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NORD (RELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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épaves visibles « le l’ancien culte de ces populations. linnoises. Quant aux vieilles traditions religieuses, ] elles se perpétuent toujours parmi les Zyrianes. t>'esl ainsi que le Teljios Is (la pierre du nid du vent), UP3 cime ouralienne de plus de 1.600 m., aux sommets dentelés, est le séjour de l’Eole zyriane ; déIcnse aux bateliers de siffler ni de crier en passant à la base de ce massif, de crainte d’attirer le vent.

0) Les païens de la vallée moyenne de la Volga ; les Votiaks. — Sur d’autres populations (innoises de la zone forestière, la religion russe a eu moins de prise encore que sur les Zyrianes. On trouve encore, en effet, dans la vallée moyenne de la Volfe-a, non loin de Kazan, plusieurs centaines de milliers de véritables païens. Olliciellcment, ces Finnois ont été convertis et nombre d’entre eux, comme de bons orthodoxes, portent une croix au cou et assistent aux exercices du culte ; mais quel scepticisme que le leur ! a Ma foi, déclarait l’un d’entre eux à Stepben Sommier, je ne tiens pas à changer de religion. Avec leurs chants et leurs cierges, les Russes n’obtiennent pas davantage de leurs dieux que nous n’obtenons des nôtres par des sacrilices dans les bois. » Aussi, comme l’a très bien dit Charles Rabot, « même chez les convertis persistent les anciennes croyances ; dans leurs idées religieuses, les saints du paradis orthodoxe ont simplement pris place à côté des divinités de l’Olympe indigène, et en leur honneur ils font des sacrilices pareils à ceux qu’ils offraient jadis à leurs divinités. Christianisme et paganisme se trouvent ainsi intimement mêlés. »

Voilà ce que l’on peut constater entre Kama et Viatka. Les Votiaks qui vivent dans cette partie de la Russie ne sont chrétiens quede nom, et conservent assez lidèlement ces anciennes croyances animistes qui leur faisaient donner une âme à la plupart des objets tout comme aux hommes. Pour eux, d’autre part, un grand nombre d’esprits anthropomorphiqnes, les niourt, gouvernent les éléments et protègent les humains. Les uns habitent la forêt, d’autres les eaux. Ces mourt se mêlent aux hommes, participent à leurs travaux, à leurs jeux. Le plus puissant d’entre eux, l'/ii-mourt, l'/nmar, est l’esprit du ciel, qui est devenu le dieu suprême, habite les espaces éthcrés et lutte contre les mauvais esprits, les cliaitaiis. Ceux-ci sont d’introduction récente dans la mythologie votiake. Naguère, en effet, cette mythologie ne connaissait que des esprits obéissant à leurs penchants et susceptibles, exactement comme les hommes eux-mêmes, de faire tantôt le bien et tantôt le mal ; et c’est devant les chaïtans qu’ont disparu les Vorchouds, ces esprits protecteurs des familles ou des clans dont le souvenir subsiste seul, attesté par un «. mot témoin » (si l’on peut dire) de la langue votiake, désignant une idole… Dans tous les cas, s’ils semblent avoir offert naguère des sacrilices humains à leurs divinités et s’ils ont peutêtre pratiqué même l’anthropophagie, les Votiaks se contentent aujourd’hui de sacrilices d’animaux A leurs dieux, parmi lesquels on doit (comme chez tous les autres peuples delà race finnoise) classer les arbres et les bois, les sources, les rivières et les lacs. ils présentent des victimes (une chèvre ou un coq) dont ils consomment ensuitelachairdans lesagapes sacrées qui succèdent aux sacrilices eux-mêmes. En témoignage de ceux-ci, ils suspendent à des arbres, sur des poutres, etc., la peau des animaux égorgés. Ainsi — et telle est bien la conclusion qui se dégage des études de J.-N. Smirnov — les Votiaks soidisant orthodoxes sont en réalité tout autres ; sous une mince pellicule d’orthodoxie, ils sont encore livrés au véritable paganisme.

Tome 111.

t) Les Mordves. — Chez les Mordves, comme chez les Votiaks, il est actuellement question d’un mauvais esprit qui a le nom de Sajtan : mais Sajtan ne joue de rôle que dans leur cosmogonie, et ce nom n’est pas le seul trait d’importation étrangère que l’on puisse relever dans cette cosmogonie, dont voici un bref résumé.

Au commencement, il n’y avait rien que le Ciel (Skaj) et la matière, c’est-à-dire la terre et l’eau. Suileur dos, trois poissons géants portaient la terre, que recouvrait l’eau, au-dessus de laquelle Skaj nageait, ou voguait ^n barque. Un jour, Skaj créa la terre ; mais il avait auparavant, dans un moment de distraction ou de dépit, donné naissance à Sajtan, et celui-ci se mil à gâcher l'œuvre de Skaj. Il en mérita ainsi la malédiction, el dès lors commença une lutte ininterrompue entre Skaj el Sajtan. L’homme en pâlit, car Skaj ayant créé les bons esprits, Sajtan créa les mauvais.

Celte cosmogonie est complètement indépendante de la religion même des Mordves, qui ont pratiqué naguère le culte des ancêtres. Poureux, comme pour tant d’autres peuples païens, le mort (celui-ci n'était pas inhumé, mais siraplementdéposé à la surface du sol) conservait dans la vie d’outre-tombe les habitudes, les besoins, les passions même qu’il éprouvait durant sa vie terrestre. Les Mordves s’appliquaient donc à leur donner satisfaction ; ils les adoraient et aussi les redoutaient (croyance aux vampires).

Actuellement, on constate chez eux de multiples survivances de leur paganisme ancien et du culte des ancêtres. Us vénèrent des esprits protecteurs qui veillent sur la maison el sur ses dépendances, d’autres esprits qui se dissimulent sous les phénomènes de la Nature : esprits de l’atmosphère, des eaux, des forêts… Ces esprits ont tous les caractères de l’anthro|)omorphisme ; le dieu suprême du Panthéon mordve, celui du Soleil, source de toute lumière et de toute chaleur, a la figure humaine ; de même, le dieu du tonnerre. De même encore, les vir’u>a, ou esprits des forêts, sont des femmes de taille gigantesque, auxquelles les Mordves attribuent des enfants. Ces idées sont à rapprocher de celles qui sont énoncées dans le Kalevala, dont un des héros, invoquant Mielikki, laqualiliede « reine des forêts, mère des troupeaux, aux larges mains », et dont les auteurs ont donné pour enfants, à celle même Mielikki,

« Nyyrikki, noble héros au casque rouge » et « Tellervo, la vierge des bois au gracieux visage, à la

belle chevelure d’or, à la robe de lin moelleuse ».

A leurs esprits, récemment encore, les Mordves offraient des simulacres de sacrilices humains. C’est sur des collines et surtout dans des clairières, mais aussi sur les rives des lacs, des fleuves et des rivières, ou au milieu de simples bouquets d’arbres, que ces Finnois implorent leurs dieux. Ils ont parmieux des sorciers el des magiciens, ou plutôtdes sorcières el des magiciennes que l’on peut assimiler aux chamans sibériens.

d) Les Tcbérémisses. — Comme les Mordves et les Votiaks, les Tchéréraisses sont de véritables païens, qui, de l’adoration des phénomènes naturels et d’un fétichisme grossier, sont passés à l’animisme, mais n’ont guère été plus loin Leeiel quiiia, ioiiina ; cf. le Jiitnala finlandais), les pierres, les montagnes, les arbres ont d’abord été, directement, l’objet de leur culte ; puis, à toutes ces manifestations de la Nature, ils ont attribué un sujet, et c’eslà ces esprits que vont les prières el les sacrifices des Tchérémisses. Mais ces esprits sont bien plutôt des êtres immatériels ; ils ne sont guère encore anlhropomorphisés. Si, pour ces Finnois que sonlles Tcbérémisses l'éclair et le tonnerre sont des frères inséparables^

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