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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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que pour les Germains occidenlaiix. Au contraire, lorsque Tacite parle de l’ensemble des tribus de la contrée, nous ne pouvons pas récuser en doute ce qu’il dit ; ne Iraite-t-il pas, dans son De Moribus Germanorum, de l’ensemble de la contrée avant de parler de chaque tribu en particulier ? Or Tacite ne parle qu’une fois de divinités communes à tous ces Barbares — Mercure, Mars, Hercule — et encore ne semble-t-il pas indiquer que tous les Germains adorent Mercure quand il dit, au début du chap. ix de son ouvrage : Detirum maxime Mercurinm colunt. Ailleuis, il ne parle que de divinités particulières à des tribus déterminées : Mars est adoré chez les Hermundures, et Mercure chez les Cattes, Isis chez une partie des Suèves, les Alcis (dans lesquels les Romains voientleséquivalents de Castor et de Pollux) chez les Nahanarvales, et Nerthus, c’est-à-dire la Terre Mère, chez sept tribus suèves des secretiora Germaniae, du fond de la Germanie, comme aussi parmi les Jesfaorum gentes. Certains de ces dieux sont romanisés ; un autre est appelé d’un nom où l’on peut retrouver facilement un véritable nom germanique (Nerthus, Erda, Hertha, ne sont-ils pas un seul et même mot ?) ; mais, pour les Alcis, il faut renoncer à trouver l’équivalent germanique de ceux que Tacite dit être- inteiprelatione romana. Castor et Pollux. Avouons donc notre ignorance, et renonçons à reconstituer le Panthéon complet des Germains de l’époque de Tacite. Tenons-nous-en exclusivement aux données positives fournies par les auteurs romains, et, pour nous faire une idée générale de la religion des Germains au i" siècle de l’ère chrétienne, tlisons avec Fostrl de Coulanoes que cette religion

« était celle des âges primitifs de leur race ». Les

Germains « adoraient les dieux qu’avaient autrefois adorés les plus vieilles populations de la Grèce et de l’Italie : le soleil qui éclaire, la terre qui nourrit, le glaive qui tue ». (/.’irii’asion germanique, éd. C. Jullian, p. 283.) Aller plus loin serait sans aucun doute imprudent, et l’on ne saurait sans danger prétendre tirer autre chose qu’une mention intéressante de l’inscription dédiée Marti Thingso par ces soldats germains qui, loin de leur pays natal, veillaient auprès du Mur d’Hadrien à la défense de l’Empire romain dans le Nord de l’Angleterre (à Housesteads) durant les temps de la domination impériale dans 1 ile de Bretagne.

3. Croyances religieuses des Germains au début du moyen âge. — Ce sont les mêmes idées générales que nous retrouvons quelques siècles plus tard, au temps des grandes invasions barbares, parmi les peuples germaniques qui, de tous les côtés, se précipitent sur l’Empire romain et franchissent, soit le limes, soit les fleuves frontières. Seulement, nous sommes cette fois beaucoup mieux, ou plutôt beaucoup moins mal renseignés que pour le premier siècle après J.-C. ; les auteurs qui écrivent en langue classique ne sont-ils pas très nombreux, et souvent très prolixes, encore que trop brefs à notre gré ? et ne disposons -nous pas, d’autre part, d’un certain nombre de textes précieux d’origine germanique, de poèmes en particulier, où il est question de la mythologie, sinon des croyances religieuses, des peuples partis de la plaine allemande à la conquête de l’Empire romain ? Il devient possible, dans de telles conditions, de tracer de la mythologie germanique, avec quelque précision, un tableau d’ensemble, mais non pas de constituer un Panthéon des Germains en général.

C’est surtout à la légende héroïque des Anglo-Saxons qu’il faut recourir pour obtenir ce résultat. En effet la domination romaine avait déjà disparu de l’île de Bretagne quand les Barbares y arrivèrent et

quand ils refoulèrent les populations indigènes des Bretons chrétiens sans se mélanger à elles. Malheureusement, là encore, notre curiosité est plutôt excitée que satisfaite ; Chantepie de la Saussaye a raison de parler du « monde de légendes et de mythes que le poème de Beowulf, joint aux légendes danoises et au folklore du Holstein, nous fait connaître ou nous laisse deviner ». En réduisant à leur plus simple expression les données que contient toute cette littérature, nous arrivons aux résultats suivants.

Après qu’eut pâli la figure de Zio-Tiwaz, du dieu du Ciel, d’autres divinités apparurent, qui le supplantèrent, et qui l’avaient certainement fait dès l’époque de Tacite. De ces nou^eaux venus, le plus important de beaucoup est Donar, le grand dieu du tonnerre, la divinité de l’orage proprement dit, qui a fini par prendre la place de Zio-Tiwaz. C’est un ami des dieux et des hommes, toujours en lutte contre les géants malfaisants ; armé de son lourd marteau de fer, il ne cesse de jouer un rôle actif et le plus souvent bienfaisant. A côté de Donar, à qui est dédié le cinquième jour de la semaine (Donnerstag, le jeudi), voici une autre divinité de premier plan. Wodan (Wuotan), u le soufflant ». Mais, encorequ’il occupe la place d’honneur dans ces tables généalogiques contre lesquelles Daniel de Winchester conseille à saint Boniface de ne pas s’élever directement et dans les noms propres anglo-saxons, Wodan n’est nullement, au début du moins, un dieu populaire, et il faut attendre des temps relativement assez rapprochés de nous pour que, suivant le mot de Paul Diache, Wodan devienne un dieu pour tous les Germains (IJ’orfnM srtHe, quem adjecta litera Guodan dixerunt, … ah unii’ersis Germaniæ gentibus ut deiis adoraitir). C’est lui que Tacite désigne (dit-on toujours) sous le nom de Mercure, comme il désigne Mars sous le nom de Donar ; ses allril utions sont multiples, voire même contradictoires, puisqu’il est tout à la fois le dieu du vent, de la moisson, et aussi de la fécondité, et celui de la bataille et de la mort.

Ces grands dieux sont loin d’être les seuls qui se soient formés par la personnilieation distincte de certains aspects de l’être et de l’activité du dieu du ciel ; mais ce sont les plus importants, comme le prouve la formule d’abjuration prononcée en 8a6 à Ingellieim par Harald Klak, prince du SIesvig et du Jutland, en présence de Louis le Pieux. ICIak déclare y oublier Thunær. end U’oden, end alliim tliem itnholdum tlie hira genolas sind, « Donar et Wodan et tous les malins esprits leurs confédérés ». On peut nommer plusieurs de ces <i malins esprits », et des dieux, et aussi des déesses. Dans celles-ci, on a voulu voir souvent, par analogie avec ce qui se passait pour les dieux mâles, des personnitications plus restreintes de la Terre Mère, de cette Nerthus, id est Terra Mater, dont parle Tacite comme intervenant dans les affaires humaines et parcourant les nations. On constate effectivement que Frijja, « l’épouse », joue un rôle bienfaisant, visitant les cabanes des humains et bénissant le travail domestique ; mais elle est souvent et même surtout une déesse de l’air ou du ciel, qui passe dans la tempête avec Wodan, son époux. Le sixième jour de la semaine, le J’reitag, notre Vendredi, lui est encore consacré, tandis que le mercredi a cessé d’être consacré à Wodan en Allemagne (Milttioch), mais est deroeuré le jour de ce dieu en Angleterre (Wednesdnr). Que dire maintenant de ces divinités féminines dont parle Tacite : risis de certains Suèves, et la Tamfana des Marses ? Que dire encore de cette Nehalennia, vénérée sur les bords du Rhin inférieur, que mentionnent certaines inscriptions ? Que dire de Perschta, de Holda, des