze lleuves qui coulaient, à travers les ténèbres du Nillheim, du mur de Hveigelmer ; là une eau empoisonnée se changeait en glace et en frimas. Là aussi arrivaient des étincelles parties de la région du feu, du Muspellsheira, et ces élinceUes faisaient fondre la glæe elles frimas formés

dans le Ginnungagap par les eaux venues du Nillheim,

Or les gouttes ainsi liquéfiées furent viviliées ; elles formèrent un géant, Ymer, qui donna naissance à une liguée de géants. Délies aussi provint peu après une vache, Audhumla, des pis de laquelle coulèrent quatre fleuves de lait qui nourrirent le géant Ymer…l’our se nourrir elle-même, Audhumla léchait des pierres couvertes de givre et de sel.

Or voici qu’en trois jours, des pierres ainsi léchées par Audhumla, naquit un homme, Buri, dont le (ils, Borr, épousa une géante et engendra lui-même Odin, Viliet Vei. Ceux-ci tuèrent Ymer, et les flots de -iang coulanl de ses blessures en noyèrent tous ses descendants, sauf un. Traînant ensuite le cadavre du géant, Odin, Vili et Véi le placèrent en plein abîme du Ginnungagap, entre Nillheim et Muspellsheim, et créèrent le monde actuel, et la teri’e, et la nier, cl le tirmamenl. La chair d’Ymer devint la terre ; ses os formèrent les montagnes, ses dents et des fragments d’os brisés les cailloux et les pierres, ses cheveux les arbres et lair. Le crâne du géant, placé au-dessus de la terre, forma le lirmament, que durent soutenir quatre nains postés aux quatre coins du ciel, et de la cervelle de ce même géant, jetée dans l’air, les lils delîorr tirent les nuées [lésantes. (Juant à la mer qui, de ses eaux, entoure la terre ronde, elle a été constituée par le sang jailli des blessures d’Ymer. Enlin, des sourcils du géant, ses meurtriers firent une sorte de rempart, Midgard, le séjour du milieu. Pour compléler leur œuvre, Odin, Vili et Véi utilisèrent des étincelles volées hors du Muspellsheim et les transformèrent en étoiles qu’ils placèrent dans le ciel et dont ils fixèrent la place et réglèrent la marche, comme celles du soleil et de la lune. Ainsi fut éclairé le monde.

Mais cela ne suP.isait pas encore. Déjà les Dis de Bôrr avaient placé un nain sous chacun des quatre coins du Ciel ; ils en établirent d’autres sous la terre et dans les rochers, en dotant d’un esprit et de formes humaines les vers qui s’étaient formés dans les chairs corrompues d’Ymer. Entin, de deux troncs d’arbres (un frêne et un aulne) rencontrés au cours d’une promenade sur les bords de la mer, ils créèrent le premier cou|ile humain, Asker et Embla… C’est d’eux que descendent tous les hommes qui habitent dans l’enceinte de Midgard.

Est-il besoin de montrer combien, dans ce récit de la création, se trouvent de traces de la littérature classique, de l’influence chrétienne ou encore de l’imagination des lettrés et des poètes islandais ? Est-il besoin d’y souligner le rôle du personnage importé en Scandinavie qu’est Odin ? On y relève cependant, sans aucun doute, des restes de croyances primitives. A déterminer ces vestiges avec le plus d’exactitude possible, plusieurs savants se sont essayés, durant les dernières années du xix" siècle, avec un réel succès, mais sans avoir encore beaucoup avani’é la tâche.

Plus apparentes encore sont les induences chrétiennes dans le récit de la Qn du monde que contient la Voluspa.

A l’époque marquée, les puissances ténébreuses, comprimées pendant tout un temps, recouvreront leur pouvoir et reprendront leur lutte contre les dieux. Tandis que le chien des enfers brise ses chaînes, que le loup Fenns fait de même, que le serpent qui entoure Midgard de ses anneaux dresse contre le ciel une tête menaçante, le père des deux derniers de ces monslres, Loki, arrive du Nord avec une troupe de géants, les descendants de l’unique survivant de la race d’Y’mer ; en même temps, le Seigneur du royaume du Feu, du Muspellsheim (Sui-tur est son