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NATALITÉ

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c’est l'éducalion et l’instruction qui conibaUcnldirectemenl la l'éconditc, comme si les a[)titudes géncsiques étaient en raison inverse des ai>liliides cérébrales. Ainsi les animaux supérieurs — les mammifères — prolilient moins que les poissons et les insectes, situés plus bas dans l'échelle des êtres ; et les (leurs doubles de nos jardins ne deviennent plus belles que par la transformation de leurs étamines en pétales.

Mais l’une et l’autre théories — celles de Doubleday et de Spencer — ne nous fournissent point de sullisar.ts arguments pour expliquer les déclins actuels de la natalité, malgré la large part de vérité sociale qui est, croyons-nous, dans la formule de Doubleday et sur Uiquelle nous reviendrons.

Surtout les auteurs qui, à l’exemple de M. LcroyBeaulieu, invoquent la civilisation comme un frein naturel contre la surpopulation, évitent de préciser la manière dont elle agirait. La civilisation refroiditelle les appétits sexuels ? Le contraire résulte de l’observation et de la statistique criminelle. Hendelle l’acte conjugal plus fréquemment infécond ? Non sans doute, en dehors des cas morbides : d’ailleurs la fécondilé reniarqualile de l'élite intellectuelle de la France catholique est une réponse suflisante. Enfin cette civilisation, avec la soif de jouissances cl l'égoisme qui l’accompagnent, inspirel-elle la perversion de l’acte conjugal et les manœuvres anticonceptionnelles ? Alors, si ce n’est que cela, nous sortons du domaine physiologique pour entrer dans le néo-mallhusianisme et les ob>tacles préventifs vicieux.

Pourtant, cette distinction, M. Leroy-Beaulieu ne la fait pas, tandis que M Arsène Dumont paraît bien ne croire qu'à l’action de la volonté, lorsqu’il imagine l’expression « capillarité sociale » pour désigner le besoin instinctif d’ascension qui pousse les démocraties à limiter leur progéniture en vue d’une amélioration de ses conditions d’exi^-tence. (Dépopulatiun et civilisation, 1890 ; — Natalité et déiiiocralie, 18g8)

La loi que M. Paul Leroy-Beaulieu a formulée, à savoir une diminution naturelle de la fécondité par la civilisation, a été elle-même très vivement combattue par M. PiKRSON, jusque dans les éléments statistiques sur les(|viels P. Leroy-Beaulieu croyait pouvoir l’appuyer (Pirrson, Traité d'économie politique, tr. fr., 19161917, t. II, p. 422 et s.). De fait, si, par l’action de la loi de Doubleday, il y avait une tendance à la stérilisation relative par l’elTet physique du bien-être, d’un autre côté il pouvait y avoir une tendance inverse à la fécondité, grâce à une moralité supérieure qui n’aurait rien eu d’incompatible avec lu civilisation et qui en aurait été au contraire une forme supérieure. Par là éclate le vice de logique de M. Paul Leroy-Beaulieu, ne discernant pas les causes matérielles et physiologiques qui peuvent agir dans un sens, d’avec les causes morales qui peuvent agir dans ce même sens-là ou bien dans le sens opposé.

Il faut sans doute reconnaître, comme nous le verrons bientôt, que les conclusions rationnelles de Malthus ont été singulièrement dérangées par ces grands mouvements de l’histoire à travers lesquels la Proviilence a révélé peu à peu les secrets de la création et les forces mystérieuses cachées en elle. Tout aussi bien, les sombres pronostics de Ricardo, émis quinze ans plus tard, sur les diflicultés croissantes de l’alimentation, ont été démentis encore plus cruellement que ceux de Malthus. Mais rien de tout cela ne pouvait ni ne peut être découvert par une méthode purement scientifique, que ce soit sur la déduction quc l’on s’appuie ou bien sur les inductions que fournissent la démographie et la statistique.

Nous tenons donc pour juste la thèse scientifique de Malthus.

II(. Maltbus au regard de l’apologétique catholique. — Actuelleiuent la plupart des auteurs catholiques, de plus en plus impressionnés par les ravages de la stérilité volontaire, condamnent sévèrement Malthus, et généralement sans l’avoir lu. Cependant le P. Antoink S. J., si ojiposé qu’il soit, ainsi que le P. Libkuatore (^Principes d'économie politique, 1889, I" p., ch. V, tr. fr., 1894, p. 100 et s.) à la théorie scientifique, avoue bien que « par le devoir de contrainte morale, Malthus n’entendait aucunement l’emploi des procédés illicites pour entraver la reproduction ». (Eléments de science sociale, Poitiers, 1893, p. 5^3)

Quoi qu’il en soit de ce dernier point, nous avons oublié beaucoup trop Joseph de Maistre et son éloge de Malthus, éloge qui, « aujourd’hui, dit-on, provoque une certaine surprise » (P. Vkhmkkhscu, S. J., La peur de l’eufant dans les classes dirigeantes, dans l’opuscule l’our Vhonnéteté conjugale, Louvain,

>9'0. P- Tj) C est que Joseph db Maisthb était heureux de trouver, chez un pasteur protestant, une apologie indirecte du célibat des prêtres et des congrégations religieuses, après toutes les condamnations portées contre lui par Montesquieu, Diderot et les Encyclopédistes. Il appelait donc le Principe de population

« un de ces livres rares, après lesquels tout le monde

est dispensé de traiter le même sujet » (Du Pape, 1. iii, ch. iii, 15 3). Il allait, s’il se peut, plus loin encore quand il écrivait, dans son Essai sur le principe générateur des constitutions politiques, que

« toute loi tendant directement à favoriser la population, sans égard à d’autres considérations, est mauvaise, et qu’il faut même tâcher d'établir dans l’Etat

une certaine force morale qui tende à diminuer le nombre des mariages et à les rendre moins hâtifs » (Essaisur le principe générateur, préface). Et, seule, selon lui, « l’Eglise, par laloi ducélibatecclésiastique. avait résolu le problème avec toute la perfection que les choses humaines peuvent comporter, puisque la restreinte catholique est non seulement morale, mais divine u. (Du Pape, loc cit.)

Dans ce sens, l’hommage le plus démonstratif qui ait été rendu à Malthus, d’autant plus suggestif que l’auteur qui l’a rendu n’a pas cité Malthus et l’a peut-être ignoré, est le jugement que porte le P. TaPAHRLLi u’A/.KGLio, S. J., dans son Essai sur le droit naturel (iSS^.l. V, ch. vi). « L’accroissement démesuré de la population, dit le P. Taparelli, est un véritable fléau pour l’honnêteté comme pour l’aisance publique. Par conséquent, s’il est possible de l’empêcher sans injustice et sans dommage, ne serait-ce pas un devoir pour l’autorité sociale d’arrêter, au moyen de ces obstacles, la misère prête à fondre sur la société avec toutes sortes de calamités, et le débordement des mœurs qu’elle entraînerait à sa suite ?… Or, c’est ici le point capital et le plus dillieile… Je suis forcé de l’avouer, la nature seule ne présente ici aucun remède : et voilà pourquoi nous devons, dans notre gratitude et notre admiration, nous prosterner aux pieds de l’Auteur et du Législateur du christianisme. Dans la plénitude des temps, il a rendu la continence vénérable par les éloges qu’il lui a prodigués, possilile par sa grâce, et facile par les institutions qui existent dans son Eglise… La société catholique est la seule qui soit capable de résoudre parfaitement cette grave et délicate question : opposer une barrière à l’accroissement excessif de la population, sans diminuer la félicité sociale, sans entraver les mariages, sans