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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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en Scandinavie qu’en Germanie, Mais, dans l’ensemble, les croyances ont été les mêmes. Au cours des siècles, Germains etScandinaves ont développé, enrichi ce fond de toutes les manières, comme les y poussaient leur nature, le milieu dans lequel ils vivaient et leurs tendances particulières, et ils sont arrivés ainsi à donnera leurs divinités quelques diirérences de rôle et de personnalité.

5. Le culte. — De même, autant qu’on peut s’en rendre compte, la manière d’honorer les dieux n’a pas été, dans la plupart des cas, très dilTérenle en Germanie et en Scandinavie.

C’est un témoignage négatif, mais formel, que le De Monl/us Gerinanorum fournit sur l’absence de représentation de leurs divinités par les Germains contemporains de Tacite : « Ils ne croient pas que la majesté des dieux permette de leur attribuer aucun des traits des mortels ; neque in ullam huinnni orix speciem assimilnre, e.i mapiitudinc cælestiiiiii urbitrantur. » Et l’historien latin ajoute, ce qui est très digne d’attention : « ils apidiquent le nom de dieux à ce que les seuls yeux de la foi leur font voir ; denrum nominilias appellaiU secretiim illiid quod sola reverentia vident ». On trouve une confirmation de ces très remarquables paroles dans le passage où Tacite parle du culte rendu par sept tribus germaniques kNerthus, id est Terra Matfr,

Dans un bois sacré d’une île de l’Océan se trouve (raconte-t-il) un char voilé dédié à la déesse ; seul le prêtre a le droit d’y porter la main. Quand il sait que la déesse y réside, il y attelle deux génisses et suit dans un profond recueillement. Ce sont alors des jours de joie, ce sont des fêtes pour les localités que la déesse daigne visiter, où elle daigne s’arrêter ; la paix règne dans le pays jusqu'à ee que le prêtre | ramène à son bois sacré la déesse fatiguée des hommages des mortels, et y lave dans un lac solitaire le char et le voile et (prenez-en ce que vous voudrez) la déesse elle-même. Nulle part, dans ce curieux récit, Tacite ne parle d’une représentation figurée, d’une statue de la Terre Mère ; il ne le pourrait d’ailleurs pas sans se mellre en contradiction avec luimême. Ainsi donc, comme le dit Fusiki, dk Coulano.ES, les idoles des Germains « étaient des objets informes comme celles des plus anciens Grecs ».

Quelques.siècles plus tard, ilest dillicile d’affirmer que les divinités des Germains soient anthropomorphisées. La lettre dans laquelle le pape saint GrkGoiKE parle au patriarclie d’Alexandrie Euloge, des ( idoles de bois et de pierres » des Angles, semble bien ne rien prouver à cet égard, et les nombreux passages de Bède relatifs aux idoles sont trop vagues pour qu’on en puisse tirer des inductions précises. Un peu plus tard encore, au temps de Charlemagne, si l’Irrainsauldes Saxons est bien une idole sculptée (rien que de naturel dans ce fait, puisqu’il s’agit d’un homme divinisé, Arminius. le vainqueur de Varus), il n’en est pas de même pour Fricco, le dieu qui dispense la paix et le plaisir aux mortels ; an témoignage d’Adam de lîrênie. Tin priape colossal le représentait. Quant au ^^'udan à l'œil unique, au chapeau à larges bords ramené sur le visage, c’est une fiction de poètes de basse époque.

Ce qui fait question pour les Germains ne le fait nullement pour les Scandinaves. De très bonne heure, ceux-ci onlanthropomorphisé leurs divinités ; la pierre runique de Sanda en fait foi, et combien d’autres documents archéologiques avec ellel Les poèmes, de leur côté, — ils sont, il est vrai, Irien postérieurs, — décrivent les dieux sous des traits humains et leur donnent des costumes humains ; ils leur attribuent également toutes les habitudes et toutes les passions humaines. On pourrait écrire un

curieux travail sur l'évolution de la conception humaine d’Odin par les poètes Scandinaves, sur l’addition successive de traits nouveaux à la conception jirimili ve jusqu’au jour où le dieu Scandinave a atteint, chez les Islandais, sa forme dernière, avec tous ses attributs et ses deux corbeaux Hugin (l’Esprit) et Munnin (la Mémoire) perchés chacun sur une de ses épaules.

Pas plus qu’ils n’ont eu des représentations anthropoiLiorphisécsde leurs dieux, les Germains n’ont eu, si l’on s’en rapporte à Tacite, de temples à proprement parler ; des bois sacrés leur en tenaient lieu. « La majesté des dieux, dit formellement le grand auteur latin, ne permet pas, à leur avis, qu’on les enferme dans des murailles ; ils leur consacrent des bois, des forêts..W’c cohihcre parielihus deos… c.r magniludine cælcsliiun avliitrantur. I.iicos ac neniora consecrant. » Et, eiTectivement, il parle d’une forêt qui existe chez les Semnoiis et qui est n consacrée par les augures de leurs pères et par une antique terreur, silvam au^iiriis putruni elprisca fovmidine sacram ». Ici encore, par conséquent, disons avec Fustel de Goulanges que les Germains « n’avaient pas plus de temples que les Italiens n’en avaient au temps d’Kvandre ».

En a-t-il été de même quelques siècles plus lard, à l'époque des invasions et ultérieurement ? Les Germains ont-ils eu alors de véritables temples ? ou se sont-ils simplement contentés, alors encore, de bouquets d’arbres ou de clairières au milieu de bois sacrés ? Le fait que saint Honiface bâtissait des chapelles, au VIII » siècle, avec le bois des grands arbres fétiches n’est pas pour infirmer cette opinion. Mais le vénérable Bi>db parle formellement de l’existence de temples chez les Germains del’ile de Bretagne, exactement comme le fait le pai>e saint Grégoire dans ses lettres ; il distingue même les temples et les enceintes sacrées. Existait-il donc un temple, si modeste fût-il, à Godmnndliam, le (c clos des dieux », près d’York, au temps d’Edwin, le roi de Northumbrie ? Bède raconte également que, de son temps, il y avait encore en Eslanglie un temple où l’autel du Christ faisait pendant aux divinités germaines.

On peut, semble-t-il, trouver l’explication de ce fait dans l’existence de temples romains dans l’ilede Bretagne au temps des invasions anglo-saxonnes. Avant sa conversion, le roi de Kent Ethelbert ne sacrifiait-il pas à ses dieux à Cantorbéry, dans un ancien édifice romain ? El une découverte tout récemment faite à Cantorbéry même ne vienlclle pas de vérifier l’exactitude de ce témoignage des textes ? Ainsi l’existence de temples chez les Germains de Bretagne ne prouve nullement l’existence de temples dans les cantons du continent vierges de l’innuence latine.

Dans tous les cas, les Scandinaves ont eu, quant à eux, de véritables temples où ils ont particulièrement honoré certains de leurs dieux. Tels les sanctuaires, à Seeland et à Upsala, de cette Rethra dont le dieu Radigost. Radigast, était peut-être l'équivalent chez les. Slaves occidentaux.

Voilà donc, autant qu’on peut les dégagerde l’examen des textes, quelques dissemblances, ou quelques divergences, entre Germains et Scandinaves. En vient-on maintenant au culte proprement dit, ces divergences disparaissent. Partout on invoque les dieux, on les prie, on leur sacrifie ; partout, à côté d’un culte privé, individuel, il existe un culte public, rendu par un clan, par une tribu. On offre alors aux dieux des mets, des boissons, des céréales, des fruits, des animaux, parfois même des victimes humaines. Tacite parle du sacrifice humain solennellement offert chaque année par les Semnons